Sous les feux du regard, Agnès Thurnauer interroge la peinture et ses modèles. L'exposition "Now when then, de Tintoret à Tuymans" au Musée des Beaux-Arts de Nantes, jusqu'au 11 mai, s'articule autour de dix tableaux, une sélection de portraits où l'artiste dialogue avec les peintres. La galerie de Roussan, à Paris, lui consacre également une exposition de ses œuvres récentes, jusqu'au 24 avril.
Acrylique, allégorie, annonciation, artifice... peut-on lire sur la toile Peinture somnambule (2013) d'Agnès Thurnauer exposée à la galerie de Roussan. Tel un voile, l'écriture recouvre entièrement la surface du tableau. Un tissage de mots au contact du corps qui masque à peine d'un halo verdoyant, le corps dénudé du modèle, l'artiste elle-même vue de dos, montrant avec audace la caricature d'une culotte de cheval. Face à la masculinité imposante de la peinture, elle oppose ainsi une image crue et assumée de la femme... Quel culot ! Plus loin, tout le long du mur de la galerie, Matrice (2013), une sculpture-installation au sol composée de moulages de lettres de l'alphabet en résine. L'artiste a mis en scène des fragments, brisures comme autant d'ouvertures, de brèches dans l'espace. La présence de l'écriture est omniprésente dans son travail. Elle apparaît notamment entre 2007 et 2009, dans ses prédelles - ou "près d'elle" -, en référence à ces petites peintures du XVIe siècle qui servaient de support aux panneaux principaux d'un retable. Parties basses, les prédelles ont souvent été désolidarisées du tableau. Par un rapide jeu de mots, Agnès Thurnauer associe l'aile de ses "près d'aile" aux quatre lettres E.L.L.E. mettant ainsi la métaphore visuelle de la palette en une du magazine féminin nommé.
Par le mode citationnel, Agnès Thurnauer s'est approprié avec force et éloquence les formules masculines, donnant à entendre une voix de femme artiste. Clins d'œil à Gerhard Richter par ses dessins et ses écrits superposés, hommage à Jasper Johns dans une forme de systématisme, reconnaissance infinie à Edouard Manet d'avoir représentées des femmes peintres comme Victorine Meurent et Berthe Morisot. Agnès Thurnauer peut désormais s'extraire de la citation, les contours de son œuvre-langage étant déjà dessinés.
> Le site d'Agnès Thurnauer www.agnesthurnauer.net
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