Son prénom est Tania mais, précise-t-elle, elle n’est pas d’origine russe. Si on devait la suivre dans sa vie, on la verrait passer d’Afrique du Sud en Israel, puis au Canada pour arriver en France. Elle est, devant nous, très proche de nous, contorsionniste. Son corps, nous dit-elle, a changé depuis qu’elle est devenue mère. Quand elle était plus jeune, en Israel, elle disait qu’elle n’aurait pas d’enfant. Ce qu’elle nous raconte, dans une espèce d’intimité sous la yourte où nous avons pris place, nous regardant dans les yeux, installant une grande sympathie entre nous (« Je suis vraiment contente que vous soyez là. J’aime être entourée »), c’est, par quelques éléments de sa vie, la venue d’une prise de conscience. Pas de jugement, pas de trémolos. Israel est un pays où l’on vit dans l’appréhension d’alertes, comment y vivre adolescente des amours cachées ? Ses poupées feront les frais de la violence qui peut l’envahir quand elle est en colère. Et, quand elle est en colère, elle se met la tête à l’envers. Alors, quel sentiment peut-elle avouer quand elle apprend, stupéfaite, que la maison où elle vit a, avant 1948, abrité une famille arabe ? Et comment être elle-même, et que transmettre à sa fille ? Elle utilise des briques pour y marcher, y tenir en équilibre, construire un pont, un mur. Nous étions dans cette relation intime qui nous fait si proches, dans une douceur qui dit aussi la violence, dans une étrangeté, la tête à l’envers, qui nous offre la rencontre, et fait tomber les murs.
J'ai vu ce spectacle à La Villette, dans le cadre du Festival Hautes Tensions