Monsieur le Premier Ministre,
À titre d’ex-ministre de la Santé, vous savez mieux que
quiconque que le ministère de la Santé est devenu un mastodonte ingérable. On
peut difficilement en attribuer la cause aux qualités de gestionnaire des
ministres. Depuis trente ans ils ont tous échoué.
On ne peut pas non plus l'attribuer au manque d’argent. Le
ministère accapare déjà plus de 40 % du budget de la province. Au cours des 10
dernières années, les dépenses du gouvernement en santé ont augmenté de 167 %,
passant de 18 milliards à 30 milliards. On se retrouve aujourd'hui avec les
mêmes problèmes: 30 % de la population n'a pas de médecin de famille, les
salles d'urgence débordent, les aînés congestionnent le système.
Donc, je me permets de vous faire une suggestion qui ne
coûtera rien, mais en revanche permettra peut-être de dompter ce mastodonte
intraitable.
Vous avez la chance de pouvoir compter sur deux députés
capables de brasser les fonctionnaires,
les gestionnaires, les syndicats et les ordres professionnels : les
docteurs Barrette et Bolduc. Il vous faut exploiter cet avantage. Je vous
suggère donc de nommer le Dr Barrette ministre de la Santé du Montréal
Métropolitain et le Dr Bolduc, ministre de la Santé du reste du Québec.
A priori, cette suggestion peut vous sembler farfelue, mais
elle pourrait permettre de faire ce qu’aucun ministre n’a réussi depuis trente
ans.
En scindant le ministère en deux, la tâche des ministres
demeurera immense, mais d’envergure plus humaine. Ils pourront ainsi concentrer
tous leurs efforts à trouver des solutions aux problèmes du système. Vous le
savez trop bien, les problèmes ce n’est pas ça qui manque.
Toutefois, ce plan requiert que certaines conditions
préalables soient respectées.
Il faut motiver les docteurs Barrette et Bolduc à relever le
défi que vous leur proposez. Ils sont ambitieux ce qui vous facilitera la
tâche.
Leur motivation dépendra des gains qu’ils pourraient en
retirer. Vous pourriez par exemple leur promettre que celui qui obtiendra les
meilleurs résultats deviendra le nouveau ministre de la Santé après les
élections de 2018. L’opportunité de devenir le ministre le plus important d’un
futur gouvernement libéral saura les convaincre de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Le but est de les
motiver à redoubler d’ardeur pour obtenir des résultats tangibles et visibles. Pour
éviter que vos ministres dispersent inutilement leurs efforts, je vous suggère
de les évaluer sur les deux critères les plus importants aux yeux de la
population : l’accès à un médecin de famille et la réduction des temps
d’attente aux urgences.
Je vous assure, vous allez être surpris des résultats. Des
objectifs clairs et une saine concurrence font des miracles pour stimuler la
créativité, l’innovation et l’efficacité.
Bien sûr, les deux ministres tireront la couverte chacun de
leur bord ce qui ne manquera pas de créer des conflits. Mais vous êtes bien
placé pour arbitrer les discordes de vos ministres, le cas échéant. Votre
expérience récente de ministre de la Santé vous confère une crédibilité
incontestable auprès du Conseil des ministres.
De plus, cette approche innovante aura un rôle pédagogique
incontestable auprès de la population. Pour de nombreuses raisons que vos
sociologues sont beaucoup plus aptes que moi à expliquer, les Québécois sont
viscéralement contre toute forme de concurrence
dans l’offre des services gouvernementaux. Lorsqu’ils verront que le
système de santé s’améliore dû à une saine concurrence entre les ministres
Barrette et Bolduc, ils en redemanderont. Le Québec sera mûr pour une révolution
à la suédoise.
Enfin, l’amélioration du système de santé est votre meilleure
carte pour garder le pouvoir en 2018. Dans le cas contraire, la CAQ pourrait
très bien former le prochain gouvernement.
Bonne chance.