L'atomisation du Parti socialiste

Publié le 11 avril 2014 par Jean-Emmanuel Ducoin
Les dirigeants aux commandes n’ont pas cherché à faire bouger les lignes en faveur du progrès social, mais ils sont rentrés dans le rang des doctrines dominantes, quitte à passer en force, contre les militants socialistes eux-mêmes, réduits au rôle de spectateurs! 
Le sentiment d’effroi s’avère-t-il parfois pédagogique? Par expérience, souvent douloureuses, nous savons qu’au fil des événements politiques majeurs les classes populaires trouvent leur ressort collectif au détour des accidents de l’histoire, à supposer que nous vivions, en ce moment, un accident d’une telle ampleur pour la gauche dans son ensemble qu’il réclame une réaction à la hauteur de la déception. L’affaire semble se répéter inlassablement et nous serions coupables d’ignorer ce qui ressemble à un éternel recommencement, sauf que, cette fois, l’espérance d’un changement politique exprimé un soir de mai 2012 a viré au cauchemar.
Prenons la mesure du drame et des tressaillements d’angoisses qui nous chavirent: moins de deux ans après, nous n’en sommes déjà plus à pleurer sur cette gauche dite de «gouvernement», à nous désoler encore et encore de ses non-dits, de ses mensonges et autres trahisons. Pour dire la vérité, nous n’en sommes même plus à espérer quelques aménagements aux marges des décisions fondamentales tant elles paraîtraient dérisoires au regard de la situation du pays. Non, cette fois, avec le gouvernement Valls et les agissements du chef de l’État, le cap est clair, franc, massif et brutalement libéral.
Quant aux nominations d’hier (Jouyet, Désir et les autres!), sans parler des combinaisons de palais pour la maîtrise de l’appareil, c’est à se demander si elles ne visent pas à l’atomisation du Parti socialiste. C’est ce qui s’appelle rendre compte du réel, en anticiper les conséquences. Non seulement les dirigeants aux commandes n’ont pas cherché à faire bouger les lignes en faveur du progrès social, mais ils sont rentrés dans le rang des doctrines dominantes, quitte à passer en force, contre les militants socialistes eux-mêmes, réduits au rôle de spectateurs! Derrière la cruauté du constat, une seule question mérite désormais toute notre énergie. Est-il possible, oui ou non, que de telles circonstances débouchent sur la recomposition d’une gauche de transformation et de combat la plus élargie possible? Chacun aura compris qu’il ne s’agit pas là d’un vague souhait, mais d’une urgence absolue.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 11 avril 2014.]