Bloody saturday : Le Pen est une ordure, OUI, MAIS…

Ça n’a pas traîné ! Tel un psychopathe auquel on aurait donné une mitrailleuse, le Front National, avec sa dizaine de mairies entre ses mains, n’a pas été long à révéler sa vraie nature, celle d’un parti xénophobe et hostile aux valeurs fondatrices de la République ! L’ennui, c’est que ces deux tares, le FN n’en a plus le monopole en France et force est de constater que chacun des arguments que l’on déploie pour lutter contre le parti de Marine Le Pen se heurte à chaque fois à un « oui, mais » qui se retourne contre les partis dits « traditionnels » et accule de plus en plus souvent les antifascistes primaires comme moi à s’avouer à court d’arguments…

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Le maire FN d’Hénin-Beaumont a inauguré son mandat en virant le buste de Jean Jaurès, OUI, MAIS… Il y a déjà longtemps que le fondateur du mouvement socialiste français n’est plus qu’un gadget électoral, une référence vidée de son sens que ses successeurs emploient à tire-larigot sans se montrer un seul instant dignes de son héritage : le simple fait qu’un président comme Sarkozy ait pu tenter de récupérer sa mémoire en est un témoignage. Cette tentative a fait long feu, comme on le sait, mais affirmer que le parti socialiste d’aujourd’hui, n’est pas digne de porter le flambeau de son fondateur, ce n’est même plus une impertinence : la seule initiative de François Hollande recueillant une approbation quasiment unanime est une campagne militaire en Afrique ; il n’est pas certain que Jaurès, qui a payé de sa vie son refus de ce qui allait devenir la première guerre mondiale, aurait approuvé… En somme, jeter Jaurès aux oubliettes, ce n’est jamais que consacrer la perte de sens d’une référence que plus personne ne comprend, c’est dénoncer (inconsciemment, c’est certain), le climat de renoncement généralisé qui caractérise notre époque où le peuple est privé d’aufklärung et où réclamer le droit de travailler le dimanche est devenu le summum de la contestation…

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Marine Le Pen demande aux maires FN d’interdire les menus sans porc à l’école, OUI, MAIS… La politique française n’a pas entendu la chienne de Buchenwald pour jeter les musulmans en pâture à la vindicte populaire : depuis un certain 11 septembre de sinistre mémoire, représenter l’islam comme un danger est devenu tellement facile ! Oh, bien sûr, il s’était déjà trouvé à l’époque des âmes bien intentionnés pour appeler à ne pas faire d’amalgame entre « arabe » et « terrorisme », mais la raison et le juste milieu ont une fois de plus été impuissants face à la paresse intellectuelle et la facilité de la passion, et puis pourquoi se fatiguer à s’adresser à l’intelligence de l’électeur quand il est si simple de s’adresser à ses plus bas instincts ! Depuis au moins dix ans, Chirac puis Sarkozy n’ont eu de cesse de jouer avec la terreur qu’inspire, le plus souvent sans raison valable, l’Islam, l’érigeant en nouvel ennemi intérieur, stigmatisant les musulmans de France avec la complicité objective d’une presse avide de sensationnel et passant sous silence le fait que le communautarisme ne concerne qu’une infime minorité de la population musulmane. La gauche, elle, craignant d’être accusée de laxisme, ne s’est pas donné la peine de défendre les musulmans contre cette entreprise de diabolisation ; donc, cette déclaration, aussi choquante soit-elle, ne fait qu’emboîter le pas à douze ans de discours xénophobes qui se parent des oripeaux de la laïcité…

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En se donnant une priorité aussi dérisoire, le FN prouve son incompétence, OUI, MAIS… Le problème, c’est qu’avec un taux de chômage qui ne fait que grimper depuis quarante ans (avec une seule embellie digne de ce nom sous le gouvernement Jospin) et une précarité qui ne cesse de se généraliser, la population n’a de toute façon plus le sentiment d’être en de bonnes mains : la vie politique paraît s’être résumée, aux yeux du peuple, à une série de polémiques bidon et sans lendemain, de petites phrases sans effets et de coups médiatiques vides de fond. Sarkozy n’a fait qu’accélérer ce mouvement de discrédit de la politique en nommant ministres des crétins achevés comme Lefébvre, Estrosi, Morano et Douillet… L’électeur moyen en est arrivé à penser que ça ne peut pas être pire que maintenant (c’est d’ailleurs bien là qu’il se trompe) ; les gens votent FN  non pas parce qu’ils croient sincèrement que Le Pen et ses sbires peuvent faire mieux mais plutôt, au contraire, parce qu’ils pensent qu’ils ne peuvent pas faire pire… En somme, l’incompétence crasse des maires frontistes est perçue comme n’étant que la version « hard » de l’incompétence des élus UMPS ; le FN n’est pas considéré comme une planche de salut (il reste même un objet de répulsion pour beaucoup de gens, comme en a témoigné la baisse de ses scores entre les deux tours à l’échelle nationale) ni même comme un moindre mal mais comme un parti guère plus incompétent et donc guère plus dangereux que les autres…

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Steeve Briois a expulsé la ligue des droits de l’Homme, OUI, MAIS… Ça va faire une bonne dizaine d’années que les gouvernements successifs ne font que bafouer les droits de l’Homme en sacrifiant les libertés individuelles sur l’autel de la lutte contre une insécurité qui n’était galopante que dans les cauchemars des téléspectateurs de Jean-Pierre Pernault, et pas seulement en France. Entre le patriot act américain et le plan Vigipirate sur notre sol, le besoin de se sentir protégé contre un ennemi aussi fictif que le père fouettard a pris le pas contre le souci de vivre librement et le respect de la dignité humaine : police omniprésente, caméras de surveillance, prélèvements d’ADN, gardes à vue prolongées, manifestants tabassés et arrestations arbitraires sont devenus le lot quotidien d’une population qui se laisse contrôler, quadriller et menacer sans mot dire, soit par peur des représailles soit par adhésion à une obsession pour la sécurité qui a pourtant fait preuve de son inefficacité (l’influence sur les chiffres de la délinquance est soit minime au point d’être négligeable soit négative) ; en somme, en privant de local la LDH, le FN ne fait que consacrer le triomphe d’une idéologie liberticide qui a conquis quasiment toutes les couches de la société et qui a fait de l’adjectif « droit-de-l’hommiste » une insulte à deux doigts d’accuser de complicité avec les pires criminels les pauvres diables auxquels elle est adressée…

Cliquez pour agrandir ; ce dessin figure parmi les illustrations des « Coups de gueule » de Mikaël Tygréat. Quoi, vous ne l’avez pas encore acheté ?

Un élu FN au conseil municipal de Clermont-Ferrand a tué un homme en 1979, OUI, MAIS… De même que le FN peut désormais se targuer de ne pas être beaucoup plus incompétent que les autres partis, qui n’ont pas su faire face de façon pertinente aux problèmes socio-économiques du pays, les scandales politico-financiers à répétition (Copé, Cahuzac et autres) donnent l’impression que les élus frontistes, sans être blancs comme neige, ne sont pas beaucoup plus corrompus que les autres : les électeurs n’aiment pas le FN, mais ils ne le détestent ni plus ni moins que les autres partis qui se sont discrédités eux-mêmes. Vous me direz que les magouilles d’un Balkany ou d’un Sarkozy ne sont pas aussi criminelles que l’assassinat d’un étudiant : certes, mais il n’y a pas que les coups tordus de petite envergure, il y a aussi eu les petits meurtres entre amis déguisés en suicides (Boulin, De Broglie, De Grossouvre…) et les participations directes ou indirectes à des massacres de masse, que ce soit le génocide rwandais revenu récemment sur le tapis ou les attentats de Karachi qui auraient été bien aidés par la soif de « phynances » de Ballazy et Sarkodur… En somme, les gens ont avalé tellement de couleuvres que cette erreur de jeunesse d’un élu frontiste, aussi grave soit-elle, ne leur semble guère plus scandaleuse que toutes les escroqueries des élus républicains…

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Je pourrais multiplier les exemples, mais vous m’avez compris : les Français ne se sont pas mis à aimer le Front National, ils ne font que détester les autres partis et le FN, par comparaison, ne leur semble pas tellement plus nuisible que les autres. La progression relative du FN s’explique donc moins par la misère elle-même que par la déréliction des partis républicains, les succès de l’extrême-droite ne sont que la conséquence de la faillite intellectuelle des grands partis qui, à force de banaliser des idées jadis perçues comme nauséabondes et de décevoir leur électorat, ont brouillé eux-mêmes la frontière qui les distinguait du parti de Marine Le Pen. Maintenant, si on ne peut plus revenir en arrière, il est encore temps d’arrêter les bêtises…