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Couvrant de mots fiévreux mes indignations « confortables », au regard des tragédies qu’elles évoquaient, de
nombreux articles sur ce site, je me suis trouvée un matin dans l’incapacité littérale d’aligner trois lettres qui fassent sens.
La non libération d’Ingrid Betancourt, le peuple tibétain luttant légitimement pour son identité cultuelle et culturelle, la révolte des Birmans noyée sous des flots de boue, aujourd’hui la Chine
et ses milliers de morts…Que suis-je ? Qui suis-je ? Pour me croire investie d’un minuscule et dérisoire pouvoir d’intervention, par mes quelques mots jetés à la force du vent
virtuel…Lorsque j’étais « sur le terrain », je me souviens encore de la terrible culpabilité qui m’avait violemment secouée, alors qu’en avril 2001, la rue Jubin à Villeurbanne,
« ma » rue, venait d’exploser. Je tenais dans mes bras l’un des pompiers qui devait mourir peu après.
Ce même sentiment terrible d’être acteur et spectateur à la fois, m'a étreint à plusieurs reprises, lors de mon travail de journaliste. Dire la tragédie, ne pouvoir ni la contrer, ni la
distancier... Les angoisses de l’enfance reviennent alors. Celles de mes cauchemars. Ceux plus particulièrement, qui me projetaient dans un Auschwitz
grouillant de cendres et de cris, à la recherche de mon père, incapable de trouver son baraquement. J’y rencontrais d’autres présences erratiques, des êtres sans regard, qui me tendaient les bras
et que je ne pouvais saisir.
L’enfant que j’étais ne sauva personne. Et la déportation de ma famille a cessé d'être une une histoire personnelle, à moi seule arrivée, le jour où j'ai ouvert l'espace de mes actes
et de mes pensées à une forme de compréhension plus universelle de la fraternité des souffrances et du bonheur. Pourtant, pourtant, mes mots aujourd’hui me semblent de bien fragiles armes.
Alors, souvent, je suis « un cri qui doute ».