Les psychologues, les éducateurs, les cogniticiens et même les éthologues vous le diront : c’est par le jeu que les enfants et, plus généralement, les petits de mammifères apprennent. Le jeu leur sert à simuler la réalité et à mesurer les conséquences de leurs actes. Mais, parmi les animaux, l’humain est le seul à inventer un monde abstrait dans ses jeux. Ce goût pour l’abstraction donne à son activité ludique une apparence plus futile que les jeux de combat auxquels se livrent les lionceaux pour tester leur force physique.
Pourtant le raisonnement logique, l’évaluation des quantités et des probabilités, la vision tridimensionnelle et l’optimisation des circuits ont conféré une remarquable capacité d’adaptation à l’espèce humaine. Ainsi, d’un point de vue évolutif, le jeu d’esprit ne serait pas futile.
Aujourd’hui, l’homme est doté d’une imposante connaissance du monde, qu’il doit transmettre. Le jeu mathématique l’assiste dans sa tâche éducative, car, comme Leibniz le remarque encore : « Nous réussissons mieux ce que nous faisons avec plaisir. » Faites réciter à un enfant le théorème de Pythagore : il s’exécute avec un certain sens du devoir. Faites-lui la démonstration du théorème sans un mot, à l’aide de carrés accolés au triangle : son œil s’éclaire. En outre, le jeu mathématique ouvre des voies d’exploration de nouvelles mathématiques : théorie des nombres et code de Gray, géométrie et théorie des graphes, logique et théorie de la complexité, etc.
Foin de discours sur la pédagogie ! Il y a un siècle, le mathématicien Charles-Ange Laisant s’exclamait déjà : « Ceux pour qui le mot “instruire” est synonyme d’ennuyer – et quelquefois de torturer – sont de véritables malfaiteurs publics. » Nos bienfaiteurs sont les concepteurs de jeux mathématiques, tels que Samuel Loyd, Henry Dudeney, Édouard Lucas, Martin Gardner… et les auteurs du présent recueil.