L’année a plutôt bien commencé pour Breton avec la sortie de leur second opus « War Room Stories« . La bande était de passage dans l’Ouest ces derniers temps, on a pris le temps de poser quelques questions à Roman Rappak.
Comment se passe ce début de tournée ?
Roman : C’est presque la fin de la tournée et on va commencer les dates de festivals. C’est intéressant pour nous de voir les chansons changer pendant qu’on les joue sur scène, d’autant plus qu’au moment où on les écrivait, on pensait beaucoup à leur représentation sur en live, ce qui allait le plus marcher sur scène et ce qui allait marcher sur disque.
Other People’s Problems avait eut une très bonne réception critique, vous étiez préoccupé par cela aussi une fois War Room Stories terminé ou pendant l’enregistrement ?
Roman : Nous voulions faire quelque chose de singulier, le prochain chapitre de notre histoire. Il était inutile d’essayer de refaire le premier album. Il avait pleins de choses assez naïves, je ne voulais pas essayer de corriger des trucs, je voulais juste que le deuxième soit aussi naïf dans un autre sens. J’avais l’impression qu’on apprenait pendant l’enregistrement en essayant de faire sonner le tout comme un album parfait. C’est comme tenter de prendre la photo parfaite avec n’importe qui, il y aura toujours quelque chose qui ne va pas, quelqu’un qui aura les yeux fermés ou autre chose est dans le mauvais sens, mais parfois ça raconte beaucoup plus que la photo que tu auras pris 10 000 fois.
Qu’est-ce qui vous à amenez vers Berlin pour enregistrer aux Funkhaus Studios ? Vous cherchiez un structure avec les mêmes qualités que le Lab, un endroit qui a du vécu ?
Roman : Tout ! On a apporté tout ce qu’on avait dans un gros van. Dès que l’on est arrivé dans ce coin industriel de Berlin, très loin du cool de la capitale, on a fait le tour et on a vu que c’était presque un lieu fortifié. C’était très sérieux, une ancienne bâtisse de propagande communiste. Ça nous a pris presque deux heures pour trouver la salle qu’on avait loué, l’ambiance était très étrange du début jusque la fin, personne ne pouvait nous indiquer où l’on devait aller. Mais c’était un bon endroit pour enregistrer. Pour un deuxième album, le cliché c’est que tu répètes tout ce que tu penses qui a marché avec le premier et puis tu investis beaucoup d’argent à utiliser un producteur qui est connu ou un studio où tel ou tel album a été confectionné. L’idée, c’était de créer notre propre histoire dans cet endroit.
Vous êtes un peu nostalgique du BretonLabs ?
Roman : Oui, bien sûr ! Pendant l’hiver je ne l’étais pas, parce qu’il y avait du chauffage (rire). Quand je regarde des photos, c’était fou les trucs qu’on a pu faire là-bas. Je regardais les photos quand nous étions en Suisse il y a quelques semaines, il y avait des souvenirs bizarres que j’avais oublié. On avait trouvé une salle et invité pleins de monde à regarder des films. Il y avait quarante personnes dans une salle qu’on avait construit. Trois jours plus tard, on a changé d’avis et on y ferait désormais la fête, c’était un peu l’anarchie. Mais si tu vis trop longtemps comme ça, c’est pas une bonne idée (rire).
J’ai l’impression que War Room Stories sonne un peu plus collectif que votre précédent album, qu’il a plus de force, comment pensez-vous avoir évoluer depuis votre premier opus ?
Roman : Le processus d’enregistrement de War Room Stories était beaucoup moins claustrophobe, avec moins d’électronique. La musique électronique tu l’écris tout seul, tu passes du temps à perfectionner deux ou trois trucs et tu peux continuer encore deux ans à écrire un album comme ça. Mais dès que tu montes sur scène la première fois que tu joues, tout va changer à cause de la logistique, tout comme le ressenti humain. Tu ne peux pas tout prévoir. La première fois qu’on a joué les chansons, elles ont pris une nouvelle voie. C’était la question de suivre ce nouveau chemin et non se battre tout le temps avec la version originale d’une chanson et la version qui changera chaque nuit.
Est-ce que vous pourriez me parler un peu plus du titre Envy ? A l’écoute j‘ai cru comprendre que la chanson était une sorte de réflexion sur les voyages, dans le sens où il était difficile de s’encrer quelque part.
Roman : Oui tu as raison. Ça parle aussi beaucoup de tournée et de voir tous ces endroits de manière un peu superficielle. Comme pour là, on est deux heures avant les balances, on joue le concert trois heures après, on va peut-être voir la ville, rencontrer du monde, mais ça sera un temps et il faudra qu’on reparte. Si tu es musicien, tu peux aller à New-York pour trois semaines et tu ne verras qu’une version de New-York, ça n’implique pas vraiment ce que ça veut vraiment dire. Ce n’est pas pour autant une mauvaise façon de voir une ville. Tu peux habiter à Londres depuis vingt-ans, il y aura toujours des endroits que tu ne connaissais pas et des choses que tu n’as pas encore vu.
Il me semble que vous créez vous-même vos visuels, je me demandais quelle était la signification qui se cachait derrière ces formes et cette texture ?
Roman : C’est l’idée de prendre un objet et qu’on peut changer une chose qui dérègle les sens et la signification. Tu as toujours la compréhension, mais d’une manière différente. Le papillon, c’est quelque chose de simple et cliché, mais élégant. C’est la suggestion d’une renaissance un peu, le passage du laid au beau et que tu remplis avec ce vernis ongle. C’est étouffé et mort, mais mort dans une belle façon . Pour moi, ce qui est intéressant c’est qu’il y a cinq ou six interprétations différentes.
Ça implique quoi d’être un groupe pour toi aujourd’hui à l’heure du tout numérique ?
Roman : A mon avis c’est vraiment ce qui manquait dans la musique. Il y a 25 ans, tout le monde disait que c’était une sorte de révolution, une possibilité de tout changer, un nouveau paysage à conquérir. Je pense qu’on est dedans : la manière dont on peut consommer de la musique, des idées, la communication. C’est comme un rêve que tout le monde aurait eu qui serait devenu réalité. Les gens qui font des films, écrivent des romans, les artistes, sont effrayés avec tous ces soundcloud, kindle, pirate bay, le streaming. Ça a changé les manières de procéder, et dans cette révolution tout le monde peut y mettre son grain de sable. On a toute cette technologie à disposition, on commence à la comprendre, avec un peu de distance. Mais c’est le lieu le plus excitant pour créer n’importe quel forme d’art.
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Photo par Vincent Pn ©