L’Ange bleu, le chef-d’oeuvre de Josef von Sternberg au CNP Terreaux

Publié le 14 avril 2014 par Journal Cinéphile Lyonnais @journalcinephil

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CNP Terreaux, 40, rue du President-Edouard-Herriot, 69001 Lyon

L’Ange bleu,
De Josef von Sternberg
Avec Marlene Dietrich, Emil Jannings, Kurt Gerron
Allemagne, 1930, 2h04
Date de sortie 22 juillet 1930
Date de reprise 2 avril 2014 – Version restaurée

Synopsis

Dans l’Allemagne provinciale des années 20, un vieux professeur de lycée, qui règne sur ses élèves en despote, se retrouve un jour dans un cabaret mal famé, L’ange bleu. Sa rencontre avec la chanteuse vedette, Lola Lola, bouleverse son existence routinière, et l’entraîne dans un tourbillon passionnel et destructeur…

Premier film parlant du cinéma allemand, L’ange bleu dresse le portrait poignant d’un homme victime de son propre désir, servi par une prestation hors-pair du "monstre sacré" Emil Jannings. Mais c’est avant tout la rencontre entre la flamboyance visuelle de Josef von Sternberg et la plastique provocante de Marlene Dietrich qui fait de L’ange bleu un des joyaux inestimables du 7ème art.

A propos du film

Symbole éternel d’une féminité destructrice et irrésistible, Marlene Dietrich restera à jamais associée à L’ange bleu, ainsi qu’à son génial Pygmalion, Josef von Sternberg, avec qui elle réalisera ses plus beaux films. C’est ce dernier qui, la découvrant sur une scène de théâtre en 1929, lui fait passer une audition et l’impose pour le rôle de Lola Lola, contre l’avis de la maison de production, la UFA, et de la star masculine du film, Emil Jannings. Le producteur Erich Pommer, qui a déjà à son actif les plus grands chefs-d’œuvre du cinéma allemand – Metropolis, Le dernier des hommes, Le cabinet du docteur Caligari – la trouve en effet trop vulgaire.

Marlene est pourtant issue d’une famille bourgeoise, composée de bijoutiers et de militaires, et son enfance est rythmée par la lecture de Goethe et la pratique du violon. Mais rapidement, la vie artistique et frénétique du Berlin des années 20 la détourne d’un destin trop prévisible. Attirée par les feux de la rampe, elle danse et chante dans les cabarets, avant d’apparaître au théâtre et au cinéma, côtoyant aussi bien Max Reinhardt que Leni Riefenstahl.

En 1929, Marlene a joué dans une quinzaine de films, se faisant un nom dans de nombreuses comédies romantiques. Mais rien de comparable avec L’ange bleu, premier film parlant du cinéma allemand, doté d’un budget de superproduction, avec une star internationale, Emil Jannings, qui empoche à lui seul 200 000 dollars – une somme exorbitante pour l’époque, qui suffirait à couvrir aux deux tiers le budget total de King Kong, et à côté de laquelle les 5 000 dollars de Marlene font pâle figure.

Auréolé d’une brillante carrière aux Etats Unis – où il a décroché le premier Oscar du meilleur acteur en 1927 – Emil Jannings sait que sa reconversion au parlant ne peut se faire que dans sa langue natale, l’allemand. Il fait venir à Berlin Josef von Sternberg, qui l’avait dirigé à Hollywood dans Crépuscule de gloire. D’origine autrichienne, Sternberg est indispensable pour diriger les deux versions du film – L’ange bleu sera en effet tourné simultanément en allemand et en anglais, la UFA cherchant à pénétrer alors le marché américain. A l’inverse de Dietrich, Sternberg vient d’un milieu pauvre et prolétaire, dont il s’est inspiré pour recréer avec un réalisme saisissant le monde de la pègre dans Les nuits de Chicago. L’énorme succès du film lui assure une grande liberté au sein de la Paramount, qui cherche alors une actrice pouvant rivaliser avec Greta Garbo, l’idole de la MGM.

Fasciné par Marlene Dietrich, avec qui il a tout de suite une liaison, Sternberg est persuadé d’avoir trouvé sa future star. Le tournage commence le 4 novembre 1929. Sternberg, fidèle à sa réputation de metteur en scène tyrannique et maniaque, est attentif au moindre détail : décors, costumes, lumière, cadre, rien ne se décide sans son accord, et il peut refaire jouer 200 fois une prise pour atteindre la perfection. Rapidement, le personnage joué par Marlene prend une importance considérable, au grand dam d’Emil Jannings qui sent le film lui échapper. Son ressentiment envers Marlene est tel qu’il manque de l’étrangler pour de bon dans l’une des scènes du film. Mais rien n’y fait, et la mise en scène flamboyante de Sternberg transforme la jeune actrice en icône érotique et fantasmatique, qui assurera à Marlene une renommée internationale immédiate.

Mais ni la UFA ni même Dietrich ne sentent le vent venir. Seul Sternberg paraît assuré du succès de L’ange bleu. Avant que quiconque n’ait encore vu le film, il convainc la Paramount d’engager Marlene. Celle-ci fait sa valise le soir même de la première, le 30 mars 1930. Elle quitte la salle sous un tonnerre d’applaudissements, avec dans la main un billet pour l’Amérique.

Là bas, elle retrouvera Sternberg qui la dirigera dans six autres films, instaurant une telle relation amoureuse entre l’actrice et la caméra qu’il considérera avoir "cessé de faire du cinéma en 1935", année de son dernier film avec Marlene. Il aura entre-temps créé un des mythes les plus envoûtants de l’histoire du cinéma, un mythe qui, comme Lola Lola, "de la tête aux pieds, est fait pour l’amour".

Distribution

  • Emil Jannings Professeur Immanuel Rath
  • Marlene Dietrich Lola-Lola
  • Kurt Gerron Kiepert, le Magicien
  • Rosa Valetti Guste, sa femme
  • Hans Albers Mazeppa
  • Charles Puffy Le propriétaire de l’Ange bleu
  • Eduard von Winterstein le directeur du lycée


Fiche technique

  • Réalisation Josef von Sternberg
  • Production Erich Pommer
  • Scénario Josef von Sternberg, Carl Zuckmayer, Karl Vollmöller, Robert Liebmann et Heinrich Mann, d’après son roman Professor Unrat.
  • Musique Friedrich Hollaender
  • Photographie Günther Rittau et Hans Schneeberger
  • Montage Sam Winston
  • Direction artistique Otto Hunte
  • Distribution Films Sans Frontières

 Josef von Sternberg

Issu d’une famille de la classe moyenne juive de Vienne, il a fait, contrairement à Erich von Stroheim, de solides études en Autriche et aux États-Unis, avant de travailler comme monteur pour une compagnie du New Jersey. Il est assistant de plusieurs metteurs en scène, puis un acteur de théâtre britannique, George K. Arthur, lui propose de le diriger dans un film qui doit marquer ses débuts à l’écran.

Sternberg accepte et lui soumet un scénario. Ce sera The Salvation Hunters qui surprend à l’époque par son côté naturaliste. Mary Pickford songe à Sternberg pour l’un de ses films, mais c’est finalement la Metro-Goldwyn-Mayer qui l’embauche. Les débuts de Sternberg ne sont pas très heureux : The Masked Bride et The Exquisite Sinner sont terminés ou refaits par d’autres. Le premier film est achevé par Christy Cabanne en 1925, et le second par Phil Rosen en 1926. Nouvel échec avec A Woman of the Sea, commandé par Charlie Chaplin pour Edna Purviance, et qui ne sera jamais montré. Cette série noire s’interrompt avec Les Nuits de Chicago, tourné pour la Paramount Pictures, d’après une histoire de Ben Hecht. Les Damnés de l’océan le classe parmi les grands maîtres du muet.

Sa carrière prend un nouveau tournant avec L’Ange bleu, tourné en 1930 pour l’UFA en Allemagne. Comme partenaire féminine d’Emil Jannings, il porte son choix sur Marlène Dietrich. Commence l’histoire de Pygmalion et Galatée. Dans ses souvenirs, Sternberg affirmera avoir créé de toutes pièces le mythe de Marlene et minimisera le rôle de son interprète qui protestera. « J’ai cessé de faire du cinéma en 1935 », déclarait Sternberg, faisant allusion à la fin du cycle Marlene. Cependant Shanghai Gesture en 1941 et surtout Fièvre sur Anatahan, tourné au Japon, prouvent le contraire, et ne peuvent que faire regretter qu’un sujet aussi ambitieux que I, Claudius n’ait jamais pu être terminé.

Filmographie 

  • 1925  The Salvation Hunters
  • 1926  The Sea Gull / A Woman of the Sea (inédit) 
  • 1927  Underworld / Les nuits de Chicago 
  • 1928  The Last Command / Crépuscule de gloire 
                The Dragnet / La rafle 
                The Docks of New York / Les damnés de l’océan 
  • 1929  Thunderbolt / L’assommeur 
                The Case of Lena Smith / Le calvaire de Lena X 
  • 1930  Der blaue Engel / L’ange bleu 
                Morocco / Coeurs brûlés 
  • 1931  An American Tragedy / Une tragédie américaine 
                Dishonored / Agent X-27 
  • 1932  Blonde Venus / Blonde Vénus 
                Shanghai Express 
  • 1934  The Scarlet Empress / L’impératrice rouge 
  • 1935  The Devil is a Woman / La femme et le pantin 
                Crime and Punishment / Remords 
  • 1936  The King Steps Out / Sa Majesté est de sortie 
  • 1937  I, Claudius (inachevé) 
  • 1939  Sergeant Madden / Au service de la loi                      
  • 1941  The Shanghai Gesture / Shanghai 
  • 1952  Macao / Le paradis des mauvais garçons 
  • 1953  The Saga of Anatahan / Fièvre sur Anatahan 
  • 1957  Jet Pilot / Les espions s’amusent (tourné en 1950)
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