La lettre anonyme (suite)
Il y a les lettres anonymes qu’on envoie aux
courriers littéraires et qui sont signées de noms inoffensifs :
« Dupont », « Durand », « Bernard ». Elles n’ont
pas elles aussi l’apparence de lettres anonymes et elles donnent des
renseignements tendancieux. Les unes chantent les éloges d’un écrivain, les
autres le diffament. Les premières émanent de cet écrivain et les autres de ses
ennemis.
On le voit, la lettre anonyme est une branche fort importante de la
littérature. C’est grâce à elles que les courriéristes littéraires sont
informés de toutes les jalousies et des petites ou grandes querelles qui
divisent le monde des lettres.
Il convient donc de les écrire avec soin. Nous
connaissons des spécialistes qui, pour une somme relativement minime, se
chargeront d’enseigner aux aspirants-écrivains comment une lettre anonyme doit
être confectionnée. Nous ne publions pas leurs noms, car ils doivent nous
donner un tant pour cent sur les bénéfices et il faut que toutes les commandes
passent par nos mains
Au surplus, si vous ne voulez pas user de notre
intermédiaire, vous découvrirez ces Messieurs facilement. Ils ont des jours de
réception. Renseignez-vous.
N’oubliez pas ce grand principe : « Une
lettre anonyme qui affirme une chose
a moins de portée que si elle se contente d’insinuer,
avec perfidie. »
P.-S. La présentation de cette série d'articles publiés dans L'Aurore en 1914 se trouve ici. Ils ont été retrouvés grâce à Gallica.