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Impressions de Venise (2) - Henri Ferrand - sept 1910

Publié le 11 avril 2014 par Maitecasa

Impressions de Venise (2) - Henri Ferrand - sept 1910

Photo Carlo Nayo - XIXe s


Une des curiosités qui me frappa fut la magnifique entente qui règne dans le peuple pour l'exploitation...non, le mot est trop fort et dépasse ma pensée, pour tirer profit de l'étranger. Le gondolier, lui est un aristocrate. Il traite d'égal à égal avec le voyageur, mais il laisse toujours des sous-entendus dont le champ appartient à ses parasites. Quand vous arrivez à une station, vous voyez les gondoliers ou sur leur barque ou réunis à quai dans un de ces palabres perpétuels dont se réjouissent les peuples méridionaux. Auprès d'eux, couchés par terre ou accroupis dans un coin sont d'autres hommes au maintien moins fier, des sous-ordre évidemment. Quand vous voulez monter en gondole et que l'artiste a rangé son embarcation auprès du quai, c'est un de ces parasites qui, avec un court bâton muni d'un crochet, retiendra la gondole pour vous faciliter l'enjambée, qui vous présentera la main pour vous servir de point d'appui et qui, avec un geste précis et rapide de prestidigitateur, vous tendra le chapeau pour solliciter la "bona mane".  A l'arrivée, la scène est la même et à chaque station de votre promenade, vous avez, en dehors du prix convenu avec le gondolier, à satisfaire cet "ouvreur de portières". La "bona mane", dans ce beau pays où la douceur du climat fait se contenter de peu et incite à travailler le moins possible, c'est la ressource, le moyen d'existence d'une bonne partie de la population. Modique avec les petits, un peu plus forte avec les employés, mais générale, indispensable, c'est l'huile qui graisse tous les rouages, l'aide qui aplanit toutes les difficultés, et il est peu de fonctionnaires dans le budget duquel elle ne tienne une honorable place. Grâce à la "bona mane" vous voyez ce que vous ne pourriez pas voir, vous faites ce qui est "vetito", vos billets se timbrent tout seuls, vos bagages se transportent et toutes les commodités de séjour s'offrent comme par enchantement. La "bona mane" est une institution bien supérieure à notre national pourboire.

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