Genre: drame
Année: 1937
Durée: 1h48
L'histoire: Durant la première guerre mondiale, l'avion du capitaine De Boëldieu et du lieutenant Marechal est abattu par le commandant Von Rauffenstein. Ils sont amenés dans un camp où de nombreux soldats français sont déjà prisonniers. Dès leur arrivée, ils sont mis au courant de la préparation d'une évasion. Mais rien ne va se passer comme prévu et la guerre va se charger de leur apprendre bien des choses sur les hommes et surtout sur eux mêmes.
La critique d'Inthemoodforgore:
Ah La Grande Illusion ! Le classique des classiques. Que dire sur ce film qui n'est déjà été dit ? On a tout écrit sur cet immense chef d'oeuvre de Jean Renoir. Je me contenterai donc de vous faire part de mes sentiments au gré de mon inspiration. La Grande Illusion est un monument. Monument d'humanisme et de tolérance. Un souffle d'espoir qui gonfle le coeur et redonne envie de croire en l'homme. Le film de Renoir est bien plus qu'un film, c'est un hymne à l'amitié et à la vie.
En 1957, lors d'un vote de critiques à Genève, La Grande Illusion fut classé parmi les douze plus grande oeuvres de l'histoire du cinéma. Nul doute que si l'on refaisait aujourd'hui un tel classement, le résultat serait identique. Se peut il qu'il existe un cinéphile au monde qui n'ait jamais vu cette merveille absolue ? J'ose espérer que non.
Tous les sentiments de l'âme humaine y sont retranscrits avec une force incroyable et s'y retrouvent exaltés de la manière la plus noble. Jean Renoir a confiance en l'homme et en son destin. Pourtant, il nous parle d'illusion. Cet improbable mirage d'une amitié entre les peuples même en temps de guerre. Surtout en temps de guerre. Un film dont l'action se situe pendant le premier conflit mondial et qui a été tourné deux ans à peine avant que n'éclate le second... Et si Renoir avait vu juste ? Si l'amitié et la paix entre les hommes n'étaient vraiment qu'une grande illusion ?
Au générique, trois monstres sacrés: Jean Gabin, Pierre Fresnay et Eric Von Stroheim. Quelques seconds rôles vedettes de l'époque: Julien Carette, Marcel Dalio et Jean Dasté. Enfin, Dita Parlo, actrice allemande à la carrière météorique.
Attention spoilers: En 1917, quelque part en Allemagne, l'avion du capitaine De Boëldieu (P.Fresnay) et du lieutenant Marechal (J.Gabin), deux officiers de l'armée française, est abattu au cours d'un combat aérien par le commandant Von Rauffenstein. Bien que capturés, ils se voient conviés à partager le dîner des officiers allemands. Contre toute attente, l'ambiance est cordiale et détendue notamment entre De Boëldieu et Von Rauffenstein qui, bien qu'étant adversaires, se trouvent immédiatement des points communs, chacun appartenant à la noblesse de son pays.
Toutefois, les deux officiers français sont emmenés dans un camp de prisonniers où sont déjà présents de nombreux compatriotes. Si Marechal, issu d'un milieu populaire, s'intègre sans mal au groupe de soldats, l'aristocrate De Boëldieu tient à garder ses distances par un vouvoiement en toutes circonstances. Dès leur arrivée, ils constatent que l'ambiance dans le camp contraste singulièrement avec celle des tranchées. Grâce aux colis de nourriture du riche banquier juif, le lieutenant Rosenthal (M.Dalio), les français se régalent de truffes et de foie gras tandis que les allemands n'ont à leur menu qu'une soupe immangeable. Avec les prisonniers anglais, le petit groupe organise des spectacles pour se divertir où Traquet (J.Carette), acteur dans le civil, amuse l'assistance. Cependant, ayant toujours dans l'idée de s'évader, ils creusent un tunnel jour après jour. Les mois passent au rythme des nouvelles qu'ils reçoivent du front. Mais à la veille de se faire la belle, les officiers De Boëldieu, Marechal et Rosenthal sont transférés dans un autre camp. En représailles à de nombreuses tentatives d'évasion, ils sont envoyés dans une forteresse médiévale en plein coeur de l'Allemagne et où ils y retrouvent Von Rauffenstein.
Tandis qu'une étrange relation, faite à la fois de défiance et de respect, se noue entre les deux nobles, Marechal et Rosenthal, de leur côté, envisagent de s'évader à nouveau. Pour couvrir leur fuite, De Boëldieu se sacrifie et se fait abattre. Au bout de plusieurs jours de marche, les deux fuyards arrivent dans une ferme où ils sont recueillis par une jeune veuve. Au fil du temps, Marechal va s'éprendre d'elle...
Ceux qui attendraient des scènes d'action ou de combats en seront pour leurs frais. Ici, la guerre sert juste de prétexte, de catalyseur d'émotions pures.
Le seul but du réalisateur est de se livrer à une analyse profonde des relations entre les êtres. Renoir expose et met en scène magistralement tout ce qui sépare les hommes (les conventions, la classe sociale, la nationalité) et tout ce qui peut les rapprocher (l'amitié, le courage, l'abnégation). Chaque minute du film est rempli d'un humanisme absolument bouleversant d'autant plus que les acteurs touchent au sublime. Fresnay et Von Stroheim sont exceptionnels en aristocrates désabusés, conscients qu'ils appartiennent à un monde révolu. Gabin est désarmant de justesse dans son rôle de gars du peuple, fragile et dépassé. Quant aux seconds rôles, ils sont unanimement excellents.
Avec La Grande Illusion, Renoir s'attaque au sujet le plus difficile qui soit: les rapports humains. L'instant où Marechal essaie de remercier De Boëldieu pour le sacrifice qu'il s'apprête à faire est de ce point, tout à fait symbolique. La frontière entre les classes est là, infranchissable, et elle empêche toute effusion de sentiments. Le personnage qu'incarne Fresnay est d'ailleurs, de mon point de vue, le plus intéressant car il se trouve tiraillé entre son appartenance sociale, qui l'incite à se rapprocher de Von Rauffenstein, et sa conviction patriotique qui lui ordonne la désobéissance envers l'ennemi.
La Grande Illusion est un titre que Jean Renoir a délibérément voulu évasif car il contient dans son intitulé autant de choses que le spectateur veut y voir. Le film est la libre adaptation d'un essai de Norman Angell, paru en 1910 et qui connu un succès planétaire. Pour l'anecdote, le rôle de Marechal a été inspiré à Renoir par l'histoire véridique du général Armand Pinsard que le réalisateur avait connu durant la première guerre mondiale.
La Grande Illusion est sans contestation possible l'un des plus grands films de tous les temps et mérite de figurer en bonne place au panthéon du cinéma français aux côtés des Enfants du Paradis ou de La Règle du Jeu du même Renoir. Un chef d'oeuvre intemporel et universel que tous les amoureux de cinéma se doivent d'avoir vu au moins une fois dans leur vie. Grandiose !
Note: 21/20
LA GRANDE ILLUSION : BANDE-ANNONCE (en version... par baryla