L’oubli rend le temps ineffaçable
mes morts les miens ne repoussent nulle part
mon père me manque beaucoup comment dire
autrement une simple photo de son visage le
transporte en entier à travers toute ma vie c’est
émouvant fantastique important et navrant
les lieux de ses apparitions sont divers hasard
soldat sur quai de gare allée de buis et de pins
chambre en été fenêtres ouvertes cérémonial de
bonne nuit défilé de grenadiers à Londres fin
de journée à Ealing en bordure d’un beau parc
brève visite hôpital Marseille dans un hall qui
empeste l’urine sur une plage de Bandol dans
périssoire bleue à Brest dans une chaloupe où
il est venu me chercher un soir dans un taxi il
compte de l’argent étalé sur la banquette ces
moments devenus souvenirs sans le prévoir ont
emporté avec eux des fuites des flashs de visages
sans voix qui forment l’alliage tenant des sauts
de vie isolés et préservés ressentis entre émotion
et regrets cela fait penser à des temps d’absence
reprendre l’avancée abandonner la bordure
retrouver l’étendue dégagée du champ de blé
fixée dans un gris total sans ombre ni remous
un arbre rond tient ce qui est la fin du champ
branches basses surveillent les lignes de fuite
grand terrain pelage peigné dans le gris ouaté
rien de blotti tout étendu large plein complet
manière de désert tout brossé neuf net nu
terrain libre ou table dressée aux répétitions
c’est une place neuve qu’il fallait la voilà
Jean-Jacques Viton, 3 dizains inédits extraits de "ça recommence", à paraître ultérieurement .
Jean-Jacques Viton dans Poezibao :
bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2 et feuilleton P.O.L. Je voulais m’en aller mais je n’ai pas bougé (parution),Hôtel (par F. Trocmé), un article d’Alain Paire, selected sueurs, (par B. Moreau), ext. 4, Entretien avec JJ Viton par Sandra Raguenet, Catwalk, [note de lecture] Jean-Jacques Viton et La Rochegaussen, "Catwalk", par Anne Malaprade