Il faut dire que notre homme avait trouvé une faille dans le système qui lui permettait de s’improviser traducteur et d’en tirer profit à moindre frais.
Comment faisait-il ? Il choisissait une œuvre ancienne, plutôt connue et dont les droits étaient tombés dans le domaine public. Ensuite, il traduisait le texte en plusieurs langues, français, russe, espagnol, anglais, suédois. M. Angelo n’avait pas de limites, enfin si, celles de Google Traduction, puisque c’est avec ce logiciel qu’il copiait/collait ses versions.
Pour vous donner un petit exemple, voici ces quelques lignes extraites de L’Ile au trésor de Robert Stevenson, traduite dans notre langue par M. Angelo : « Je prends la plume en l’an de grâce 17 -, et de revenir à l’époque où mon père tenait l’auberge « amiral Benbow », et le vieux marin brun, avec le coup de sabre, d’abord pris son hébergement sous notre toit ».
Les textes ne sont même pas médiocres, ils sont « charabiesques ».
Entrez dans un musée avec une personne qui n’a jamais vu un tableau et montrez-lui des toiles de maître lacérées au cutter…
Une fois sa « traduction » terminée, M. Angelo téléchargeait celle-ci sur Kindle Direct Publishing, un site Amazon d’auto-publication qui jouait là le rôle d’éditeur. M. Angelo recevait un pourcentage sur la vente de chacun de ses « ouvrages ». Sur certains, il avait même ajouté son nom en couverture. Mais la supercherie n’aura duré qu’un temps. Alertée par des consommateurs/lecteurs furieux, la société Amazon lance une enquête interne et ne tarde pas à cibler les ouvrages incriminés. Ils sont tous passés entre les mains, ou plutôt l’ordinateur, de M. Angelo.
Cette arnaque à la petite semaine est symptomatique. Un sentiment de malaise gagne le monde de l’édition numérique. Trop de traductions poubelles circulent sur le Net. Souvent, elles visent des livres bon marché et s’adressent à une clientèle qui n’a pas ou peu accès à la culture. Amenez au Louvre une personne qui n’est jamais entrée dans un musée et montrez-lui des toiles de maître lacérées au cutter… Cela revient à peu près au même.
Amazon, heureusement, a réagi par le biais de sa porte-parole, Brittany Turner : « Nous n’acceptons pas les ouvrages qui offrent une expérience client pauvre. Nous nous réservons le droit de déterminer si le contenu offre ce type de contenu », déclare-t-elle à l’AFP. Une déclaration qui laisse malgré tout perplexe. Les livres de M. Angelo étaient vendus dans une collection à moins d’un dollar. A ce prix-là, s’est-on dit chez Amazon, pas besoin de vérifier le contenu. Vous pensez bien, c’est pour les pauvres. Aujourd’hui, la firme fait machine arrière et prend une leçon de marketing : la qualité se teste. Quel que soit le marché.