Interview de Chris Simon, figure de l’autoédition en France

Publié le 13 avril 2014 par Thibaultdelavaud @t_delavaud

Chris Simon est une auteure auto-éditée à succès, qui a vendu plus de 2000 exemplaires de sa série littéraire Lacan et la boîte de mouchoirs. Elle est également une figure de proue des auto-édités en France grâce à son blog et au Mag des Indés, créé il y a peu de temps mais qui connaît déjà un écho retentissant. Je suis très honoré de l’accueillir aujourd’hui sur mon blog pour une interview.  

Chris, tu fais partie des auteurs auto-édités les plus connus et les plus influents. À quoi attribues-tu ton succès et la longévité de ton parcours ?

Tu me l’apprends ! Ça fait plaisir de l’entendre. La longévité est de trois ans J’ai commencé fin 2010 parce que j’avais un compte Amazon.com, iTunes et donc la possibilité de mettre des livres en ligne avant que cela ne soit possible en France.  Je dois dire que jusqu’à 2013 les ebooks en français se vendaient au compte goutte, du reste j’en vendais plus aux Etats-Unis qu’en France, mais j’y ai cru ! Peut-être parce que j’avais des amis auteurs (anglophones) qui vendaient très très bien, peut-être parce que je pressentais un changement profond de notre civilisation, l’ebook n’est qu’un aspect de ce bouleversement, peut-être parce que je suis assez déraisonnable pour croire que l’homme peut changer sa façon d’appréhender, de penser le monde… Au fond, je ne vois pas mon parcours comme un succès, mais plutôt comme une suite de petits échecs à l’issue desquels je continue d’apprendre. J’écris pour le long terme.

Même si, selon moi, l’autoédition et la révolution numérique peinent à prendre toute l’ampleur qu’elles méritent en France, on sent un frémissement depuis quelques mois. Quel avenir vois-tu pour l’autoédition française ?

Je ne prédis malheureusement pas l’avenir. Mais c’est vrai, ça frémit et comme toi j’aimerais que ça décolle un peu plus… Il y a beaucoup de freins à cette progression et je crois sincèrement que les lecteurs n’y sont pour rien. Il suffit de lire le dernier billet de François Bon pour comprendre qui freine ! (cliquer ici pour lire l’article)

Je souhaiterais mettre quelques événements en parallèle. Si Facebook a permis les révolutions arabes, si au Royaume-Uni et aux États-Unis les auteurs autopubliés sont devenus une force (Indies ou independent writers) et ont pu révolutionner l’industrie du livre dans leur pays, je ne vois pas pourquoi la France resterait sur la touche, c’est tout de même le pays de la révolution, non ! ;-) L’avenir, les auteurs Indés le fabriquent jour après jour, en publiant, en s’exprimant sur leur blog, en partageant leurs expériences et en proposant aux lecteurs une véritable alternative commerciale et littéraire. Je suis même surprise qu’il n’y ait pas plus de travaux expérimentaux de la part des auteurs…

« L’avenir, les auteurs Indés le fabriquent jour après jour [...] en proposant aux lecteurs une véritable alternative commerciale et littéraire. »

Le Mag des Indés connaît un très grand succès et est une excellente initiative. Comment t’est venue cette idée et quel premier bilan tires-tu de cette expérience ?

Oui à ma grande surprise. Je ne pensais pas qu’il serait immédiatement suivi.  Il y avait un besoin dont je n’avais pas soupçonné l’ampleur. L’idée m’est venue simplement de partager mes lectures. Je m’informe énormément sur ce qui se passe aux États-Unis et  bien sûr en Europe. Je lis beaucoup de blogs, de sites d ’auteurs, je me suis dit que tout ce temps que je passais pourrait servir à d’autres, alors j’ai créé le Mag des Indés pour partager mes lectures. Je regrette de ne pas avoir le temps de traduire tout ce que je lis. Le bilan ? Je me dis que l’auto-édition numérique intéresse vraiment beaucoup de monde en francophonie et que le Mag donne une visibilité aux auteurs indépendants, une identité en tant que groupe, force. Cela permet de rassembler nos talents, de nous rencontrer, de créer notre image de l’auteur indépendant et de mettre en avant ce que l’on fait de mieux. J’apprends en le faisant et je me rends compte que nous avons la matière pour créer une actualité hebdomadaire. Ne laisse pas le soin à d’autres de parler de ce que tu connais mieux qu’eux est un peu ma devise, je crois qu’elle s’applique très bien aux Indés. Ils sont sur le terrain, ils improvisent, leurs expériences valent de loin les petites idées et discours que je lis parfois sur des sites et qui me font sourire ! Les Indés défrichent tout comme les éditeurs Pure Players, et ce défrichage est une mine d’informations. J’aimerais petit à petit ouvrir le Mag aux lecteurs en leur proposant de publier leurs critiques de livres indés, je publie déjà leurs commentaires, en faisant aussi des promotions ponctuelles, des événements autour d’auteurs Indés…

Tu es très présente sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter notamment. As-tu une stratégie marketing précise ou communiques-tu selon le temps dont tu disposes, tes envies ?

Absolument. J’ai une stratégie à l’occasion de la sortie d’un livre. Et j’essaie d’améliorer cette stratégie continuellement en fonction de ce qui semble marcher ou pas. Avec la série Lacan, j’ai élaboré une stratégie mensuelle de communication. Car à chaque nouvel épisode, je communique via mon blog, les blogueurs et les lecteurs qui suivent la série principalement à travers les réseaux sociaux, emailing et newsletter. C’est passionnant, je fournis le même travail qu’un éditeur, à une petite échelle bien sûr

J’utilise les réseaux sociaux aussi pour communiquer avec mes lecteurs. Ce n’est pas vraiment une stratégie, c’est plutôt une écoute. Le lecteur m’intéresse, la façon dont il reçoit, perçoit mes livres aussi. J’ai publié un roman, Ma mère est une fiction en 2012, chez Publienet, dans lequel je faisais déjà cette proposition aux lecteurs. Le lecteur est un partenaire, un vrai complice de l’œuvre. Et grâce aux réseaux sociaux cette complicité peut continuer après la lecture… je propose donc au lecteur de se risquer avec moi à faire évoluer notre relation… je ne garantis rien, je ne lui demande pas non plus de me garantir quoi que ce soit ! ;-)

« J’écris tous les jours et ce depuis 15 ans au moins »

Quand et comment trouves-tu le temps pour écrire ?

J’écris tous les jours et ce depuis 15 ans au moins. C’est une discipline chez moi, mais aussi un besoin. Je ne peux pas rester plus de deux, trois jours sans écrire. J’écris très souvent dès le matin au réveil, ensuite je suis libre pour le reste de la journée ! ;-)  Je crois que l’on ne trouve pas le temps d‘écrire si on ne s’impose pas cette discipline. Donc, 500 mots minimum par jour quand on est sur un projet est une bonne habitude, 1000 c’est mieux, évidement, mais commencer à  500 est plus réaliste. À 500 mots/jour, au bout de cinq jours on a un texte de la taille d’une nouvelle ! ;-)

Quels sont les principaux outils que tu utilises pour écrire et pour faire la promotion de tes ouvrages ?

Pour écrire à proprement parler, j’utilise principalement Words, Pages sur mon ordi et write&go sur mon smartphone pour prendre des notes à tout moment dans la journée. J’essaie parfois de nouveaux logiciels ou apps quand je trouve un peu de temps. Je travaille aussi sur papier pour faire des plans, des storylines ou des brain stormings, c’est aussi une façon pour moi de me reposer de l’écran. J’utilise mon Kindle pour tout le travail de relecture et réécriture. Pour la promotion j’utilise Goodreads, MonBestSeller, WordPress, Webs, Mailchimp,  Twitter, FB et ma page Fan Facebook, Google, Tumblr, Scoopit, Pininterest… (tous ces services sont gratuits en mode de base). Chacun de ces réseaux ou applis possède des outils que j’essaie d’explorer au maximum.  J’avoue qu’il y a encore des fonctions que je n’ai pas encore utilisées, mais petit à petit je les explore. J’essaie aussi les forums de lecteurs, mais je ne suis pas à l’aise avec la configuration des forums, je m’y perds et je perds toujours mes mots de passe. Vraiment la série Lacan et la boîte de mouchoirs m’a permis de me concentrer sur la promotion et le marketing, cela a été une bonne école pour me pencher sur ces questions, établir une stratégie et l’expérimenter. Utiliser votre premier livre pour apprendre à communiquer sur les réseaux, avec les blogueurs, les sites et forums de lecteurs.

Vis-tu de la vente de tes livres ? 

Pas encore complétement non, la bonne nouvelle est que d’une année sur l’autre mes droits d’auteur doublent et la progression s’accélère, d’autant plus que mes livres sont pratiquement tous maintenant sur Amazon, Kobo, Fnac, iBookStore, Nook et la librairie du site Auto-édition. Au passage, il me semble important d’avoir une librairie Indé. Vivre de mon travail d’auteur est aussi un de mes objectifs. Pour y arriver, il faut écrire beaucoup.

« La visibilité est donc la première étape de l’auteur indépendant »

Quelle est, selon toi, l’action marketing qui est la plus susceptible de générer des ventes ?

Vendre fait vendre. Je crois que tout le monde sera d’accord avec moi !   Et pour vendre, il faut être visible. La visibilité est donc la première étape de l’auteur indépendant. Travailler la visibilité !  Réfléchir à cette question et tout mettre en œuvre pour gagner en visibilité.

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes que font les auteurs autoédités d’après toi ?

Publier un livre sur Amazon, poster sur Facebook : achetez mon livre et passer sa journée à regarder dans  les rapports Amazon le volume des ventes… Beaucoup se reconnaîtront. On le fait tous ;-) On est tellement content de voir son livre accessible au monde entier qu’on en oublie que personne le sait sauf soi-même  ! Il faut vraiment penser marketing, communiquer sur le livre en amont, bien avant qu’il ne sorte. Communiquer sur soi en tant qu’auteur, qui on est, pourquoi on se lance dans cette aventure fabuleuse de l’auto-publication… Le blogging est donc quasiment inévitable pour l’auteur Indé.

Quels sont tes projets ?

Une nouvelle série que je suis en train de finir et qui devrait  sortir chez un éditeur dont j’apprécie la démarche. Lacan et la boîte de mouchoirs Saison 2 que je commence à écrire dès cette semaine et dont la Séance 1 sortira le 7 mai (je donne rendez-vous aux fans de la série au passage ;-) !). Je repars donc pour sept séances, une par mois, bien que je suis en train de réfléchir à la possibilité d’un rythme plus soutenu. Un roman, Judaïc Park, dont je vais lancer la campagne en mai, en expérimentant une nouvelle fonction de Goodreads et en offrant les deux premiers chapitres dans ma Newsletter, mais aussi aux lecteurs de MonBestSeller. J’ai travaillé avec un designer pour la couverture, le livre sortira en numérique et papier. J’aimerais prendre quelques jours de vacances, j’entends par là, avoir deux trois jours pendant lesquels j’aurais le temps de penser à ce que je vais écrire après que tout ce que je viens d’annoncer sera écrit et publié ! ;-)

Un dernier mot pour la fin ?

L’auteur Indé a de l’avenir dans un monde où les options pour s’auto-publier, pour publier chez un éditeur ou sur son blog sont en train de devenir la norme.

Pour découvrir le travail de Chris Simon :

Page Fan Facebook :  https://www.facebook.com/ebookbychrisimon

Le mag des Indés : http://www.scoop.it/t/publier-en-numerique

Son site : www.ebookbychrisimon.com

Twitter : @Qrisimon