Tuez qui vous voulez d'Olivier Barde-Cabuçon

Par Emeralda @emeralda26000

Le livre : 
Tuez qui vous voulez d'Olivier Barde-Cabuçon aux éditions Actes Sud collection Actes Noirs, 378 pages, 22 € 90.
Pourquoi cette lecture : 
Je suis devenue une inconditionnelle des aventures du commissaire aux morts étranges en deux tomes seulement. Quand le talent est là, on le sait immédiatement. 
Ce troisième opus sera-t-il un autre coup de cœur ?! Hum, hum, hum...
J'en tremble d'avance et j'espère bien que cela sera encore de plaisir grâce à la plume d'Olivier Barde-Cabuçon. 
Le pitch : 
Hiver 1759. Alors que s'élèvent les fusées multicolores d'un splendide feu d'artifice donné par le roi à son bon peuple de Paris, un inconnu est assassiné dans une ruelle. C'est le troisième jeune homme retrouvé égorgé et la langue arrachée. Mais cette fois, la victime est russe. Le commissaire aux morts étranges se charge de l'affaire dans une atmosphère aussi singulière que les meurtres dont il a la charge : les miracles se multiplient au cimetière Saint-Médard, et des femmes se font crucifier dans des appartements discrets pour revivre les souffrances du Christ ; les rues de Paris s'enfièvrent à l'approche de la fête des Fous qu'un mystérieux inconnu invite à ressusciter ; la cour, quant à elle, est parcourue de rumeurs au sujet du mystérieux chevalier d'Eon, secrétaire d'ambassade à Saint-Pétersbourg et, dit-on, émissaire du Secret du roi, une diplomatie parallèle mise en place par Louis XV... 
Les tensions s'exacerbent dans les quartiers populaires. Sartine, le lieutenant général de police, craint des débordements car le peuple est seul maître de la rue. Quant au moine, oubliant son âge, il semble se laisser gagner par l'esprit de cette antique fête, où les fous deviennent sages et les sages fous. La royauté est menacée, les interdits transgressés. L'ordre social est-il en train de s'inverser ? Le commissaire aux morts étranges garde la tête froide et mène l'enquête.
Ce que j'en pense : 
Des mois que j'attends la suite des péripéties du commissaire aux morts étranges, du moine, de la pie et des autres personnages issus de l'imagination d'Olivier Barde-Cabuçon et/ou de l'Histoire. Et vlan, voilà t'y pas que mon auteur cabotin (et néanmoins aimé) me sert en guise de prologue une controverse sur les fesses du moine (Qu'il a certainement fort jolies dans mon esprit, mais là c'est moi qui m'égard car encore faut-il parler du seul et unique moine qui vaille la peine d'être évoqué ici...). 
Comment vous dire ? 
J'ai ri intérieurement, mais pas seulement car ainsi, sans même avoir vraiment commencé son récit, Olivier Barde-Cabuçon avait déjà fait très fort. 
Quand on remet tout ceci à plat dans un certain contexte historique et narratif, cette petite provocation n'est pas dénuée de sens. Et le tour de force n'en n'est que plus subtil, c'est ce qui me plait dans cette écriture moderne et travaillée avec soin pour que chaque détail soit plus que ce qu'il est censé être. 
Les protagonistes nous sont déjà familiers pour certains, mais on va avoir la chance d'aller plus loin encore avec eux et ce d'autant plus que seulement deux semaines se sont écoulées depuis la dernière grosse enquête (soit le tome précédent : Messe noire). 
Quant aux petits nouveaux, ce sont de nouvelles facettes de la société d'alors que l'on découvre. 
Quel plaisir de retrouver un petit écureuil malicieux et plein de grâces. Hélas la jeune fille n'est pas toujours à la fête avec Volnay qui est sans doute un peu trop cérébrale et manque de spontanéité. Sa maladresse est touchante, mais aussi agaçante. Quelle patience dans ce petit bout de femme, j'admire. Et quel caractère aussi. 
Le moine, jeune esprit toujours vif prisonnier dans un corps plus mature qu'il ne le voudrait, se pose encore et encore bien des questions. Les réponses qu'il trouve ne sont pas toujours à son goût. Crise existentielle ? Mélancolie ? Je suis volontaire pour le distraire ! 
Il reste néanmoins un puit de sciences et l'écouter est toujours un plaisir car il sait mêler l'essentiel et la bagatelle avec brio. Ainsi apprendre reste une joie. 
Et puis quel cachotier !!!!! 
Volnay se retrouve parfois à jouer les pères face au sien. Un paradoxe ? Oui et non, leur histoire ne fut pas et n'est pas celle d'un long fleuve tranquille. 
Animé de sentiments humanistes, ce dur au cœur tendre est tiraillé de toutes parts. Ses tourments sont hélas très actuels. Trop sans doute. On a envie de l'aider, mais c'est impossible et heureusement que d'autres y parviennent même à son corps défendant. 
Sartine est égale à lui même. Pince sans rire, méfiant même vis à vis de son ombre.  On ne peut pas le prendre pour un imbécile et gare à celui qui oserait essayer !!! Il est seulement englué dans une vision passéiste et c'est bien dommage. Tout comme sa santé, il reste trop sur certaines positions et gagnerait à être plus souple. 
Hélène, la belle et troublante Hélène. Un oiseau rare et mystérieux qui ne s'en laisse point compter. Mi-sorcière, mi-amazone, elle est une créature complexe, forte et fragile. On l'aime et on la déteste pour les mêmes raisons. 
Séverin et Baptiste sont deux petits moineaux. Pauvres, malingres et seuls, ils sauront se rendre utiles et aider Volnay ainsi que son père. La condition d'orphelins peu enviable n'avait encore eu raison d'eux, ni même l'injustice et sa compagne la misère. Mon cœur de maman s'est serré car j'ai deux Pestouilles d'âges similaires. 
Après Casanova, voilà le tour du chevalier d'Eon. On n'est décidément jamais déçu par le "casting". Les apparences sont plus que jamais trompeuses. 
Des veuves libidineuses, des jeunes filles souffrants de handicaps incompris, des valets dévoués, mais sans âmes, des femmes de petite vertu, des diacres ayant vendu leur conscience, des bourgeois, des apothicaires peu regardants, des ministres, etc... voilà encore d'autres personnages peu banals que l'on peut croiser dans ces pages. La population de Paris étant déjà multiples et hautes en couleurs.
Quel beau tableau que voilà ! J'aime vraiment cette diversité de personnages car comme dans la vie, quand on peut connaître un peu les autres, on s'aperçoit vite que nous sommes tous semblables et pourtant différents. Et puis c'est de cette myriade de personnalité que vient aussi l'attrait de cette intrigue. Jamais on ne peut se lasser. 
Comme lors des deux précédents opus, je me suis laissée emporter et j'ai dévoré ces pages. J'étais transportée dans les rues de notre capitale de l'époque. Pour l'arpenter plusieurs fois par an et à pied, j'ai reconnu pas mal de lieux encore facilement identifiables aujourd'hui. C'est aussi cela la magie de ces rues, de ses quartiers qui ont changé, évolué,  mais qui conservent une âme pour qui garde l'œil ouvert. 
Voilà donc un roman "policier" historique qui conserve par bien des aspects un caractère très contemporain. Sans doute notre monde a-t-il pas mal évolué depuis le XVIII ème siècle, mais pas tant que cela sur le fond et même parfois la forme... Hélas ! 
A peine refermé, j'ai envie de poursuivre avec le commissaire aux morts étranges, le moine, la pie et tous leurs acolytes car je sens bien qu'ils ne sont au bout de leur peine et que l'humanité leur réserve bien des aventures a vivre encore. 
Je sais bien que l'esclavage a été aboli, mais ne peut-on point y soumettre son auteur fétiche ????! 
Non hein, c'est hélas ce que je craignais... Zut !!!! Tu ne perds rien pour attendre Olivier... 
Et s'il fallait mettre une note :  18 / 20