Seul en scène écrit par Antoine Duléry et Pascal SerieisMise en scène de Pascal Serieis
Présentation : Tour à tour Belmondo, Serrault, Luchini ou Johnny, Antoine Duléry rend hommage aux grands acteurs du passé mais aussi à ses complices d’aujourd’hui. Il passe avec virtuosité d’un personnage à l’autre, du Théâtre au Cinéma, du réel à l’imaginaire : Delon croise De Niro, Luchini poétise avec Jouvet, Galabru dialogue avec Serrault. Au gré de ces rencontres improbables naissent des situations jubilatoires.
Mon avis : « Ce n’est pas de l’imitation, c’est de l’amour »… C’est en ces termes qu’Antoine Duléry définit son spectacle à la fin de son seul en scène. Toute son implication est contenue dans cette phrase. Antoine est entièrement dans l’affect, en totale empathie avec ses glorieux aînés comme avec ses contemporains. C’est un caricaturiste qui croque ses personnages sans jamais mettre dans ses portraits une once de méchanceté. Il force certes beaucoup le trait, il accentue les tics, il magnifie les tocs. Il est en permanence dans un mimétisme amplifié.
« Antoine Duléry fait son cinéma ». Le titre de son spectacle comprend deux niveaux de lecture et de réception. D’abord en donnant au verbe « faire » son sens de « construire ». Il nous livre son générique idéal, de Michel Simon et Louis Jouvet à Fabrice Luchini et Johnny Hallyday en passant par Jean-Paul Belmondo et Michel Serrault. Quelle affiche somptueuse il nous propose ! Il joue en permanence à chat-mythe… Ensuite, il « fait son cinéma » en ce sens où il en fait des caisses. Bonjour le Cabot ! Mais c’est un cabot magnifique nanti d’un sacré pédigrée car il est issu d’une longue lignée de splendides acteurs et comédiens. Il les a observés, il les a idolâtrés, il les a croisés, côtoyés, il les a absorbés et il les a digérés. Ce qui en ressort aujourd’hui, c’est la quintessence, le suc de tout cet amour. Ce spectacle, il l’a laissé grandir en lui au fil du temps, au fil des films, au fil des rencontres. Quand son trop-plein d’amour a débordé, tel un animal hermaphrodite, il accouché de ce seul en scène qui lui est si personnel. Tout Duléry est dans ce show. Il rend à ce métier-passion et à ses plus prestigieux serviteurs un formidable hommage.
La petite salle du Grand Point Virgule (200 places) était pleine comme un œuf. Le public, d’une moyenne d’âge plutôt élevée, était tout vibrionnant à l’idée de découvrir en vrai sur près d’une heure et demie tous ces personnages qu’Antoine Duléry avait esquissés sur les plateaux de télévision, particulièrement chez Michel Drucker. Un public joueur, prompt à entrer dans l’interaction facétieuse proposée par l’artiste. Plus les gens réagissent, plus il va les chercher et les provoquer. Du coup, l’ambiance dans la salle est extrêmement conviviale.
Antoine Duléry possède toutes les ficelles du métier. Il sait tout jouer, mais il excelle surtout dans la gaudriole, dans l’humour. Il fait vraiment bien son boulot mais sans donner l’impression de se prendre au sérieux. Et pourtant, sa prestation est très travaillée. Elégant, charmeur, il est visiblement là pour s’amuser et nous amuser. Son plaisir d’être sur scène est aussi évident que communicatif. Il fait le show avec une générosité de tous les instants. Ça ne ronronne jamais, il est tout le temps en action… Comme tous les comédiens, Antoine Duléry aime les mots, les belles phrases. Son texte est émaillé d’aphorismes, de citations, de jolies tirades (sa présentation de Gérard Depardieu), d’extraits de dialogues de films (Les Enfants du Paradis, Tenue de soirée, Un singe en hiver…) ou de pièces de théâtre (La Femme du boulanger). Il y ajoute même un zeste de poésie lorsqu’il évoque l’importance du public pour les artistes. Et, bien sûr, quand il le faut, il a toujours le sumo pour rire…
« Antoine Duléry fait son cinéma » et il ne gâche pas la pellicule, enchaînant sans temps mort les plans séquences et, proximité oblige, multipliant les gros plans. Et, en prime, il peut s’offrir le luxe de reprendre les meilleurs auteurs, Audiard en tête. Il n’est évidemment pas le meilleur imitateur, mais avec ses dons de caméléon, sa puissance évocatrice, on reconnaît aisément tout le monde, même les moins souvent parodiés (Pierre Arditi, Claude Rich…). Cependant certains de ses personnages sont réellement copie conforme avec les originaux : Luchini, Daniel Prévost, Johnny, Belmondo, Galabru, Noiret sont véritablement étourdissants de réalisme. Et puis, qualité non négligeable, ce diable d’homme sait aussi chanter : Barbara, Montand, Aznavour, Bécaud, Michel Legrand (très applaudi) sont remarquablement esquissés. Enfin, même quand il ne parle pas, il est capable de faire hurler la salle de rire en campant Robert de Niro uniquement avec des mimiques…
Je pense que ce one man show va l’emmener longtemps et très loin sur toutes les scènes de France car il contient la quintessence-même du spectacle et il emmène avec lui toute la fine fleur du cinéma français. Chapeau l’artiste !
Gilbert "Critikator" Jouin