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L'amour (une lettre de femme et la réponse de l'homme)

Publié le 16 avril 2014 par Dubruel

LES CARESSES (d'après Maupassant)

Non, mon ami, n’y songez plus.

Ce que vous demandez, me dégoûte.

On dirait, somme toute,

Que Dieu a voulu

Gâter tout ce qu’il y a de charmant

Dans notre amour

En y joignant quelque chose d’horrifiant.

Il nous avait donné le bel amour

Mais le trouvant sans doute trop correct,

Il a imaginé les sens.

Ils sont brutaux, les sens,

Révoltants et abjects.

En les mêlant aux ordures de la chair,

Il a ôté à l’amour son beau mystère.

Il l’a enveloppé d’un acte affreux,

Véritablement honteux.

Il l’a façonné avec un tel mépris

Qu’en en parlant, j’en rougis.

Vos caresses révoltent mon âme,

Blessent mes yeux de femme.

Certes, je me plais près de vous.

Votre regard m’est doux

Mais du jour où vous aurez

Obtenu de moi ce que vous désirez,

Vous me deviendrez odieux ;

Le lien qui nous attache tous deux

Sera définitivement brisé.

Je vous l’assure : entre nous,

Un abîme d’infamie serait creusé.

Votre amie, Odette de Lanoux.

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Mon amie,

Ma chère amie,

Permettez-moi de vous parler brutalement

Sans ménagements galants

Comme je parlerais à une demoiselle

…Qui voudrait prononcer des vœux perpétuels !

Vous connaissez

Ces vers de Musset :

Je me souviens encore de ces spasmes terribles,

De ces baisers muets, de ces muscles ardents,

De cet être absorbé, blême, serrant les dents.

S’ils ne sont pas divins, ces moments sont horribles.

Votre dégoût, je l’éprouve moi-même quand,

Emporté par l’impétuosité du sang,

Je me laisse aller

Bon gré, mal gré,

À d’aventureux accouplements.

Mais quand une femme

Est pour moi l’être d’élection,

Au charme constant,

À l’infinie séduction

Comme vous l’êtes,

Je proclame

Avec ferveur

Que la caresse, ma chère Odette,

Devient le plus complet des bonheurs.

Si, après l’étreinte, notre ardeur

S’éteint, effectivement, nous nous trompons.

Mais si elle grandit, oui, nous nous aimons.

Les baisers froids et violents

Sur des lèvres inconnues,

Les regards fixes et ardents

Vers des yeux qu’on n’a jamais vus

Confèrent une amère mélancolie.

J’ai l’expérience. Je vous l’ai déjà dis !

Mais quand deux amants

Sont unis par un véritable amour,

Quand ils pensent longtemps

L’un à l’autre et même toujours,

Quand, lors d’un éloignement,

Vous apparaissent

Sans cesse

Le visage, la voix, le sourire

De l’être aimé,

Songez-y, n’est-il pas naturel,

N’est-il pas confirmé

Qu’au retour (quant à moi,

Je le crois),

Les lèvres s’unissent avides de désir,

Les bras s’ouvrent, les corps se mêlent ?

N’avez-vous jamais eu envie d’un baiser ?

Dites-moi si les lèvres

N’appellent pas les lèvres ?

C’est parfois un piège. Je sais.

Si la Nature nous donne la caresse uniquement

Pour nous forcer

À éterniser

Les générations, alors, volons-lui !

Faisons-la notre, raffinons-la,

Idéalisons-la.

Aimons la caresse comme le fruit

Qui parfume la bouche, comme la liqueur

Qui grise notre humeur.

Trompons la Nature. Faisons plus

Qu’elle n’a voulu,

Plus qu’elle n’a osé nous enseigner

Sans nous soucier de ses desseins premiers.

Prenons cette caresse délicieuse

Et travaillons-la

Comme une matière précieuse.

Perfectionnons-la

Jusqu’en d’impures combinaisons

Et de monstrueuses inventions.

Laissons les moralistes prêcher la pudeur,

Les médecins conseiller la prudence,

Les poètes chanter l’immatériel bonheur.

Laissons les femmes laides à leur conscience,

Laissons les prêtres, les moines, les frères

À leurs commandements pieux

Et les savants à leurs travaux oiseux.

Abandonnons aux doctrinaires

Leur philosophie fourre-tout,

Et nous, aimons la caresse avant tout !

La caresse qui ranime, affole, épuise.

Celle qui est plus légère que la brise.

Et, ma chérie, si vous souhaitez

Que je vous dise une vérité,

La voici : les seules femmes heureuses

Sur cette terre piteuse

Sont celles à qui

Nulle caresse ne manque.

Les autres, celles pour qui

Les caresses sont mesurées ou rares,

Incomplètes ou bizarres

Vivent harcelées par mille tourments,

Par des tas d’événements

Qui deviennent vite des chagrins.

Les femmes bien caressées n’ont besoin de rien,

Ne désirent rien,

Ne regrettent rien

Car la caresse remplace tout,

Guérit de tout, console de tout.

L’ami qui vous aime, votre Damien.


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