Brice, la cinquantaine, déménage. Il quitte son appartement à Lyon pour une maison dans un bled près de Valence. Sa femme Emma est absente, reporter, elle doit être à l’étranger. Dans son nouveau logis, au milieu de ses cartons, Brice est un peu perdu et incertain, doit-il tout remettre en place dès maintenant ou attendre le retour d’Emma qui aura évidemment une autre idée de l’emplacement des choses. Brice pense beaucoup à Emma dont il n’a – curieusement - pas de nouvelles. Sa solitude, tournant à la dépression, va être troublée par l’irruption impromptue d’un chat qui s’installe chez lui et par Blanche, une jeune femme excentrique qui s’immisce dans son quotidien.
Le roman est très court et je ne peux guère vous en dire plus au risque de gâcher votre lecture. Pascal Garnier est un funambule, quand il entraine le lecteur sur son filin on ne peut que le suivre. Chaque pas, chaque page veux-je dire, est une surprise ou une inquiétude. Chaque personnage apporte son lot d’étonnement au point que le lecteur se demande parfois, si tel ou telle est bien sain d’esprit, pourquoi ce mystère qui plane, ces non-dits qui éclaireraient tout mais que Pascal Garnier nous tait dans un premier temps. Sa plume est un compte-goutte qui lentement libère les explications que nous réclamons, un travail d’orfèvre.
Ce bouquin est une perle, le genre de « petit livre » qu’on adore pour mille raisons : il est simple à lire, il est court, le style ciselé et le propos envoûtent, on est intrigué par l’histoire, on ouvre de grands yeux à certaines révélations et quand il s’achève on se sent comblé par ce que la lecture est capable d’offrir de meilleur. Et alors que vous vous réjouissez d’avoir dégotté un superbe écrivain inconnu, de rapides recherches sur internet vous apprennent que vous seul étiez dans cette ignorance. Je ne découvre Pascal Garnier qu’aujourd’hui, quelle misère ! Mais j’ai un avantage sur vous, il me reste une bonne quinzaine de ses romans à découvrir.
« Chez tout quinquagénaire il y a une guitare qui sommeille. Comme il venait de loin cet accord perdu !... Brice ouvrit l’étui avec autant de précaution qu’un égyptologue un sarcophage. Dans son écrin de velours rouge le bois satiné de la Gibson resplendissait. Seules les cordes semblaient un peu rouillées. La guitare était aussi légère qu’une jeune mariée quand il la posa sur sa cuisse. A peine désaccordée. Du majeur gauche il lui fit rendre les harmoniques. Intacte. Le chat, l’œil écarquillé, n’en revenait pas de voir les mains de l’homme faire chanter ce meuble. D’un bond il sauta sur la table et chercha à mordre ces moustaches d’acier semblables aux siennes jaillissant des mécaniques. »