Don Cherry (1936-1995)
Jazz Session au Studio 104.
Paris. Radio France. 22.04.1971.
DVD en vente libre
Don Cherry: trompette de poche, flûte, piano, piano électrique, chant, percussions
Johny Dyani: contrebasse, chant, percussions
Okay Temiz: batterie, percussions
Lectrices audacieuses, lecteurs découvreurs, pour défendre le métier de disquaire, je raconte toujours la même histoire. Celle de la découverte de l'album " Orient " de Don Cherry enregistré au cours de concerts français (Carpentras et Paris) en 1971. L'écoutant chez un disquaire de la rue du Mont Cenis à Paris, 18e arrondissement, un jeune homme, fan de New Wave, resta fasciné par cette " musique chamanique ", selon ses propres mots, alors que sa compagne sortait de la boutique, effrayée par tant de liberté.
En plus d'être enregistrée, cette musique a été filmée. La voici toujours aussi libre et vivante, 43 ans après. Don Cherry, né métis d'un père Noir et d'une mère Indienne Chocktaw aux Etats Unis d'Amérique, s'est très vite intéressé aux musiques du monde, ce que les marchands appellent aujourd'hui World Music. C'est avec Gato Barbieri, un Argentin, qu'il enregistra ses premiers albums comme leader dans les années 1960. Ici, à Paris, le 22 avril 1971, sur la scène du studio 104 à Radio France, il joue avec un Turc, Okay Temiz à la batterie et aux percussions et un Sud Africain exilé en Europe pour fuir l'apartheid qui lui interdisait de jouer avec des Blancs, Johny Dyani, à la contrebasse.
Que jouent-ils donc? Une musique inclassable pour les marchands. Trop tribale pour être du Jazz, trop libre pour être de la musique typique, de la fusion mondiale pour résumer. C'est parfois agaçant, souvent fascinant. Pas besoin de substances illicites et nocives pour décoller avec de tels pilotes dans l'astronef. Il suffit de se laisser emporter.
Cela commence avec un chant typiquement sud africain où lèvres, langue et dents font toute la différence, dans une technique vocale totalement inconnue en Europe. Puis, batteur et contrebassiste installent une pulsation puissante, vibrante, mouvante. Ca swingue mais ce n'est jamais répétitif, mécanique. Don Cherry fait le lien entre Afrique, Amérique, Europe, Asie présents sur scène avec seulement 3 musiciens puisque Okay Temiz est d'Istanbul, la seule ville au monde située sur deux continents.
Don Cherry, qui commença sa carrière comme pianiste, joue du piano et du piano électrique, assis en lotus, comme un sage boudhiste. Ce qu'il sort de son cornet de poche ne s'apprend pas au conservatoire. Pas plus que sa façon de chanter, scander, rythmer. Cette musique est une prière oécumunique dont ni les athées ni les agnostiques ne sont exclus.Il suffit de croire en la Beauté et la Liberté pour y adhérer.
Avec toute son ouverture au Monde, Don Cherry reste un artiste américain. Il a le sens du show. Il sait faire participer le public. Ce qui s'entend sur l'album " Orient " mais ne se voit pas dans le film c'est le final où, faisant chanter le public avec lui, ll demande " Teach me to sing " (" Apprenez moi à chanter ") et le public lui répond, lui transmet à son tour.
En plus d'être oecuménique, cette musique est démocratique. Pas de chef, le public fait lui aussi partie du processus créatif.
Si vous avez manqué la diffusion de ce document conservé par l'INA, sur Mezzo, sachez que le DVD de l'émission et l'album " Orient " sont en vente libre. Abus recommandé pour la santé.
Don Cherry est le père naturel d'Eagle-Eye Cherry ( " Eagle-Eye " est un titre de l'album " Orient " car cet homme est né en 1971) et le père adoptif de Neneh Cherry, deux chanteurs mondialement connus qui, tous deux, ont rendu hommage à leur père en musique et en chanson.
Ca a commencé comme ça. Rien à ajouter.