Murielle Magellan. (c) E. Robert-Espalieu.
Une symphonie en huit mouvements! Et pourquoi pas? "Cela existe en musique contemporaine", me dit Murielle Magellan qui en a créé une dans son troisième roman, le très beau "N'oublie pas les oiseaux" (Julliard, 344 pages), faisant des mouvements les titres de ses huit chapitres. Un troisième roman mais le premier récit autobiographique de l'auteure. Elle y raconte la passion qui l'a emportée vers l'"homme slave" durant vingt ans.
"En cours d’écriture et assez vite car je suis musicienne", ajoute-t-elle, "le texte a montré du style, du mouvement, du rythme. J’avais la sensation qu’il fallait fermer les chapitres. Ma "Symphonie pour l’homme slave" s’est construite par vagues. Arrivée à huit, c’était étrange mais c’était le mouvement naturel du texte."
"N'oublie pas les oiseaux" est une immense histoire d'amour qui s'est mal terminée mais qui valait la peine d'être vécue. Il commence ainsi:
C'est l'histoire d'un amour.
C'est l'histoire vraie d'un amour.
Cet homme complexe que je raconte a existé, et la jeune femme obsessionnelle qui l'a aimé et qui dit "je" aussi. C'est moi.
Les extraits de carnets intimes sont vrais également. Ce sont les miens. Ceux que je tiens depuis toujours et que je n'avais pas ouverts depuis longtemps.
Un texte d'annonce qui éclaire les huit mouvements qui vont suivre. "J’ai voulu faire un roman pudique malgré l’impudeur de l’exercice", précise Murielle Magellan, "parler de la vie, de la mort, de l’amour, mais sans pathos. A l’arrivée, mon roman est un hymne à la vie. Je raconte une histoire intime pour toucher l'universel."
Ce livre a pourtant failli ne pas exister. La jeune femme empilait des souvenirs de cette vie passée dans un dossier Word de son ordinateur pour son fils Samuel, tout petit (3,5 ans) au décès de son père. Elle écrivait sa vie - leur vie - pour qu'il sache un jour, pas un roman. Et puis... "J’ai découvert des souvenirs extrêmement romanesques. J’ai eu envie de m’emparer de cette histoire. Je pensais aussi au lecteur. Notre époque est assez prudente dans le domaine affectif. On est dans une ère plus sage, on contrôle davantage. On gagne en sérénité, on perd en authenticité. Moi, j’ai eu un homme qui m’a entraînée à l’imprudence, qui m’a obligée à prendre des risques. J’ai eu envie de témoigner de cela, pour tous ceux qui n’osent pas pousser la porte de leur cœur, pousser les curseurs."
Ce troisième roman est l'histoire d'une conquête. L'auteure part à l'assaut d'un homme imprenable qu'elle a aimé intensément. "Le livre est une histoire d’amour", précise Murielle Magellan, "et l’histoire d’une jeune femme qui se construit dans le regard d’un homme, l'homme slave, qui voit les êtres tels qu’ils sont. L’affranchissement de ce regard conduit à une rupture. Le bébé va prendre le relais et l’homme slave ira voir ailleurs."
Un scénario connu, sublimé dans ce roman. On n'a pas envie de faire de commentaires, mais d'y croire comme elle, de le vivre comme elle. On voit la jeune femme grandir, suivre son chemin artistique, des chansons aux pièces de théâtre qu'elle écrit toujours. On voit son cœur battre, s'emballer, manquer s'arrêter. La passion se vit de l'intérieur et elle la partage avec nous.
Le livre est aussi un grand miroir où on voit l'artiste apprendre. La romancière reconnaît avoir eu des surprises en reprenant ses carnets pour en extraire des citations. "Le "bref roman d’amour" que je cite est mon premier roman. Que je l’aie écrit dans mon carnet me surprend. Je ne pensais pas que j’avais déjà eu alors l’idée d’écrire un roman, je pensais que c'était pendant qu’il était malade. J’ai un sac de voyage de carnets non rangés. J’y écris tous les jours, de manière inégale, quand j'en ressens le besoin. Ce n’est pas une discipline."
Et aujourd'hui? Murielle Magellan recommencerait-elle cette histoire d’amour? "Je la recommencerais hier, oui, mais pas aujourd’hui. J’ai aimé vivre cette longue histoire même si elle a été complexe. Cet homme a compté pour moi. J’ai un enfant de lui. Mais aujourd’hui, je n’envisage pas l’amour de la même façon. C’est important de remettre dans les projecteurs la notion d’aimer. La vie m’a offert un scénario pas attendu. Je sentais que j'avais quelque chose à vivre."
Depuis, Murielle Magellan a senti qu'elle avait aussi quelque chose à partager, ce beau roman qu'est "N'oublie pas les oiseaux".