Mon suivi de campagne, vaguement humoristique, s'est un peu terminé à l'image de la campagne, en queue de poisson.
J'avais participé, quelques jours avant les élections, à une partie de la manifestation contre les mesures d'austérité budgétaires. La manifestation était déjà en marche quand j'en ai aperçu la tête - elle a été facile à trouver, j'ai simplement suivi l'hélico de la SQ des yeux et me suis dirigé vers lui.
L'ambiance était festive, ça rappelait certaines belles marches du printemps 2012.
On ne sentait plus l'espoir, par contre, qui s'était dégagé de la fin de l'été 2012 avant les élections précédentes, l'espoir que le message soit entendu, que les politiciens changent un peu leur message et leur manière d'agir et de gérer les finances publiques, favorisant systématiquement les entreprises et individus les plus riches tout en adoptant des mesures d'austérité dès qu'il s'agit de programmes sociaux.
L'ambiance n'était pas remplie d'espoir, car peu importait alors qui remporterait les élections, nous savions tous que ces mesures resteraient. Le degré ne serait pas le même si les péquistes restaient au pouvoir, la situation allait empirer si les libéraux le reprenaient aussi vite, mais l'espoir d'un changement n'existe plus pour le moment au Québec.
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A un moment de la manifestation, la police en avait probablement assez, alors elle a débuté ses actions de provocation, rue Sherbrooke, en pointant des armes en direction des marcheurs qui n'avaient jusque là posé absolument aucun geste illégal, outre le fait de marcher, qui est devenu illégal en 2012 dans nos rues qui se disent pourtant démocratiques. Pointage d'armes diverses (dont des armes à projectile de plastique/caoutchouc à quelques mètres des premiers marcheurs). J'avoue ne même plus ressentir de révolte devant ces agissement de notre police devenue armée au service des politiques et non protecteur des citoyens. J'ai accepté l'idée qu'ils allaient un moment ou un autre tuer quelqu'un d'innocent, que les médias de droite vont évidemment condamner pour sa présence sur place (c'est arrivé avec tous les innocents blessés en 2012), et les gens, carburant à la peur justement créée par le discours politique dominant, effrayés, vont vouloir encore plus de police agressive envers ceux qui voudraient bien améliorer notre système politique. L'histoire nous montre que le peuple ne gagne jamais, à moins de faire des révolutions relativement violentes et sanglantes (parlez-en à Louis XVI et Marie-Antoinette), mais évidemment, le québécois moyen vit dans trop de confort et d'indifférence pour se souvenir de ses leçons d'histoire.
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Lorsque la brigade anti-émeute a décidé de foncer dans le tas, grenades assourdissantes, grenade de gaz lacrymogène et poivre de cayene en spray, l'odeur m'a aussi rappelé le printemps 2012. Ça tombait bien, puisque l'odeur du printemps 2014 se faisait encore attendre.
Ce que j'ignorais à ce moment-là (et le SPVM aussi, eux qui ont récemment pris l'habitude de frapper les gens avec des caméras pour éviter de se faire filmer, ceci inclus quelques journalistes d'ailleurs), ce que j'ignorais, donc, c'était que quelqu'un, sur un toit, filmait la scène. J'ai donc pu voir a posteriori mes réactions et mon déplacement face à l'affrontement... arrêt sur images:
Je suis l'individu au manteau vert à l'extrême gauche.
Les policiers attaquent, puis se replient au coin nord-est. Je m'éloigne en compagnie de plusieurs marcheurs, qui font des signes de simplement poursuivre la marche vers l'ouest.
Une autre unité anti-émeute arrive par Jeanne-Mance et "m'encadre" temporairement.
Ils courent rejoindre leurs collègues, donc ne s'occupent pas de moi, toujours pris en sandwich entre leurs rangs.
Je m'installe au coin sud-est, question de voir si la marche va continuer ou si l'attaque de la police dispersera les marcheurs (plusieurs milliers étaient encore présents à ce moment-là, le gros du contingent étant à l'est de ma position, sur Sherbrooke). On voit ici, quelques minutes plus tard, que des policiers à vélo arrivent sur le trottoir.
Ils nous hurlent des insultes, nous poussent avec les roues avant de leur vélo, un d'eux pousse mon amie violemment, un autre me frappe avec son vélo, ils ont l'air de cinglés qui ont perdu la boule et toute forme de jugement. Les quelques personnes qui se tiennent sur le coin du trottoir n'ont pourtant rien fait, ils se sont même éloignés du front au moment de l'affrontement, contrairement à quelques manifestants idiots qui se sont mis à lancer des trucs vers l'anti-émeute. D'ailleurs, les collègues des policiers à vélo, de l'anti-émeute, les regarde nous attaquer et nous insulter sans rien faire.
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Une grenade assourdissante est lancée, d'autres grenades fumigènes, puis nos hallucinés à vélos repartent vers l'est sur Sherbrooke à la poursuite des manifestants qui se dirigent vers l'est. Je descend Jeanne-Mance en m'éloignant, clairement, la manifestation est terminée, à toute fin pratique, la police ne cherche qu'à attaquer, les quelques manifestants qui restent cherchent probablement l'affrontement aussi.
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Quelques jours plus tard, après l'élection du groupe de Libéraux qui étaient au pouvoir au printemps 2012 à quelques exceptions près, je réalise que le gouvernement corrompus avec une police à sa solde pour frapper les citoyens qui ne sont pas d'accord avec ses politiques est de retour. Il faut comprendre qu'une partie de l'austérité dans les finances publiques vient du gaspillage de fonds publics découlant de cette corruption, de ce vol des citoyens par les dirigeants et députés de ce parti. C'est assez décourageant.
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Je me dis alors que si j'avais voulu un gouvernement corrompu avec une police violente à sa solde, j'aurais été m'installer en Italie, où la corruption endémique et la violence et l'arbitraire de la police sont légendaires. D'ailleurs:
(Je voulais intégrer le vidéo, mais le lien ne marche pas toujours: cliquez ici pour voir, ou re-cliquez si ça ne fonctionne pas du premier coup).
Et par une agréable coïncidence, c'est justement pour Rome que je m'envole dans trois semaines.
Ça promet.
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