Michelangelo Merisi, dit Il Caravaggio (Milan, 1573-Porto Ercole, 1610),
Ecce Homo, c.1605
Huile sur toile, 103 x 128 cm, Gênes, Palazzo Bianco
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Au tout début de cette année 2014, rendant compte de l'enregistrement des Responsoria de Carlo Gesualdo dirigé par Philippe Herreweghe, je mentionnais, dans ma conclusion, que La Compagnia del Madrigale, dont les deux premiers disques pour Glossa ont été accueillis par des louanges unanimes, envisageait à son tour de proposer, toujours pour cet éditeur, sa vision de ce recueil si particulier. Je n'imaginais pas que le projet était aussi avancé et que, quelques semaines après avoir écrit ces lignes, j'en tiendrais le résultat dans mes mains.
Le soin que déploya Gesualdo pour faire éditer ses Répons de la semaine sainte dont tout porte à croire qu'ils étaient, du
fait même de la singularité de leur écriture, destinés à n'être donnés que dans un cadre strictement privé, témoigne du prix qu'ils revêtaient à ses yeux. Sans prêter foi plus que de raison aux
approches plus ou moins vaguement psychanalytiques du personnage et de sa biographie agitée de prince assassin, on peut néanmoins conjecturer que l'idée de faute pouvait trouver en lui un écho
plus fort que chez certains autres, tout en ne perdant pas de vue que l'esprit de mortification et de repentir était, en ce début de XVIIe
siècle, autrement plus aigu qu'aujourd'hui. On ne peut donc complètement exclure que ce recueil aux accents très personnels qui présente, au soir d'une vie, le plus vaste tour d'horizon
possible des capacités créatrices de son auteur, tant dans le domaine de la polyphonie que dans celui du madrigal, soit une manière d'ex-voto aux fonctions expiatoires mais aussi
commémoratives, la mise en musique de textes en latin lui conférant un caractère plus élevé que celles des poésies en langue vulgaire, aussi raffinées soient-elles, qui forment le terreau des
madrigaux.
Il est, bien entendu, tentant de comparer la lecture de La Compagnia del Madrigale avec celle de Philippe Herreweghe, tant la
proximité de leur date de parution semble inciter à pareille confrontation. De fait, l'optique que chacune d'elle adopte est tellement différente qu'elle rend l'exercice malaisé, à moins
d'émettre des avis à l'emporte-pièce. Le chef belge lit, en effet, les Responsoria comme une œuvre dans laquelle la polyphonie la plus raffinée prime sur l'expressivité marquée héritée
du madrigal qu'il ne nie néanmoins pas, tandis que les Italiens adoptent une attitude presque rigoureusement inverse, en revendiquant une approche vigoureusement madrigalesque, ce qui ne veut
pas dire qu'ils négligent pour autant le rendu polyphonique, ce que démontrent avec brio leur Benedictus, leur Miserere ainsi que le psaume et le motet donnés en complément.
À la lumière de ces qualités mais sans renier, pour autant, ce que j'ai pu dire de celle de Philippe Herreweghe, il va sans dire que je vous recommande tout particulièrement cette nouvelle version des Responsoria de Gesualdo qui a de fortes chances, à mon avis, de trôner en tête de la discographie pour quelques longues années, car je ne vois personne, aujourd'hui, qui puisse rivaliser avec ce que propose la Compagnia del Madrigale. On apprend, sur le site de l'ensemble, que son prochain enregistrement est prévu à la fin du mois de septembre 2014 ; est-il besoin de préciser que l'on brûle d'en savoir plus à son sujet et de le découvrir ?
La Compagnia del Madrigale
Extraits proposés :
1. Tristis est anima mea (Jeudi saint, Ier Nocturne)
2. Tenebræ factæ sunt (Vendredi saint, IIe Nocturne)
3. Æstimatus sum (Samedi saint, IIIe Nocturne)
Illustrations complémentaires :
Sisto Badalocchio (Parme, 1585-c.1647), La mise au tombeau, c.1607. Huile sur toile, 47,6 x 38,4 cm, Londres, Dulwich Picture Gallery [image en très haute définition ici]
La photographie de La Compagnia del Madrigale est de Simone Bartoli.