Il fait parfois trop froid, il fait parfois trop chaud... Le voisin m'horripile avec sa perceuse électrique. Y a des ennuis, tout ça. Mais la vie va, je l'aime. Même en réveil bougon, avec l'humeur de chien je n'ai pas de temps à perdre pour détester les autres. En plus ça doit être épuisant,et je suis paresseux. Je ne suis pas raciste parce que c'est fatigant ! J'aime les jolis soirs de printemps, quand on est là, sans plus, avec juste la présence, la présence au monde tandis que des nuages roses indiquent que le jour s'achève... Les autres sont des uns et moi, j'en suis un autre ! Je ne suis pas raciste parce que c'est fatigant ! Refuser l'autre, ça me saloperait le vent léger du printemps et les oiseaux qui chantent comme des andouilles vu qu'ils ne savent faire que ça. Et le sourire des femmes qu'on voit passer, ou pas. Et les enfants qui se marrent. Et la fumée de ma pipe, si tendre et si moelleuse. Ca foutrait ça en l'air, connement, bassement. Je ne suis pas raciste parce que c'est fatigant ! Il y a déjà des fleurs;j'aime les coquelicots. j'ai connu une femme, c'était un vrai chameau! Mais je ne regrette pas puisque j'ai vécu. Un vieil homme tranquille passe là, sur la route, pédalant sans emphase sur un joli vélo. Pourquoi perdre son temps à mépriser les gens ? Je ne suis pas raciste parce que c'est fatigant ! En fait, je ne pense qu'à moi, je suis égoïste, j'aime bien vieillir, en arbre d'automne. Et je vois la vie opportune et sympa. Et j'ai acheté des haricots au marché: j'ai aussi du persil. Et du beau beurre couleur de paille; Et puis des fruits qui viennent d'ailleurs, de chez des gens qui parlent autrement que moi ! Quelle joie ! Je ne suis pas raciste parce que c'est fatigant ! Et c'est bien parce que je suis égoîste que je préfère aimer les autres: on se sent mieux, ça va. on n'et pas là, ringard, mesquin,à se torturer le foie et vingt-cinq autres entrailles en se disant répétitivement "les autres, c'est rien que du caca": on vit, tout simplement sans s'encombrer de ça. Je ne suis pas raciste parce que c'est fatigant ! Parfois, je me sens bien avec un gentil frisson, comme le vin blanc un peu trop aigre, bien frais, pas forcément très bon mais qu'on aime quand même parce que ça secoue. Alors on a envie de sourire à celui qui est là, quelle que soit son parler, quelle que soit sa couleur ! Je ne suis pas raciste parce que c'est fatigant ! Je ne suis pas raciste parce que j'aime la vie!
Magazine Culture
12 avril 2014