L'Aleph est un recueil de dix-sept nouvelles éditées séparément entre 1947 et 1952 dans différents périodiques de Buenos Aires. L’édition française date de 1967.
Disons le tout de suite, la lecture de ces textes n’est pas toujours aisée. L’érudit Borges ne nous épargne pas les références historiques pointues, du gréco-latin au médiéval oriental où lieux et personnages m’étaient étrangers dans leur majorité. Les thèmes abordés, profonds et intimidants, sont chers à l’écrivain argentin, la métaphysique c'est-à-dire l'immortalité de l'âme, l'existence de Dieu, les raisons de l'existence du Mal ou le sens de la vie. Mais aussi les labyrinthes, leitmotivs qui apparaissent ou sont cités dans au moins sept de ces nouvelles, ainsi que la notion d'infini.
Les textes sont courts et relèvent souvent du fantastique, mais si les sujets sont ardus, la langue est agréable à lire. Je ne vois que trois types de lecteurs pour ce genre d’ouvrage, ceux qui abandonnent après quelques pages, ceux qui sont assez cultivés pour en apprécier toutes les subtilités et enfin, ceux qui comme moi, courbent l’échine quand les références leur échappent mais acceptent de se laisser emporter avec volupté par ces écrits qui donnent le sentiment d’être intelligent le temps d’ingurgiter ces finalement courtes deux cents pages. Et puis toutes les nouvelles ne sont pas complexes à déchiffrer, n’exagérons pas non plus.
Je sais la place de Borges dans la littérature mondiale, je ne la conteste pas bien évidemment car j’y vois bien la trace d’un grand écrivain, mais ce recueil ne me laisse pas pour autant un souvenir impérissable car trop complexe pour moi, ayons le courage de le reconnaitre ; avis mitigé donc.
« Etre immortel est insignifiant ; à part l’homme, il n’est rien qui ne le soit, puisque tout ignore la mort. Le divin, le terrible, l’incompréhensible, c’est de se savoir immortel. J’ai noté que malgré les religions, pareille conviction est extrêmement rare. Juifs, chrétiens, musulmans, confessent l’immortalité, mais la vénération qu’ils portent au premier âge prouve qu’ils n’ont foi qu’en lui, puisqu’ils destinent tous les autres, en nombre infini, à le récompenser ou à le punir. J’estime plus raisonnable la roue de certaines religions de l’Inde ; dans cette roue, qui n’a ni commencement ni fin, chaque vie est la conséquence d’une vie antérieure et elle engendre la suivante, sans qu’aucune ne détermine l’ensemble… »
Traduit de l’espagnol par Roger Caillois et René L.F. Durand