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La sélection de la semaine : Les vieux fourneaux, Sherlock Fox, Détective Conan, Pierre Tombal, Léonard et Salaï, Le brigand de Sertao, L’impossible machine, Chasseur d’héritiers, Thomas Silane, Quino 60 ans d’humour, Reversible man et Madame

Par Casedepart @_NicolasAlbert

sherlock fox couvPour ce deuxième samedi du mois d’avril , Case Départ vous ouvre sa bibliothèque. Parmi eux, il y a quelques belles bandes dessinées. Les vieux Fourneaux : un sublime album d’un trio de septuagénaires partis à la recherche de leur passé, un polar animalier : Sherlock Fox, le 75e volume du manga populaire : Détective Conan, la trentième aventure du fossoyeur : Pierre Tombal, Léonard & Salaï : un récit sur la vie amoureuse de De Vinci, Le brigand du Sertao : entre légende et réalité sur le pire malfrat du Brésil, le mythe de la machine à voyager dans le temps : L’impossible machine, Chasseur d’héritiers : une nouvelle série policière d’un homme à la recherche de descendants d’héritiers, l’album anniversaire de la très bonne série Thomas Silane, Quino 60 ans d’humour : un recueil de dessins d’humour du père de Mafalda, le début du très bon manga d’horreur : Reversible Man et un album pour adultes Madame. Bonnes lectures !

A la poursuite du temps qui passe

les vieux fourneaux
Comédie sociale douce-amère, Les vieux Fourneaux, décoiffe ! Le récit mi-nostalgique mi-contemporain met en scène une bande de potes âgés, anciens des luttes sociales, Pierrot, Mimile et Antoine dans leur quête de vérité sur la vie de Lucette, la femme de l’un d’entre-eux. Ce road-movie des temps modernes, signé Wilfrid Lupano et mis en images par Paul Cauuet est truculent. Le lecteur suit avec délice ces septuagénaires qui n’ont pas fait le deuil de leur jeunesse.

Sophie, la vingtaine, propriétaire du théâtre ambulant Le loup en slip, Mimile et Pierrot viennent retrouver leur vieux pote Antoine ; sa femme Lucette vient de décéder.

Alors que Antoine passe chercher Mimile à la maison de retraite, ils arrivent tous les deux en retard à cause de ce dernier qui n’avait pas de costume pour les funérailles. Les trois septuagénaires ont fait les 400 coups ensemble depuis qu’ils sont enfant. Syndicalistes de combat, ils ont souvent lutté ensemble pour défendre les salariés des Laboratoires Garan Servier.

Lucette, la femme d’Antoine avait laissé son emploi dans l’entreprise pharmaceutique pour monter un théâtre ambulant. Ne pouvant plus s’en occuper à la fin de sa vie, c’est Sophie sa petite-fille qui reprend le flambeau de cette belle aventure culturelle grâce au vieux camion rouge Peugeot du Théâtre du Loup en slip léguée par sa grand-mère.

Avant de partir pour un meilleur ailleurs, Lucette a laissé une lettre à Antoine. Bouleversé par sa lecture, le fringant septuagénaire monte dans sa voiture et file à toute allure, son fusil sur le siège passager. Etonnés, ces deux camarades se rendent alors chez Maître Brousse, le notaire pour comprendre la teneur de la missive. Après quelques gifles, ils apprennent qu’Antoine est parti pour la Toscane à la poursuite du passé de sa femme. Prenant peur, Mimile et Pierrot décident de le rejoindre pensant qu’il va passer à l’acte. Dans leur périple, ils sont accompagnés par Sophie, enceinte de 7 mois. A bord du vieux camion du théâtre, les voilà partis pour l’Italie.

L’héroïne Sophie répète à l’envi que la vieillesse est un naufrage et pourtant elle semble avoir tord. Tout le premier album de la série Les vieux Fourneaux va lui prouver le contraire. Les septuagénaires sont toujours aussi alertes et fringants et le lecteur se plaît à suivre leurs péripéties. Teinté d’un humour décapant et ravageur, le récit de Wilfrid Lupano oscille entre la comédie, le drame et le suspens. Les dialogues sont finement ciselés grâce à des répliques dignes des films d’Audiard. Les personnages principaux sont tour à tour sensibles, touchants, dynamiques ou râleurs. Si le lecteur commence à découvrir le passé d’Antoine et de Lucette ; celui de Mimile et Pierrot laissent entrevoir de belles possibilités dans les tomes futurs. De même pour Sophie, future mère célibataire. Les flash-back en noir et blanc concernant les luttes syndicales sont tout aussi instructifs dans la compréhension de la série. Le scénariste de Alim le tanneur (Delcourt) propose un début de saga dense et bien écrit. Le trait semi-réaliste de Paul Cauuet rend admirablement les ambiances contemporaines mais aussi celles des années 60/70. Les planches très équilibrées avec de grandes cases sont très efficaces.

Les vieux Fourneaux : une série entraînante et très amusantes sur la vie d’une bande d’amis dans la force de l’âge, partie à la rencontre de leur passé. Pari réussi pour ce premier tome, Case départ attend avec une grande impatience le deuxième opus. Vivement la suite !

  • Les vieux Fourneaux, tome 1 : Ceux qui restent
  • Auteurs : Wilfrid Lupano et Paul Cauuet
  • Editeur: Dargaud
  • Prix: 11,99€
  • Sortie:  11 avril 2014

Sherlock Fox, rusé détective

sherlock fox
Dans une société d’animaux où personne ne mange son voisin, Sherlock Fox, renard-détective, enquête sur la découverte d’ossements qui ne correspondent à aucune race connue. C’est cette histoire d’animaux anthropomorphes qu’a voulu raconter Jean-David Morvan dans l’album Le chasseur, premier tome de la série Sherlock Fox. Pour la partie graphique, il a décidé de travailler avec Du Yu, un dessinateur chinois talentueux.

Dans un forêt, un blaireau conduisant un camion de marchandises mystérieuses, s’arrête à la vue d’un animal étrange. Surpris par le chauffeur, ce dernier lui envoie une pierre dans le pare-brise. Alors que des caisses ont disparu, le blaireau tire au hasard pour le mettre en fuite.

Dans le ville voisine, Ney Quitsou, le renard-détective beau parleur et fin limier, se rend dans un club huppé de la cité. Surnommé Sherlock Fox, il vient confondre un malfrat aux yeux de tous ses pairs. Ayant découvert le coupable d’une escroquerie financière, le détective le place devant le fait accompli. Après avoir résumé son enquête, il fait arrêter le buffle. Pour éponger ses dettes de jeux faramineuses, il revendait des cartons de stocks aux voyous dans les bas-fond de la ville. Satisfait de son enquête rondement mené, Quitsou rentre au commissariat pour rédiger son rapport puis s’octroie un petit dîner bien mérité.

Le lendemain, deux amoureux, une jument et un lapin, se retrouve dans la forêt pour batifoler. Chutant à côté d’une petite rivière, ils découvrent les restes d’ossements d’un animal. Effrayés par cette découverte, ils appellent la police. C’est Sherlock Fox qui est dépêché sur place pour relever les indices…

Voilà une nouvelle série qui démarre fort ! Le polar animalier et malin de Jean-David Morvan est d’un premier abord des plus classiques, pourtant le scénariste met en place un univers animalier très intéressant. Les animaux ont jeté les bases d’une société égalitaire où les instincts ont été remplacés par des règles strictes de vie en communauté : on ne mange pas son voisin, on ne mange pas de viande et on a le droit de faire l’amour sans spécialement procréer ; des révolutions dans ce monde anthropomorphe. Ces thèmes de société très contemporains sont mis en lumière par deux enquêtes lors de ce premier tome : une première qui permet la mise en place de la série (les personnages, les règles de vie…) et la deuxième plus forte (les découverte des ossements) qui laisse entrevoir une belle suite. Si l’auteur de Sillage marche dans les pas de la sublime série Blacksad, son Sherlock Fox n’en a pas les mêmes arguments et n’en atteint pas les sommets ; pourtant sa série policière se laisse lire facilement et plaira aux enfants dont c’est la cible. Le dessin de Du Yu, dont c’est le premier album, est très efficace. Le chinois dont les influences du manga ou de Miyazaki sont très voyantes dans ses planches, livre une belle performance ; les cadrages et le découpage rythment parfaitement l’histoire. Il restitue bien cet univers ressemblant au Londres de l’époque victorienne.

Sherlock Fox : une série policière et animalière qui mérite d’être suivie tant le scénario et le graphisme sont très efficaces.

  • Sherlock Fox, tome 1 : Le chasseur
  • Auteurs : Jean-David Morvan et Du Yu
  • Editeur: Glénat
  • Prix: 14,95€
  • Sortie:  23 mars 2014

Petit par la taille mais immense détective

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A Case Départ nous ne pouvions pas passer à côté d’un succès populaire aussi important que celui de Détective Conan. Vendu à des millions d’exemplaires au Japon depuis 1994 comme en France où la série compte déjà 75 tomes, tous parus chez Kana. Les ados comme les plus jeunes connaissent ce fin limier grâce aussi à la série animé qui passe sur le petit écran depuis 2003.

Shinichi Kudô est un jeune lycéen japonais de 17 ans. Détective à ses heures perdues, il est le fils d’un célèbre auteur de romans policiers connu dans le monde entier. Doté d’un remarquable sens de l’observation, il résout de nombreuses affaires complexes. Un soir, alors qu’il se rend à un rendez-vous amoureux avec Ran Mouri, son amie d’enfance, il surprend de mystérieux hommes en noir se livrant à un chantage. L’un d’eux lui fait avaler un poison inconnu. S’il ne meurt pas, Shinichi rajeunit de quelques années.

Ayant désormais l’apparence d’un enfant de 7 ans, il décide de changer de nom pour celui de Conan Edogawa et cache sa véritable identité à sa petite amie. Il continue néanmoins à résoudre des énigmes, notamment celles de son oncle Kogoro et recherche aussi des indices pouvant le mener aux hommes en noir dans l’espoir de retrouver une apparence normale.

Dans ce tome 75, Conan résout plusieurs dossiers importants dont :

- La lettre d’aveux de Madame Wakamatsu. Empoisonnée au cyanure. Alors que certaines personnes pensent à un suicide, le jeune détective prouve le contraire : le thé a commencé à être bu, la femme a commencé le début de sa signature sur un contrat…

- Le vrai Kogoro l’endormi : M. Tengawa est retrouvé mort dans son appartement. Alertés par la sonnerie de son réveil, les locataires voisins sont entrés de force en enfonçant la porte. La gorge tranchée, l’homme de 44 ans gît sur le parquet…

L’on comprend mieux l’immense succès de ce manga : cela est surtout dû à la personnalité attachante de Shinichi. Ayant l’aspect d’un petit garçon, il ne faut pas oublié qu’il a la maturité d’un jeune homme. Dynamique, un peu gaffeur et doué d’une grande intelligence, qu’il met au service des enquêtes menées souvent avec trop de rapidité par la police. Prompt à découvrir tous les indices grâce à son sens inné d’observation. La galerie de personnages autour de lui est aussi agréable, car sympathiques. Teintées d’un bel humour, les enquêts liées à des meurtres sont souvent bien construites et assez variées. Graphiquement, c’est extrêmement efficace comme le sont les mangas d’essence populaire.

  • Détective Conan, tome 75
  • Auteur : Gosho Aoyama
  • Editeur: Kana
  • Prix: 6,85€
  • Sortie:  18 avril 2014

Pierre Tombal : rire gaiement de la mort

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Voici déjà le trentième album de la série d’humour Pierre Tombal. Débutée en 1983, elle fut créée par Raoul Cauvin et Marc Hardy. Toujours aux manettes pour cet opus intitulé Questions de vie et de mort, ils mettent leur talent au service des gags autour du fossoyeur du même nom, souvent désopilants pour le plus grand plaisir de leurs lecteurs.

Pierre Tombal a un drôle de métier, il est fossoyeur dans un cimetière municipal. Creusant des tombes pour enterrer les défunts, il tisse des liens solides avec eux : tendres, amusants voire de camaraderie. Sous forme de squelette, il les choie et essaie au maximum de répondre à leurs volontés plus folles les unes que les autres. Gérer ce lieu de mort n’est pas une sinécure pour le petit homme toujours en pleine forme. Pourtant souvent les problèmes ne viennent pas des défunts mais des vivants, plus prompts à être désagréables que les êtres décharnés du cimetière. En plus de ses occupants, Pierre reçoit fréquemment la visite de La Mort, munie de sa faucille et de sa longue robe noire.

Entre un visiteur écoutant l’histoire malheureuse d’un homme victime d’une catastrophe aérienne de la compagnie BryanAir, La Vie qui vient titiller La Mort sur son skate, cette dernière qui tombe en dépression, le nettoyage de l’ossuaire, la femme-canon qui loupe son atterrissage, le médium qui vient faire son numéro à la télévision… le monde de Pierre Tombal est rempli de personnages très étranges.

La série à succès Pierre Tombal fait les beaux jours du catalogue Dupuis depuis plusieurs décennies, engrangeant des millions d’albums vendus. Si il est délicat de garder une belle constance dans la qualité des gags, pour ce trentième album cela semble assez vrai. Même si les derniers tomes étaient moins amusants, Questions de vie ou de mort remporte la palme de la réussite et de l’humour. 30 ans que les deux compères rient de la mort ! Les scénarios, à l’humour noir et cynique, des gags de Raoul Cauvin moins en prise avec le temps touchent donc plus facilement le lecteur ; l’album sera peut être un peu moins daté que les précédents. Même si on ne retrouve pas toujours la même fraîcheur des tous premiers opus, le volume est agréable à lire ; le lecteur prendra beaucoup de plaisir à retrouver les aventures du célèbre fossoyeur. Tout est prétexte à la dérision dans les pages de cet album, même La Mort sera taquinée fréquemment par La Vie, belle petite fille joyeuse et chaleureuse. Au point d’être déprimée ? Le trait vif et jeté de Marc Hardy est toujours d’une excellente qualité. Le dessinateur met son talent au service de gags et la veine comique de la série est aussi due à la qualité de son graphisme.

Pierre Tombal : une série populaire où l’on rit de tout, même de la mort. Teinté d’un bel humour noir et de cynisme, l’album est d’une belle qualité scénaristique et graphique. Pour le plus grand plaisir des lecteurs.

  • Pierre Tombal, tome 30 : Questions de vie et de mort
  • Auteurs : Raoul Cauvin et Marc Hardy
  • Editeur: Dupuis
  • Prix: 10,60€
  • Sortie:  11 avril 2014

Dans l’intimité de Léonard de Vinci

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Paul Etchegoyen et Benjamin Lacombe publient Léonard & Salaï aux éditions Soleil ; un récit fictionnel sur l’histoire d’amour Léonard de Vinci et son jeune apprenti qu’il dénomma Salaï. Cette liaison sulfureuse influa sur l’œuvre du génie italien. Prévu en diptyque, le premier tome s’intitule Il salaïno (1532-1555).

Florence, 1540. Un jeune garçon s’introduit sans bruit dans l’atelier de Léonard de Vinci. Son but : voler de la nourriture. Alors que caché derrière des toiles et qu’il tend son bras pour dérober du raisin, il tire trop fortement la nappe et fait tomber son potentiel butin. Surpris par le maître des lieux qui lui somme de rembourser son forfait, en revenant travailler le lendemain.

Pourtant, le jeune éphèbe aux cheveux longs et bouclés ne sera jamais maltraité par De Vinci, devenant même sa muse et son modèle favori. Surnommé Salaï (petit diable) par le génie de la peinture, il en deviendra même son amant. Ecorché vif, petit voyou et fainéant, il sera pris sous les ailes de son mentor, faisant régner l’ordre dans l’atelier.

A cette période, le souci de Léonard, c’est son futur chef-d’œuvre : La cène, représentant le dernier repas de Jésus et ces apôtres. En effet, les pigments de peinture ne tiennent pas sur la toile mais le créateur ne veut en aucun cas entendre parler d’une autre technique pour peindre cette scène. De plus, le couvent Santa Maria abritant cette célèbre peinture sera inondé, créant de nombreux dégâts sur la toile.

En parallèle de ses créations picturales, De Vinci travaille sur des machines volantes, comme l’ancêtre de l’avion, propulsé par le vent et la force des bras. Mais ces dernières tentatives sont de vrais échecs ; le prototype s’écrasant sans réellement voler.

Quelques temps plus tard, l’atelier déménage de Milan à Mantoue, dans le palais d’Isabelle d’Este afin que le génial créature immortalise la jeune femme dans un portrait…

L’évocation romanesque d’une partie peu connue de la vie de Léonard de Vinci, dans le premier album Léonard & Salaï, est assez réussie. Par le biais de l’histoire d’amour admirable de plus de 30 ans entre le créateur et son apprenti, le lecteur découvre par la même occasion des toiles ou des inventions comptant parmi les œuvres les plus importantes du peintre de La Joconde. Salaï, personnage oublié de la cour importante de De Vinci est pourtant au cœur de ce récit.

Mi-ange mi-démon, il pouvait faire régner la terreur dans l’atelier comme il pouvait parfois se montrer agréable aux yeux des autres apprentis. Prenant parfois des allures très moderne, le récit de Benjamin Lacombe est parfaitement soigné, tout en sensibilité mais ne passant pas sous silence les difficultés rencontrées par le créateur (manque d’argent, déménagement…). L’illustrateur, en plus du scénario, a créé le story-board, dessiné les planches ainsi que les reproductions magnifiques des peintures de Léonard. De son côté, Paul Etchegoyen a aidé son complice sur le story-board et dessiné les décors. Ce travail à quatre mains est somptueusement mis en lumière par des graphismes au lavis et à la gouache. Les personnages prenant alors presque la forme de sculptures, proches de celles de la Renaissance ou des créateurs de l’Antiquité. Par cette série, les deux auteurs dresse un portrait élégant et tout en douceur d’un artiste mondialement reconnu.

Léonard & Salaï : une belle série pour les amateurs d’Histoire et des arts ou les passionnés de belles histoires d’amour.

  • Léonard & Salaï, tome 1 : Il salaïno (1532 – 1555)
  • Auteurs : Benjamin Lacombe et Paul Etchegoyen
  • Editeur: Soleil, collection Noctambule
  • Prix: 17,95€
  • Sortie:  23 mars 2014

Mortelma : mi-ange mi-démon

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Dans les années 20, au Brésil, se construit la légende du mythique brigand Antonio Mortalma. La vie de la pire crapule du Nordeste est relatée ici par différents angles de vues selon les protagonistes, entre fiction et réalité. Le brigand du Sertao, album publié une première fois en 2001 dans le pays sud-américain, débarque avec force ce mois-ci en France, aux éditions Sarbacane. Il est signé Wellington Srbek et Flavio Colin.

Nordeste du Brésil, région du Sertao. Dans les années 20, une bande de malfrats fait régner la terreur dans les villages de la région. A sa tête, la pire des crapules, avide de sang, Antonio Mortalma.

Un journaliste du nom de Ulisses de Araujo se rend dans la petite cité de Buritizal près de Minas Gerais. Son but, trouver toutes les informations sur le fameux brigand et sa troupe d’assassins. Mais le village est mis en sommeil depuis que Mortelma y a fait une razzia : plus de maire, ni de commissaire et encore moins de procureur. C’est dans cette ambiance de fin du monde que débarque le reporter. La première personne qu’il rencontre et qui veut bien lui parler de l’homme sanguinaire, c’est le curé, épargné par les bandits. Il lui raconte même son enfance et le début de sa légende : né du diable, il aurait été confié à un couple de tziganes. Pourtant les visions de l’enfance d’Antonio sont différentes selon les habitants : l’un, expliquant qu’il a signé un pacte avec le diable alors qu’il avait une vie plutôt normale ; un autre, lui contant une histoire beaucoup plus réaliste : un engagement dans le banditisme après un affrontement contre un gang alors qu’il servait dans sous les ordres du colonel Gouveia.

Au détour d’un chemin, Ulisses croise la route de Mortelma. Cachant le carnet dans lequel il consignait ses recherches, le brigand lui intime l’ordre de lui donner en contrepartie de sa vie sauve…

L’album, découpé en 6 chapitres, montre le point de vue de 6 personnages différents sur la vie de Mortelma. Alors que chacun à sa vision subjective, mis bout à bout les 6 récits forment une histoire dense et prenante. Le scénario très vif et un peu fou de Wellington Srbek met en lumière la légende de l’homme sordide et sanguinaire, entre faits réels et fiction. L’auteur brésilien n’épargne rien aux lecteurs : les meurtres, les fusillades, les razzias ainsi que les bandits démoniaques. Teinté d’éléments de magie ou surnaturels, l’ambiance et le cadre historique de l’histoire sont parfaitement restitués. Considéré comme le meilleur dessinateur de bandes dessinées brésilien, Flavio Colin emporte le lecteur. Les planches sont magnifiques, le rythme endiablé et le découpage original. Le dessin très lisible de l’auteur décédé en 2002 rend la lecture très fluide.

Le brigand du Sertao : un western épicé et captivant servit par l’un des maîtres du 9e art brésilien.

  • Le brigand du Sertao
  • Auteurs : Wellington Srbek et Flavio Colin
  • Editeur: Sarbacane
  • Prix: 22€
  • Sortie:  02 avril 2014

Le mythe de la machine à voyager dans le temps,

réinventé

impossible machine
Line est un jeune femme désignée pour faire partie d’un groupe de recherches scientifiques qui a inventé une machine à voyager dans le temps. Dans ses nombreux voyages dans le passé ou dans le futur, elle doit prendre contact avec les autres membres de la mission. Cette tâche s’avérera pas toujours simple. L’impossible machine,  récit de science-fiction est l’œuvre de Jean-Yves Dardel et est publié aux éditions Mosquito.

Nord de la Beauce, juin 2004. Au cœur de cette région se dresse un grand complexe scientifique dans une base désaffectée. A l’intérieur une équipe d’hommes et de femmes de sciences. Arrivée dans un vieux camion Citroën, Line Cordenard emménage dans une des maisons attenantes à la base. Ne sachant pas réellement pour quel emploi, elle a été embauchée, la jeune femme brune rencontre enfin le contingent scientifique mais elle remarque une chose qui la surprend : tous ont plus de la soixantaine parfois même plus. Le directeur de la base, Alexander Vergangheit, lui présente alors la fameuse machine à voyager dans le temps. Sceptique et pensant que ces personnes étaient folles, elle assiste à une expérience : le journal du jour est envoyé dans le passé pour revenir à son point de départ. La machine apparemment obsolète, s’avère être diablement efficace ; le journal se trouvant alors dans un container d’azote liquide, Line le prend avec soin, sidérée par cette réussite.

La jeune femme raconte ensuite sa première expérience dans le passé : elle raconte Alexander en 1963. Raide comme un bout de bois et faible comme une grand-mère lorsqu’elle sort du container d’azote, des scientifiques devaient l’habiller comme un bébé tant elle est faible.

Pour faire comprendre à l’Alexander de 20 ans qu’il avait en face de lui la Line envoyée par l’Alexander de 60 ans, il avait laissé un indice sur sa carte d’identité : l’adresse de son domicile…

Ce récit d’anticipation à l’intrigue extrêmement dense peut paraître au premier abord des plus délicats. Plongée sans ménagement, directement dans l’histoire de Line, le lecteur aura de suite du mal à cerner le vrai du faux, la réalité de l’illusion, les voyages dans le passé ou le futur ; et c’est ce qui fait la grande force de L’impossible machine. Torturée comme l’héroïne de l’album par ses allers-retours dans le temps, la narration en sort grandie. Se raccrochant aux histoires contées par la jeune femme, le lecteur parviendra tout de même à se laisser happer par l’album. Cette base et cette mission scientifique semblent des plus secrètes, à la limite de la légalité ; avec à sa tête des hommes et des femmes des plus mystérieux. Graphiquement, Jean-Yves Dardel se rapproche de récits des années 80, tout en douceur que ce soit les visages ou les couleurs. Les décors métalliques de la base oscillent entre les usines des années 50/60 et celles de l’ère soviétique.

  • L’impossible machine
  • Auteur : Jean-Yves Dardel
  • Editeur: Mosquito
  • Prix: 15€
  • Sortie:  18 avril 2014

Chasseur d’héritiers

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Lélio est un Chasseur d’héritiers. Il enquête pour le compte de notaires de façon souvent très virile pour retrouver les descendants de personnes décédées. Dans le tome 1 de la série, il va se trouver en prise avec une affaire ancienne datant de la Seconde Guerre Mondiale. Intitulé Les 7 vierges, il est co-scénarisé par Nicolas Jarry et Benoît Rivière et mis en images par Guillaume Tavernier.

Nord ouest du Pérou, 2002. Saultner, perdu dans la jungle, est poursuivi par des hommes armés. Alors qu’il saute dans une embarcation volée, Lélio De Luca le rattrape avec un hélicoptère. Il le fait signer des papiers de succession. En effet, l’homme est chasseur d’héritiers. En France, chaque année 10 000 personnes décèdent sans parent connu ni testament. Enquêtant pour le compte de notaires, Lélio se met en quatre pour retrouver les descendants. Quelques jours plus tard et alors qu’il a aidé son client, il le retrouve chez Maître Desouterre, notaire parisien. A la clef, Saultner encaisse un chèque de 1 418 120 euros dont 25 % iront au chasseur d’héritiers.

Pour l’aider dans ses multiples enquêtes, Lélio fait appel à Ernest, un septuagénaire qui fouille dans les archives mais aussi à Victor Aubrac, commissaire-priseur.

Pour sa nouvelle mission confiée par Desouterre, il doit se rendre chez le baron Gérald de la Venière, assassiné lors d’un cambriolage qui aurait mal tourné. Accompagné de Victor qui doit effectuer l’inventaire des lieux, Lélio découvre une lettre de Lucie adressée à Marie, sa confidente et datant de la Seconde Guerre Mondiale. Repérée par les résistants français, Lucie en couple avec Karl un officier allemand, devait leur fournir des éléments importants concernant son oncle Gobbels.

La thématique de départ de Chasseur d’héritiers est fortement intéressante et ouvre des perspectives pour de nombreuses histoires. Le récit dynamique de Nicolas Jarry et Benoît Rivière mêle l’Histoire, l’action et le suspens. Misant sur leur héros principal Lélio, à mi-chemin entre Indiana Jones et Sherlock Holmes, ils délivrent une belle enquête finement construite. Le chasseur d’héritiers bouscule tout sur son passage, joue des coudes et de ses muscles pour arriver à ses fins. Si le récit est le point fort de la série, il n’en va pas de même pour la partie graphique. Dans le dessin réaliste de Guillaume Tavernier, on décèle quelques maladresses dans la proportion des corps ou des erreurs dans les visages. L’auteur, dont c’est le premier album, possède néanmoins de grandes qualités en ce qui concerne les décors urbains ou les restitutions d’ambiances des années 40. La marge de progression étant importante, on attend le prochain tome pour se faire une véritable idée.

Chasseur d’héritiers : un album dynamique à l’intrigue et aux personnages bien ficelés. Une série à suivre pour les amateurs d’Histoire et d’action.

  • Chasseur d’héritiers, tome 1 : Les 7 vierges
  • Auteurs : Nicolas Jarry, Benoît Rivière et Guillaume Tavernier
  • Editeur: Delcourt, collection Machination
  • Prix: 13,95€
  • Sortie:  09 avril 2014

Silane dans le village des jumeaux

thomas silane
Avec ce septième tome Racines, la série Thomas Silane souffle ses 10 bougies. Succès populaire édité chez Grand Angle – Bamboo, les amateurs de l’univers du reporter seront de nouveau ravis. Ils retrouveront avec plaisir, grâce à Patrice Buendia, Philippe Chaoinat et Roberto Zaghi, l’homme à l’appareil photo aux pouvoirs quasi magiques sur les traces de ses parents au fin fond du Brésil dans le village « des jumeaux », maudit par les expériences de Mengele.

Reporter pour le journal Nouveau Regard, Thomas Silane est un vrai baroudeur, prêt à risquer sa vie pour décrocher un scoop. Orphelin très jeune, il ne lui reste que sa sœur Claire comme seule famille. C’est avec cette tragique disparition que le journaliste a acquis cette soif de justice.

Au début de la série, il reçoit en cadeau par un inconnu, un appareil photo argentique qui révèle un drôle de don : il imprime la scène de meurtre et les protagonistes lorsque le reporter l’utilise pour photographier la victime. Ce cadeau inestimable va grandement lui servir lors de ces enquêtes et plus particulièrement pour élucider la disparition de ses parents dont la police n’arrive pas à résoudre l’enquête.

Tome 7 : Accompagné de son amie Irina, Thomas s’envole vers le Brésil, en quête d’indices concernant la disparition de ses parents. Lors du trajet, le journaliste dévoile le secret de son appareil photo. Pourtant elle ne le croit pas du tout et pense qu’il se moque d’elle. Le couple arrive sans encombre à Candido Godoi, dont la célébrité à fait le tour du monde. Cette ville est connue pour son nombre important de jumeaux et la rumeur court que cette anomalie serait due aux expériences menées dans les années 60, par Joseph Mengele, le docteur de la mort du régime nazi, qui avait trouvé asile en Amérique du Sud avant la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Accueillis par Léon et Alexis, frères jumeaux parlant ensemble, ils démarrent leur enquête, aidés en cela par Léandro, un garçon trainant dans la rue. Le jeune brésilien le mènera sur les lieux de crimes de la ville. Moyennant une somme rondelette de 5000 $, il les retrouve au stade Denardin. Mais là, des hommes embarquent le jeune footballeur. Commence alors une course-poursuite entre kidnappeurs et Thomas pour récupérer l’enfant.

Alternant les scènes d’action et les moments de réflexions sur la propre existence du héros, le récit dynamique de Patrice Buendia et Philippe Chanoinat permet de passer un agréable moment de lecture. L’univers de Thomas Silane est bien ancré dans notre époque et le lecteur est happé par les enquêtes du reporter. Teinté de fantastique par le biais de l’appareil photo, l’histoire est menée tambour-battant. A la recherche d’indices si précieux sur ses parents, le journaliste sera confronté à un drôle de phénomène – celui de la ville des jumeaux. A noter que les dialogues sont toujours aussi soignés. Le dessin réaliste de Roberto Zaghi est efficace et très juste. La mise en page est dynamique comme le scénario et les décors sont minutieux et très fouillés.

Thomas Silane : une belle série d’intrigues et d’actions à (re)découvrir.

  • Thomas Silane, tome 7 : Racines
  • Auteurs : Patrice Buendia, Philippe Chanoinat et Roberto Zaghi
  • Editeur: Grand Angle – Bamboo
  • Prix: 13,90€
  • Sortie:  09 avril 2014

Et pour quelques pages de plus…

Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :

Quino 60 ans d’humour

quino
Quino, le talentueux créateur de Mafalda, fête en cette année 2014, ses 60 ans de carrière. Né le 17 juillet 1932 en Argentine, Joaquin Salvador Lavado Tejon commence à étudier le dessin en 1945. Trois ans plus tard, il se consacre au dessin d’humour et en 1963 est édité son premier recueil de travaux Mundo Quino. L’année suivante, il crée Mafalda qu’il animera pendant 10 ans. En 1974, il revient à ses premières amours en livrant des dessins sans héros récurent. Le merveilleux papa de la petite fille rêveuse, reconnu dans le monde entier pour son personnage fétiche, le sera également et avant tout pour son dessin d’humour.

Après la publication en janvier d’une sublime intégrale concernant son héroïne et après une belle exposition pendant le Festival Bd d’Angoulême, les éditions Glénat récidivent ce mois-ci avec la sortie de Quino 60 ans d’humour, un recueil regroupant ses travaux d’essence humoristique. Divisé en chapitres thématiques : Vous ne savez pas à qui vous avez affaire ! consacré au monde de l’entreprise ; Féminin singulier sur l’univers des femmes ; Nos enfants, ces étrangers ? regroupant les dessins concernant les enfants ; Boum il était une fois la paix : regroupant des dessins sur le thème de la guerre ; Pauvres riches ! sur les puissants de ce monde ; Tu parles d’un futur ! reprenant les dessins visionnaires de Quino ; Vu à la télé ! fustigeant le petit écran ; A table ! reprenant les dessins sur l’art culinaire ; C’est tout un art sur les arts en général et Jusqu’à ce que la vieillesse nous sépare sur la thématique de la fin de vie.

Glénat poursuit son beau travail de conservation et de (re)découverte de l’œuvre immense de Quino. Les dessins en noir et blanc n’ont que rarement pris une ride. Ils semblent encore d’une grande actualité et d’une belle fraîcheur. Case Départ vous recommande vivement cet album.

  • Quino 60 ans d’humour
  • Auteur : Quino
  • Editeur: Glénat
  • Prix: 12,75€
  • Sortie:  02 avril 2014

Reversible man,
volume 1

reversible man
Les éditions Komikku publient le premier volume du manga thriller horrifique Reversible man. Prévu en trois tomes, il est signé Nakatani D.

Depuis quelque temps, la ville bruisse de folles rumeurs sur la multiplication de cadavres à l’aspect totalement répugnant, bientôt appelés les “retournés”. Certains pensent que les victimes ont été emportées par une mystérieuse épidémie, tandis que d’autres voient dans ces corps affreusement déformés, la preuve irréfutable d’un trafic d’organes perpétré par la mafia du sud-est asiatique…

Mais seule une jeune fille connaît la vérité qui se cache derrière cette macabre légende urbaine. En prélude à une longue série de massacres, un groupe de trafiquants de drogue, appâté par un mail racoleur et piégé dans un bar des bas quartiers, est décimé dans un bain de sang.

Le récit extrêmement fort de Nakatani D réussit le pari de mêler avec beaucoup d’habileté: horreur, thriller, l’enquête policière et une histoire de yakuzas. L’héroïne est mystérieuse à souhait et le lecteur se demande qui sont réellement ces retournés et surtout qu’ont-ils bien pu subir de si atroce pour être dans ce triste état ? Reversible man va retourner le lecteur, le faire frissonner grâce à une narration punchy, dotée de nombreux rebondissements et des actions qui s’enchaînent sur un rythme soutenu. Les très belles planches concernant les combats ou les massacres sont très équilibrées et très bien pensées. Une très belle réussite pour les amateurs de manga d’horreur ! A couper le souffle !

  • Reversible man, volume 1/3
  • Auteur : Nakatani D.
  • Editeur: Komikku
  • Prix: 8,95€
  • Sortie:  27 mars 2014

Madame

(album pour adultes)

madame
Madame est une série mythique initialement publiée dans les années 90 et créée par Jack-Henry Hopper. Le label Dynamite de la maison d’édition La Musardine a décidé d’éditer de nouveau cette trilogie dans son intégralité.

Paris. Femme du monde abandonnée par son mari, Madame devient une maîtresse experte en sadomasochisme. Elle attire des hommes très riches dans son appartement du 16e arrondissement.

Ce soir-là, elle reçoit dans son demeure ornée de tableaux comportant des scènes explicites sado-maso, un homme âgé professeur à la Sorbonne, pour lui faire subir les pires humiliations et divers jeux sexuels avec fouets, chaînes ou engins de torture. A la fin de sa séance, elle le paie et lui donne congé.

Le lendemain, sa fille, qui habite à Nice, la rejoint à l’aéroport pour ses vacances. La jolie fille de 16 ans ne sait rien des folies sexuelles de sa mère. Alors que le Général de Bengala souhaite expressément la voir le soir même, elle demande à sa gouvernante de coucher son enfant. Après sa séance avec l’homme, sa fille lui fait le reproche de ne lui avoir jamais rien dit de ses fantasmes et deviendra alors son assistante lors des soirées.

Jack-Henry Hopper prend visiblement beaucoup de plaisir à dessiner ces filles élancées aux visages expressifs et aux poitrines monstrueuses, portant vêtements de cuir et talons tranchants, dans des décors fastueux. Sous son crayon, les corps vibrent, la jouissance se lit sur les visages, la douleur éclate lorsque claque le fouet. Son trait en noir et blanc est très spécifique des auteurs des années 90, simple, élégant mais extrêmement efficace. A noter qu’une préface sur l’auteur et son parcours est signé Henri Filippini.

  • Madame
  • Auteur : Jack-Henry Hopper
  • Editeur: Dynamite
  • Prix: 13€
  • Sortie: 21 mars 2014

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