Ces corps gras d’origine nutritionnelle agissent sur notre cerveau et précisément sur le circuit de la récompense impliqué dans la dépendance aux drogues, confirme cette nouvelle étude française sur l’animal. Ses conclusions publiées dans la revue Molecular Psychiatry montrent même le lien entre les fluctuations de concentration de triglycérides et l’élaboration par le cerveau de la récompense. Un pas de plus dans la compréhension du mécanisme compulsif sous-jacent à l’obésité, envisagée de plus en plus, au fil des études, comme une forme de dépendance, alimentaire.
La junk food caractérisée par un apport élevé en graisses saturées et en sucres a déjà été décrite par de nombreuses études comme une source de dépendance comparable à la drogue. Rappelons simplement cette étude du Scripps, présentée en 2010 à la Neuroscience Conference de Chicago et publiée dans la revue Nature Neuroscience qui met en évidence, sur l’animal, le caractère addictifd’une alimentation rapide type fast food. Des chercheurs de la Yale et autres universités américaines ont travaillé sur le processus de dépendance dans le développement et la persistance de l’obésité et identifié des schémas de l’activation des neurones impliqués dans les comportements alimentaires de type addictif. Enfin, citons cette étude des National Institutes of Health (NIH) publiée dans le Journal of Neuroscience qui suggère que la suralimentation responsable d’obésité serait favorisée, au départ par une hypersensibilité du cerveau en réponse à l’alimentation. Au-delà de ces études qui ont déjà documenté l’action de certains nutriments sur le circuit de la récompense, certaines écoles vont même jusqu’à envisager le concept de dépendance alimentaire comme une toute autre perspective de prise en charge de l’obésité. Bref, le champ de recherche sur l’alimentation et le circuit de la récompense n’est pas vierge. Néanmoins, dans cette nouvelle étude, l’équipe de Serge Luquet du Laboratoire » Biologie fonctionnelle et adaptative » (CNRS/Université Paris Diderot) fait en quelque sorte un zoom sur l’action des triglycérides sur notre cerveau et directement sur le circuit de la récompense, impliqué dans la dépendance aux drogues.
Il est vrai que dans nos sociétés modernes, le repas reste et de plus en plus, associé à une forte notion de plaisir, souligne le communiqué du CNRS, et ce n’est pas sans raison. Cette motivation "plaisir" est celle-là même qui entraîne ce décalage entre nos besoins énergétiques et notre consommation, avec un accélérateur, la sédentarité. Comprendre cette notion de plaisir alimentaire et décrypter son mécanisme cérébral sous-jacent est donc primordial. Cette étude qui identifie au cœur du mécanisme de la récompense, dans le cerveau, une enzyme capable de décomposer les triglycérides issus de l’alimentation, apporte quelques réponses.
Le rôle clé de la lipoproteine lipase au cœur de l’hippocampe:
· Lorsqu’ici les chercheurs injectent directement dans le cerveau de souris de faibles quantités de lipides, ils constatent une baisse de motivation à accomplir une tâche pour obtenir une friandise. L’activité physique se ralentit. Un nouvel équilibre alimentaire se met en place, entre aliments riches en graisses et aliments plus simples.
· Mais lorsque les chercheurs éliminent l’enzyme spécifique aux triglycérides, la protéine lipoprotéine lipase, au cœur du mécanisme de la récompense (Voir neurones en vert sur visuel), alors, la motivation pour la récompense augmente, avec une appétence plus élevée pour les triglycérides.
· En conclusion, la suppression ou la réduction de cette enzyme entraîne l’obésité. Ainsi, en cas d’obésité, après de fortes et longues expositions aux triglycérides, l’attirance pour les graisses n’est plus régulée par l’enzyme, le cerveau s’adapte pour obtenir sa récompense, de façon similaire aux mécanismes observés lors de l’usage de drogues.
Les chercheurs du CNRS et de l’ANR suggèrent ainsi que les triglycérides d’origine nutritionnelle pourraient agir comme des drogues dures dans le cerveau.
Source: Molecular Psychiatry 15 avril 2014 doi:10.1038/mp.2014.31 Dietary triglycerides act on mesolimbic structures to regulate the rewarding and motivational aspects of feeding (Visuel© Serge Luquet (CNRS/Université Paris Diderot)