Et bien ce dimanche six avril, alors que le soleil tapait sur la capitale, je me suis rendu dans la commune de Saint-Ouen au studio Commune Image , un lieu de rencontres et d'échanges où le Festival a posé ses valises pour son dernier jour. En effet, c'est aujourd'hui que se clôt cette palpitante aventure, mais avec un beau panel d'activités !
Puis, sur le fauteuil voisin, se tient Rorick (si tu lis cet article et que tu constates que j'ai mal orthographié ton nom, avant de me haïr, signale-le moi et je corrigerai), représentant de Metaluna, magazine couleur parlant de cinéma, de métal, de BD underground, de porno, de tout, tant que ça reste dans l'esprit Métalunien. Cet esprit, quel est-il ? Faire en sorte que le magazine qu'on tient entre les mains ne ressemble pas à la masse des concurrents. Du punk-rock à la Fistinière, tout est permis mais attention, pas n'importe comment ! Chaque couverture est dessinée, allant à l'encontre de ce que l'on voit d'habitude. Le tirage est modeste (et reste confidentiel, donc pas de chiffres). Le magazine se trouve en kiosque pour la modique somme de cinq euros cinquante. Ce bimensuel en est à son numéro sept. C'est alors que soudain tombe la question sur la BD numérique. Comment se passe l'orientation vers le numérique ? Quels acteurs ? Quels potentiels en France ? Là, beaucoup d'hésitation et l'honnêteté pour tous de reconnaître simplement qu'ils ne connaissent pas ce secteur en plein développement. Alors que je m'attends à voir surgir l'équipe d'Esprit BD pour apporter la lumière sur toutes les possibilités de la BD Numérique, un homme se (re)dresse sur son fauteuil devant l'assemblée. Barbe au vent, casquette bien enfoncée, lunettes ajustées, Fabrice parle alors du projet Nemo, un magazine en création qui sera disponible sur tablette. Auteur papier, Fabrice est passé au numérique dont il veut essayer les possibilités. Une histoire complète, la panne d'essence est disponible sur iTunes (j'aime pas iTunes, un avis personnel et injustifié qui n'engage que moi mais il fallait quand même que je l'écrive haut et fort). Ce récit donne une idée de la vision de la BD numérique de Némo. Fabrice explique les avantages et contraintes qu'il a trouvées dans la BD numérique, et surtout la difficulté de proposer un produit qui laisse un choix de lecture facile d'emploi et qui soit clair pour l'utilisateur. Vient ensuite le tour des questions du public. L'une d'entre elles porte forcément sur le seuil de rentabilité. Léa et Julien expliquent que le fameux seuil serait situé à quatre mille exemplaires vendus pour le magazine mais pour la structure d'édition, il faut évidemment vendre plus d'exemplaires. Rorick, toujours tenu au silence par la clause de confidentialité, nous apporte néanmoins un éclairage surprenant concernant la presse papier, il nous rappelle la violente crise que traverse ce média. Aujourd'hui, même chez les plus grands, le bénévolat fait rage et s'il fallait payer les rédacteurs et chroniqueurs, Metaluna mettrait la clé sous la porte. Mais cela reste vrai même pour les plus grands titres. Mais heureusement, l'énergie et le dynamisme de nos trois intervenants l'emportent sur la morosité de la crise, et je retiendrai surtout la passion et la bonne humeur qui transpiraient sur scène.
Jean-Marc Rochette et Jésus Castro-Ortéga, deux amis venus parler d'un long périple !
Et, au final, ce qui ressort à mes yeux de ce long entretien, c'est une formidable histoire d'amitié entre Jean-Marc Rochette, Jésus Castro-Ortega et Bong Joon-Ho. Une histoire commencée il y a sept ans, quand un jeune homme aborde timidement le réalisateur Coréen lors de son passage à Paris, pour lui demander si cette rumeur sur l'achat des droits du Transperceneige était fondée. Aujourd'hui, Le jeune homme a fini son documentaire, monté sa structure de Production appelée Grab The Cat, et il démarche les différents éditeurs de DVD pour leur vendre son film comme bonus DVD, avec succès. Surtout, Jésus Castro-Ortega va voir son documentaire projeté en Corée devant... Bong Joon-Ho.Une belle histoire ! Après ce beau moment de partage, j'ai le plaisir de rencontrer à nouveau Julien, le directeur artistique du festival, qui se prête au jeu des questions et réponses. Il m'explique que le festival en est à sa seconde édition et vise clairement à faire se rencontrer des gens qui ne se croiseraient peut-être pas autrement. Par rapport à l'année dernière, cette édition comporte plus de films, plus de documentaires, plus d'animations (dédicaces, combat de dessins, atelier mangas...) et un ordonnancement différent des événements. Le vendredi était consacré à la compétition, le samedi était plus orienté famille et le dimanche cible plus les indé et les pros. Du coup, ici, ce dimanche, des personnes naviguant dans le monde de la BD rencontrent ceux du cinéma et inversement. Julien ne veut pas se limiter à une passerelle BD et Ciné. Il pense aussi aux arts graphiques en général et il aimerait beaucoup que la prochaine édition s'ouvre complétement aux arts ludiques, mêlant ainsi BD, dessin, cinéma et jeu vidéo. Il a compris que c'est le même public qui évolue dans toutes ces sphères. Et il a aussi compris que de plus en plus d'artistes ajoutent de nouvelles cordes à leurs arcs. Cette volonté d'ouvrir les portes et d'abattre les murs est aussi valable pour la composition du jury, regroupant des auteures de BD, des journalistes, des réalisateurs que pour la sélection. C'est un long travail de recherche et de visionnage de courts-métrages issus du monde entier car Julien ne veut pas se contenter de rediffuser ceux que l'on a déjà vu maintes fois partout ailleurs. L'idée est de proposer du différent, de l'original, sans devenir élitiste afin de rester proche du public, et ce autant dans le choix des courts que des documentaires. En effet, pour Julien, un festival se doit de rester un lieu d'échange et de communication, des professionnels de différents secteurs entre eux, certes mais aussi de ces mêmes artistes avec leur public. Mettre en contact des gens qui, bien que de secteurs séparés, se retrouvent sur la même longueur d'ondes, découvrant qu'ils partagent les mêmes passions. Quand on voit les groupes se former et les gens parler entre eux, Je me dis que l'objectif est en passe d'être atteint. Julien se sauve, car la remise des prix va bientôt démarrer. J'en profite pour me glisser à nouveau dans la salle de projection afin de ne pas la manquer.
Le Jury, presqu'au complet, aux côtés de Julien, micro et fiches en main !
Après la présentation des nombreux partenaires officiels, du jury, vient le moment de suspense du palmarès ! - Le grand prix est revenu à Coléra de Aritz Moreno, adaptation d'un BD de Richard Corben. - La mention spéciale du Jury est décernée à la Bête de Vladimir Mavounia-Kouka. - Le Prix du Public revient à From Hereto Immortality de Louise Hüsler. - Le prix du Public Hors Compétition est remis à deux ex-aequo : L'héritage de Michael Terraz et Le pique-nique de Jessica Garcia et Geoffroy Monde (bon sang, mais où voir un simple trailer de ce film !) La remise des prix s'enchaîne avec la projection des films gagnants. Et s'ensuit pour notre plus grand plaisir, une projection surprise : La vie sans Truc de Léo Marchand et Anne-Laure Daffis, un film d'animation comique mélangeant dessin animé 2D, décors 3D, images retouchées ou repeintes, films d'archives, le tout conférant une jolie patte visuelle à l'histoire. Ce cocktail pétillant d'humour et de tendresse raconte, avec parfois quelques longueurs – mais nul n'est parfait -, la triste et drôle vie du magicien Popoulos, de son assistante tant aimée et... de son lapin Jean-André tous trois perdus une société sans pitié ! Après cette remise de prix, il restait encore un événement, et de taille, pour clore en beauté ce week-end : l'intervention du collectif Ferraille qui, le temps de quelques films courts, nous offre une belle flopée d'humour noir, grinçant, cynique et tordant ! Attention, âmes sensibles s'abstenir, et surtout, je vous déconseille de manger en regardant certains de leurs films !