Nebraska // De Alexander Payne. Avec Bruce Dern, Will Forte et June Squibb.
Nebraska c’est avant tout l’histoire d’un homme, un peu étourdi et facile à berner qui va penser avoir gagné le gros lot : un million de dollars. Sauf que bien évidemment c’est
ces arnaques que l’on reçoit chaque année dans la boîte aux lettres. Mais il y a des gens qui tombent dans le panneau et Nebraska tente de nous raconter l’histoire de cet homme,
Woody, qui veut aller chercher son lot à la source. Si l’on connait forcément l’issue de ce film, le road trip est fabuleux. Je crois que je n’avais pas été aussi ému au cinéma depuis un bout de
temps. C’est tout de même impressionnant et Bruce Dern, fort de son prix d’interprétation masculine au dernier Festival de Cannes (le film a mis près d’un an à
sortir chez nous, un comble) est méconnaissable. Je dirais même que l’acteur fait ici quelque chose d’extraordinaire avec ce personnage, à la fois touchant mais aussi terriblement drôle. Car oui,
malgré le noir et blanc et le côté morose de l’histoire (un homme peu aisé qui croit devenir riche dans une Amérique ruinée), le film est vraiment drôle. Voire même très drôle à certains moments.
Je ne m’y attendais pas du tout et j’étais même réticent à aller le voir. Erreur, j’ai trouvé l’une des perles de l’année.
Un vieil homme, persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain, à pied puisqu'il ne peut plus
conduire. Un de ses deux fils se décide finalement à emmener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit. Pendant le voyage, le vieillard se blesse et l’équipée fait une
étape forcée dans une petite ville perdue du Nebraska qui s'avère être le lieu où le père a grandi. C'est ici que tout dérape. Rassurez-vous, c’est une comédie !
Car oui, si je n’ai pas été ému par Her (ne m’en veuillez pas), j’ai été bouleversé par Nebraska. Car son sujet est terrible. Ce pauvre homme qui se pense avoir
enfin gagné quelque chose dans sa vie se retrouve finalement bercé d’illusion. Le film ne s’attarde pas que sur ce lot puisque ce n’est qu’un moteur pour un road trip. Ce road trip est absolument
fabuleux. Mis en scène par un Alexander Payne très en forme, le réalisateur de The Descendants nous offre ici une histoire d’amour (celle de Woody et de sa
femme), une histoire familiale (la relation entre le père et son fils… voire ses fils même si Ross n’est pas le plus présent dans le film) et une aventure assez surprenante. L’amour
d’Alexander Payne pour le road trip s’était déjà vu au travers de Sideways. J’avais adoré ce film et je ne suis donc pas surpris d’avoir adoré
Nebraska. Mais Nebraska est très différent, notamment car il utilise le noir et blanc. Cela peut surprendre mais c’est une manière intelligente pour mettre en
avant les émotions des personnages. Mais aussi pour montrer la misère des choses. Car nous sommes pas à New York mais dans le centre des Etats-Unis, la partie la plus pauvre du pays.
Le réalisateur fait un constat intelligent sur la situation du pays, aussi bien dans les décors qu’il choisit que dans les dialogues qui font par moment référence au fait que le pays a connu des
moments difficiles économiquement parlant et que tout le monde tente de joindre les deux bouts. Il y a aussi le fait qu’ils noient leurs problèmes dans l’alcool (ce que fait Woody et ce que
faisait son fils avant de s’arrêter). Nebraska n’oublie pas non plus d’être drôle. On doit l’humour à la fois à Bruce Dern mais aussi à June
Squibb (ce rôle lui a permis d’être nominée pour la première fois aux Oscars et il s’agit de la première nominée aussi âgée). L’actrice est bluffante et excellente,
tentant de nous démontrer à quel point il ne faut pas rester sur des échecs mais toujours reprendre du poil de la bête. Finalement, Nebraska est l’une des belles surprises de ce
début d’année. Je m’attendais à être bluffé par Her de Spike Jonze et finalement j’ai été bluffé par Nebraska d’Alexander
Payne. Parfois il vaut mieux partir avec peu d’attente pour être surpris.
Note : 10/10. En bref, l’un des plus beaux films de ce début d’année.