Elle a couru vers son père dès qu’elle l’a aperçu dans l’encadrement de la porte et s’est jetée dans ses bras. Elle était si fière. Il était si fier. Il a signé la décharge, puis ils sont sortis main dans la main. Elle a cligné des yeux sous le soleil, le vent était frais encore.
La musique médicale, c’est quand la fermière regarde si on peut aller au CP, avait-elle déclaré un soir de grosse fatigue.
L’infirmière n’était plus toute jeune, et pourtant, elle l’a trouvée très belle : elle avait de longs cheveux blonds, comme elle, et puis elle avait du bleu sur ses yeux. Les yeux de cinq ans sont de magnifiques lunettes roses pour les adultes.
Elle s’est pliée de bonne grâce aux examens. Des jeux, des dessins, des questions, la colonne vertébrale, la latéralisation. Les vaccins, le vocabulaire, les oreilles, les yeux. Le pouce qu’elle suce un peu trop encore, dernier bastion d’enfance.
Mon bébé d’hier encore est donc apte au CP.
Dans son lit, le soir, son index gauche court sur la feuille blanche où elle a exigé qu’il lui écrive les syllabes, et inlassablement, elle répète : la, le li, lo, lu, da, de, di, do, du, ra, re, ri, ro, ru,…
Bientôt. Une question de jours.
Elle ne peut, elle ne veut plus attendre.
Lire.
Grandir.