Ouf, j’ai mis le temps mais je suis enfin posée! Et prête à revenir plus en détail sur le fameux grand jour : attention, pavé! Qu’est-ce que ça fait, d’être dans la peau d’une mariée le temps d’une journée ? La veille déjà, on ne veut pas se coucher, et on traque fébrilement tous les petits détails qui restent à régler (pour moi c’était le noeud des bonbonnières). Vers minuit, on se force à se coucher pour avoir l’oeil frais le matin.
Mais aux aurores, automatiquement, on est réveillée, aux aguets et étrangement calme. Un thé, un toast, une tentative ratée de manucure qui ruine le calme olympien qui était nôtre… Le rush commence. Douchée, habillée (en jean), direction avec la troupe : la salle de réception, cartons de déco sous le bras (on n’a pas eu la chance de pouvoir tout décorer la veille). Premier coup de stress, il faut enlever quelques tables, le nombre de couverts dressés sur les tables n’est pas le bon, tout à refaire, et l’esthéticienne qui va arriver à la maison, vite, vite, on fait une table-modèle dans l’urgence, on n’a pas le temps de placer les petits marque-place des invités, Chéri assure qu’il va le faire bien, on fait confiance (ben oui), on dresse la table des dragées / urne / livre d’or et on file.
En laissant à regret la salle derrière soi (et en se demandant comment on va la retrouver le soir-même ?).
L‘esthéticienne est à l’heure. Dans l’appart’ déserté pour nous laisser tranquilles, elle entreprendra de coiffer et maquiller la mariée, sa témouine et la maman des susnommées. Déjà, le chignon, c’est une torture ; ça fait un mal de chien et on a l’impression qu’à force de tirer sur des mèches, elle va nous arracher le cuir chevelu. Quand on souffle un peu, soulagée de se voir intègre dans le miroir, une douleur horrible nous ramène à la dure réalité (non, elle ne nous enfonce pas des épingles à toute force dans le crâne, mais ça fait mal exactement comme si). Un traitement de choc (surtout pour les réfractaires aux shalalas comme moi). Pendant la pause (on souffle quand elle s’occupe des autres), c’est la catastrophe : la mariée est malade ! la goutte au nez, les dents qui claquent, chaud et transpirante mais il fait tellement froid dans cet appartement par pitié qu’on calfeutre les ouvertures qu’on apporte des couvertures que diable ! Fausse alerte, en fait ce n’est rien ma chérie, c’est le contrecoup, toutes les mariées passent par là, moi aussi renchérit la cousine (diantre, un rite initiatique?). Prévoyante, la mère de la mariée a toujours sur elle un remède efficace : Efferalgan, gouttes de Fleur de Bach anti-stress ou carré de chocolat noir, et la mariée grelottante est envoyée manu militari à la douche pour se remettre les idées en place. Elle en profite pour se mettre à chialer (oui, les mariées encaissent une forte surcharge émotive, ce jour-là, même quand elles ne l’ont pas décidé et qu’elles ne pleurent jamais d’habitude) et il faut en profiter AVANT que l’esthéticienne ne fasse le maquillage. Bref, une fois la touche féminine et glamour terminée, le chignon est parfait, le voile est piqué dedans et le teint lumineux, la mariée peut commencer l’habillage.
Il lui faut au moins l’aide de deux personnes pour enfiler la robe corsetée et son jupon à cerceaux. Et là, l’attente interminable commence. Tout le monde court partout. Les poches sont remplies d’un bric-à-brac hétéroclite (pâte d’amande, élastiques, papiers, ruban, épingles, n’importe quoi). Le chauffeur arrive. La mariée est priée de s’avancer. De caser sa robe massive dans le petit espace de la portière (et d’intégrer la leçon n° 1 : une robe de mariée est massacrée toute la journée. La choisir résistante, de préférence). De voir défiler les rues familières sans rien comprendre. Elle est déjà sur son nuage et déconnectée du réel. La journée lui échappe (elle la vit sans la vivre, c’est bizarre mais c’est comme ça : elle est passée en mode “pilotage automatique”).
Les gens sont toujours très souriants, au passage d’une voiture de mariée : ils regardent les décorations et les fleurs, la mariée et sa robe immaculée, le père hiératique à ses côtés (qui est aussi bizarre et “hors-du-temps” que sa fille, aucun des deux n’est préparé au rôle qu’il a à jouer ce jour-là). Les enfants saluent la voiture, les gens crient et sifflent, c’est la fête, bizarre ? L’hôtel de ville se profile, les gens sont là, le stress grandit, grandit, tous ces gens familiers et inconnus qui vous regardent, vous regardent descendre de la voiture, être le point de mire, l’angoisse, le photographe qui vous mitraille, aïe, paparazzitée toute la journée! leçon n° 2 : une mariée est toute la journée sous les feux des projecteurs, photographe et cameraman : toujours sourire, toujours. Même si les gens vous regardent avec une intensité bizarre, même si on se sent empruntée et gauche, garder un sourire éclatant et un port de tête altier (sinon on ne ressemble à rien sur le film et les photos). Surjouer. La montée des marches (vers la salle de la mairie, voyons), avec la robe massive, ne pas s’étaler, ne pas s’étaler, et là tout se passe très vite ; lecture des droits et devoirs du mariage, lecture des articles du code civil concernant les époux et la famille, signature du registre, cadeau de la mairie, photos, merci, aurevoir, on redescend vite vite un deuxième mariage attend sous le porche de l’hôtel de ville.
La séance de mariage à l’église aussi, est bien stressante (en fait, on est stressée toute la journée, que ce soit bien entendu). Peut-être parce qu’une église est imposante, ou que tout le rituel rend la cérémonie plus “codifiée” ? toujours est-il que les mariés et leurs témoins sont priés d’aller s’asseoir près de la chaire, sur un banc prévu à cet effet. Ah, oui, la mariée prend au moins deux places à elle toute seule si elle a choisi l’option “robe de princesse” bien gonflante et à cerceaux… La cérémonie commence, donc, homélie, prières, chants, et petite part d’improvisation demandée au pied levé par le prêtre (et là, la mariée doit garder son sang-froid, et avoir un mari qui assure parce qu’il lira au micro, sans chevroter et devant toute l’assemblée, un petit texte qu’elle-même est bien incapable de dire tant la voix lui manque. C’est là qu’on voit comme c’est important de pouvoir compter sur lui). Tenter de garder son self control, de sourire de façon hollywoodienne sans discontinuer et de rassembler tout son courage à deux mains (moites) parce que le prêtre voudrait quand même que les époux lisent ensemble la prière des jeunes époux. Globalement, tout se déroule de loin, de très loin : échange des voeux, échange des alliances, bisou et signature du registre paroissial… Et sortie de l’église, lancer de riz (oui, j’y ai eu droit malgré ma désapprobation, à croire que tous les invités n’ont pas été briefés, bref… et il y en aura d’autres! leçon n°3 : rien ne se déroule jamais selon les plans établis).
Par exemple, la séance photo. Le photographe est djeunz, le photographe est fun, le photographe est à fond : il se roule par terre, se couche dans l’herbe humide (une légère farine de pluie est venue saluer les nouveaux mariés pour les photos, mais heureusement pas très longtemps) et mitraille à tout va. On n’a par contre pas réchappé aux “poses-chamallow” : les mariés se tiennent les mains, les mariés enlacent un palmier, les mariés tournent à toute vitesse (et la mariée a failli s’étaler dans l’herbe et casser un talon)… C’est sûr : je n’aime pas les photos. Point. Mais comme on s’est prêté (de bonne grâce) au jeu, on espère avoir un album digne des meilleurs soap opera (au moins ça, sinon à quoi bon?). L’avantage des poses Barbie & Ken, c’est que les invités sagement postés alentour, peuvent eux aussi profiter du décor enchanteur et faire de jolies photos. Voilà. Et les mariés peuvent entendre crépiter les flashes, et se prendre un instant pour Natalie et Benicio, Cameron et Ashton, Arthur et Guenièvre (d’aucuns auraient dit Brad Pitt et Angelina Jolie, mais nous non). La fin de la séance photo marque le début du cortège qui slalome en ville et se dirige vers la salle de réception. Les gourmands sont heureux, à eux de faire la fête.
La salle, finalement, était superbe et décorée comme il fallait. La mariée s’est dit en la voyant que tout le monde s’était débrouillé comme un chef et du coup le stress est brutalement retombé. D’un coup. Plof. Et comme il était là depuis le matin, ça a fait un vide. Le jupon et ses cerceaux, fatigués d’avoir été piétinés toute la journée, ont commencé à faire des leurs, et la mariée a failli de nombreuses fois s’étaler en marchant dessus. Il a été décidé, par un comité d’expertes réuni dans les (vastes et belles) toilettes pour dames, de découper ce qui traînait (on va voir qui commande ici, vil jupon! non mais). Ce qui fut fait, et la mariée a pu aller danser le pied léger, sans crainte de passer dans Video Gag un de ces quatre matins. Tous les invités viennent taper la causette avec le jeune couple, et ce dernier doit aller saluer tout le monde, discuter, échanger des plaisanteries, mettre les gens à l’aise et ne laisser personne dans son coin. Autant dire que le menu si soigneusement élaboré vous file sous le nez (en plus un jeune couple n’a pas faim : c’est pratique, et ça le serait encore plus si ça pouvait durer les 364 jours restants). Et la soirée file, file, déjà le dessert est dressé, et filent les premiers convives : comment, déjà ? Coupe du gâteau, photos, découchage de champagne, plop, dessert délicieux mais trop vite avalé, et les gens commencent à partir, quoi déjà? merci, aurevoir, prenez ces dragées, à bientôt, un à un, et la salle se vide, il faut remballer avec les fidèles volontaires (ah oui, c’est la tragédie de beaucoup de salles : il faut remballer le soir-même…) et déjà, filer dans le carrosse pour la nuit de noces…
Conclusion : une journée, ça passe très vite, le temps s’écoule sans nous attendre, et à la fin on ne se souvient que par bribes, car tout au long du jour, on est comme absente, on flotte un peu loin, un peu haut… On se dit, toute cette préparation, et au final, tout coule, qui prête attention aux petits détails ? de toute manière, la journée se passe, on relativise tout, le moindre petit couac passe à la trappe… on est heureux, on se regarde, c’est bien lui, c’est Chéri, familier mais devenu un mari, est-ce que ça le change ? est-ce que ça nous change, dans le fond ?
Le séjour à l’hôtel, ce sera pour le prochain billet! celui-ci est déjà bien long!