L'hiver, l'automne aussi.
Le ciel est jaune, rouge, orangé, bleu tirant sur le vert, violet. C'est à la fois un arc-en-ciel décomposé et une promesse de jolis lendemains ensoleillés. C'est très beau en tout cas.
Au printemps, on parle plus de 19h20, 19h30. Et l'été, on peut se rendre à 20h00 avec un ciel plein de splendeur.
C'est toujours un moment agréable, une fin de journée, un regard sur ce qui vient de se passer et un autre sur ce qui s'en vient. Souvent, un verre en main, une cigarette pour les fumeurs, un livre, tout ça ou rien du tout, tout juste un brin de fatigue accumulé en journée, c'est un moment que l'on s'accorde à soi. Particulièrement délicieux quand, toute une journée au travail, on ne s'appartient plus.
La vie est un train qui file à si vive allure, je m'étonne toujours de constater tout ce qui a été couché comme travail en l'espace de si peu de temps.
En ce qui me concerne, je travaille la nuit de 3 à 13h dans un entrepôt de whisky dans le Vieux-Port. Ensuite, je reviens à la maison et je traduis, quand les contrats de traduction s'enfilent. J'essaie de faire ce boulot dans mes deux jours de congé de l'entrepôt, les mardis et mercredis. Sinon je dors, une heure ou deux, le temps que les enfants reviennent de l'école. Puis je fais mon devoir de père, fait manger pour Monkee, Punkee et l,amoureuse (moi mon appétit est alors trop déréglé pour toujours suivre) je fais ensuite le suivi sur les devoirs, vient écrire ici, écoute un film, lit un peu, souvent deux livres à la fois: un court et un long. Et là je ne parle même pas de la gestion du quotidien que mon horaire me permet: lavage, épicerie, nettoyage, commissions et autres banlieuseries banales.
Pas avec tous, mais avec la plupart, je dirais, le niveau de conversation démontre souvent un grand manque d'éducation. Certains y travaillent depuis 25 ans, depuis qu'ils ont terminé leur secondaire 5...D'autres arrivent tout simplement d'autres pays et sont illégaux, d'autres sortent de prison, d'autres sortent de l'institut psychiatrique ou de l'accueil Bonneau pas très loin de l'entrepôt. Je me fonds bien à ses sympathiques désaxés, mais je fais aussi souvent face à de fameuse immaturité.
M'en chriss mais je lui pardonne, ELLE A 4 ENFANTS, et de plus, le père de ses enfants, son chum, a le même shift qu'elle la nuit. COMMENT FONT-ILS?
Personnellement, je commence à sentir une fatigue mentale qui me rend ému ou sensible à des moments impromptus.
Je me sens à la fois en forme physiquement, mais mentalement en léger recul.
J'ai l'impression que je suis en perpétuelle heure magique, à la fois fatigué et à la fois en train de penser à demain. Aux promesses de "meilleurs" lendemains. Serais-ce à dire que maintenant est nul? épuisant en tout cas. Fatigant. Me plaçant souvent en mode aérien.
C'est parfois très beau.
Comme le spleen peut l'être.
Mais complaisant aussi.
Et je suis de moins en moins valide quand je me gourre dans les toutes simple commissions de la journée.
Je pourrais même devenir dangereux au volant.
Bref, c'est pas une vie mon affaire.
Beaucoup de mots pour dire que je suis crevé.
Et au fond qu'est-ce que vous en avez à cirer?
Prenez vous un verre en regardant le soleil se coucher en fin de journée.
Comme un citoyen régulier.
Moi je continue à faire l'artiste au fond.
Et des fois, c'est un peu con.