Les entreprises, grandes gagnantes de la politique économique de Manuel Valls
Dans le discours de politique générale qu’il vient de prononcer, le nouveau Premier ministre a fixé ses orientations économiques : austérité budgétaire renforcée, hausse mesurée du pouvoir d’achat des bas salaires et gros cadeaux fiscaux aux entreprises qui apparaissent d'ores et déjà comme les grandes gagnantes de cette deuxième phase du quinquennat.Le premier ministre vient d’apporter quelques précisions importantes sur les différentes orientations qu’il entend donner à sa politique économique.Baisse des dépenses publiques : la BCE pour alléger l’austérité ?Sur la stratégie de baisse des dépenses publiques, Manuel Valls a confirmé l’engagement de diminution de 50 milliards mais il manque 10 milliards à ses annonces : 19 Mds pour l’Etat, 10 pour la sécu et 10 milliards de moins pour les collectivités locales. Comme on l’a déjà expliqué ici, appuyer sur le frein budgétaire contribue à tuer la croissance, les recettes fiscales et à rendre difficile la réduction des déficits.Conscient de ce problème, le premier ministre souhaite que l’Europe allège la contrainte en faisant planer la menace d’un vote anti européen aux prochaines élections : il demande à l’Union d’investir et à la BCE d’agir pour faire baisser l’euro. Mais il n’a pas de stratégie alternative : si l’Europe ne fait rien, il n’y aura pas de contrepoids à la politique d’austérité.Le pacte de responsabilité rééquilibré vers la compétitivitéLes 30 milliards de baisse des cotisations salariales du pacte de responsabilité sont réaffirmés. La question était de savoir si l’on doit faire l’effort surtout pour les bas salaires pour tenter de dynamiser la création d’emplois ou surtout vers des salaires plus élevés pour favoriser la compétitivité.Le premier ministre a annoncé la suppression totale des cotisations URSAFF au niveau du SMIC pour favoriser l’emploi des moins qualifiés au 1er janvier 2015. Le barème des cotisations entre le Smic et 1,6 Smic sera modifié en conséquence.Mais parce que ce sont surtout les entreprises de service non intégrées dans la compétition internationale qui bénéficient de cette mesure, le premier ministre a voulu également un geste de baisse du coût du travail pour les entreprises industrielles avec un allègement des cotisations familiales pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. Si la compétitivité doit redonner un peu de dynamisme aux exportations françaises pour compenser l’effet récessif de l’austérité, cette réorientation est bienvenue par rapport à un CICE concentré sur les bas salaires.Fortes baisses des impôts sur les entreprisesA écouter le premier ministre, on a l’impression que les entreprises votent ! Manuel Valls a annoncé des baisses d’impôts en faveur des entreprises qui ont dû siffler agréablement aux oreilles de leurs représentants syndicaux.Une baisse de l’impôt sur les sociétés à 28 % contre 33 % aujourd’hui (38 % si l’on ajoute la surtaxe). C’est, sur le papier l’un des plus élevés de la zone euro. Mais ce n’est que le taux officiel. Le taux effectivement payé par les entreprises est bien inférieur, de l’ordre de 12,4 %, au même niveau que l’Allemagne et sous la moyenne européenne (13,4 %). La question est de savoir si cette baisse du taux affiché, qui devrait nous faire gagner des places dans les classements internationaux pro business, sera compensée par un élargissement de l’assiette fiscale afin de compenser les pertes de recettes ou pas. Sinon, c’est un cadeau fiscal non financé.Et ce n’est pas le seul. Les entreprises ont également le plaisir de voir leur contribution sociale de solidarité (la C3S) supprimée.Il est vrai que la France affiche une particularité en termes d’impôts sur les sociétés : les impôts sur la production sont bien plus élevés que dans le reste de l’UE. Ils nous rapportent l’équivalent de quasiment 4,5 % du PIB contre un peu plus de 2 % en moyenne dans l’UE. Le gouvernement a donc décidé d’alléger cette contrainte.Tous ces cadeaux fiscaux aux entreprises posent deux questions : comment vont-ils être financés ? Que vont en faire les entreprises ? Si elles servent à distribuer plus de dividendes, le gouvernement socialiste aura mené une drôle de politique de gauche…Quant à la lutte contre la fraude fiscale, en particulier des grandes entreprises, dont la France est censée être l’un des pays fer de lance, pas un mot.Le haut de la fourchette de baisse de cotisations sur les ménages à bas salairesOn l’avait déjà signalé ici, le gouvernement ne souhaitant pas apparaître comme ne faisant des cadeaux qu’aux entreprises, avait promis des baisses d’impôts pour les ménages les plus pauvres, comprises entre 2 et 5 milliards d’euros. Ce sera 5 milliards a annoncé le premier ministre, donc le haut de la fourchette : les cotisations salariés seront abaissées, soit 500 euros de pouvoir d’achat gagné sur un an pour les bas salaires selon Manuel Valls.Ce qui pose deux questions : comment l’Etat providence sera-t-il financé après ces 5 milliards de baisse de recettes ? L’augmentation des revenus des salariés ne sera-t-elle pas taxée ?Au final, l’orientation de politique économique de cette deuxième phase du quinquennat prend donc en fait trois grands chemins :- une austérité budgétaire renforcée avec 50 milliards d’économies
- un allègement des prélèvements obligatoires des entreprises : pas loin de 40 milliards au total ; ce sont les grandes gagnantes.
- une hausse des salaires nets attendue de la baisse des cotisations salariées sur les bas salaires pour 5 milliards.Christian Chavagneux