… je te dirai d’où tu viens.
Oscar a 12 mois, il ne parle pas encore mais il comprend une série de phrases. Jusqu’à présent, il communique grâce à des sons connus de lui seul. Ce midi, il déjeune avec sa maman dans la cuisine. A part « papa » et « maman », ce qui sort de sa bouche est incompréhensible. Posé sur une chaise haute, il se concentre, petite cuillère en main, sur son assiette de petits pois. Soudain, Câline, le chat de la maison, fait son entrée dans la pièce. Oscar s’arrête net, il désigne l’animal du doigt et s’exclame : « Miaou ! ».Reprenons maintenant la même scène, avec cette fois un petit Japonais du même âge qu’Oscar. A l’arrivée du chat, il va s’écrier « nya ! », le « miaou » en version nippone.
« Miaou » et « nya » sont deux mots de la famille des onomatopées. Or, une onomatopée est la formation d’un mot dont le son imite la chose qu’il signifie. Le son peut être humain, animal, naturel, mécanique… Depuis la nuit des temps, avant de structurer son langage, l’être humain utilise les gestes et les onomatopées pour se faire comprendre. L’onomatopée est une bizarrerie de la langue. Un mot sans étymologie, né d’une perception qu’un peuple se fait d’un son. Perception, tout est dans la nuance. « Miaou » et « nya » ne se ressemblent pas, pourtant ils désignent objectivement le même son. Alors pourquoi cette différence ?
J’ai récemment découvert dans un petit film très amusant que les bruits du chien, du coq ou bien du cochon étaient différents selon que l’on parle telle ou telle langue. Je pensais naïvement que le cri de chaque animal était universel et que partout dans le monde, la vache faisait « meuh » !
Mais elle fait « eum-mae » en Corée du Sud et « moo » en Arabie Saoudite …
En Angleterre, un âne fait « eeyoore », aux Etats-Unis, il fait « hee-haw ».
Il est étonnant de constater que si en France, un chien fait assurément « ouah-ouah », il peut également faire « bau bau » en Bulgarie ou « gav gav » en Grèce.
Pour tenter de comprendre pourquoi, revenons à nos onomatopées. Dans la langue française, elles représentent 2 % de l’ensemble des mots. C’est peu comparé au japonais ou à l’anglais qui en regorgent. Alors que nous employons le basique « cui-cui » pour désigner le cri de l’oiseau, les Anglais le déclinent sous plusieurs modes : « chirp », « peep », « chirrup », « tweet », selon les circonstances.
L’onomatopée enrichit le vocabulaire même si elle n’a pas de valeur littéraire.
C’est pour cette raison qu’elle appartient essentiellement au langage courant, dans lequel elle est surreprésentée. Les « clic », « chut », « hop », « bip », « atchoum », « bing », « paf », « plouf », « ouf », « pif », « toc », « vlan », « waouh » émaillent toutes les conversations. Nous en inventons même quotidiennement. L’onomatopée est un mot-bruit, une association mentale tellement simple qu’elle sonne comme une évidence. Voilà pourquoi il est étonnant de constater que si en France, un chien fait assurément « ouah-ouah », il peut également faire « bau bau » en Bulgarie ou « gav gav » en Grèce.
En fait, nous entendons les mêmes sons mais ils nous « parlent » différemment. C’est une des merveilles des langues. Chacune a son timbre, sa sonorité, son grain. Elles sont si prégnantes à notre oreille qu’elles nous dictent notre « façon d’entendre ».
Revenons dans la cuisine où Oscar mange ses petits pois. Il vient de dire « miaou ! » en désignant le chat. A-t-il appris le mot ou imite-t-il vraiment le chat ? Les deux en fait. L’enfant est persuadé que le chat fait « miaou » et rien d’autre. Depuis ses premiers jours, il l’entend miauler. A chaque fois, ou presque, sa mère ou son père reprennent le cri de l’animal en faisant un « miaou » qui se rapproche le plus possible du cri qu’il vient d’entendre. Même fréquence, même intonation, même sonorité.
En disant « miaou », Oscar pense imiter le chat. Or, il ne fait que reprendre l’imitation de ses parents. Une imitation d’imitation.
Sous toutes les latitudes, le cri de l’animal est une interprétation guidée par la langue.