Eloge Paradoxal

La soirée de poésie annoncée ci dessous s’est merveilleusement bien passée ; merci à tous les intervenants et à la soixantaine de personnes venue honorer ce banquet.

Parmi les intervenants mon fils Philibert a fort bien déclamé un poème de Clément Marot. Ce matin en lisant une de ses copies de classe sur le modèle de l’éloge paradoxal, je suis tombé en admiration et j’ai voulu la noter ici pour qu’elle se garde et se déploie au delà de la feuille quadrillée toute froissée qui traînait sur la table de ma cuisine

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Eloge Paradoxal

Les dinosaures ont régné sur la terre pendant 50 millions d’années, jusqu’à ce qu’une météorite les anéantisse traîtreusement. Malgré cet astre sournois, ils réussirent sur leurs lits de mort à engendrer un héritier unique, destiné à dominer la Terre de sa patte de fer. Ce monstre a presque réalisé cette sinistre prophétie, il est sur le point de devenir le maître de nos destins. Quelle est cette créature ? En vérité, s’il y a bien une espèce supérieure sur la terre, c’est le poulet.

La poule est une mère chrétienne, cependant. Elle prend soin de tous ses enfants sans en délaisser aucun. Elle sait se contenter de ce que Dieu lui donne:  voit-elle une graine, ou un ver, un simple ver répugnant bon à nourrir les hérons ? elle le gobe. S’agissait il en fait d’un caillou ? Qu’à cela ne tienne, elle avale tout de même. Elle ne réfléchit pas, ne remet pas en cause l’ordre de la création.

Mais attention : faites mine d’entrer dans son enclos et vous découvrirez sa face cachée : aussi vrai que les poteaux représentent l’Ordre et la Raison, le poulet représente l’Anarchie. Sans obéir à personne, pas même à lui-même, il caquette, court, marche, volette, picore… et soudain s’arrête. Il serait donc de très mauvais goût de les comparer à un quelconque représentant des forces de l’ordre.

En ce qui concerne l’élégance, rien ne peut concurrencer le coq asiatique (qui possède le plus long plumage du monde), si ce n’est une poule bien dorée, au dessus du poêle, cuisant sur sa broche, ou encore la même poule, après la cuisson, servie avec des patates frites.

Il est bien évident que les expressions “voler dans les plumes” ou “avoir la chair de poule” n’ont été insérées dans la langue française que par jalousie (sans doute d’autres oiseaux, aussi ridicules par leur ramage que par leur plumage : Aras, rouge-gorges…)

Pour terminer, je dirais que la France peut s’estimer heureuse d’avoir choisi ce bel animal qu’est le coq comme symbole avant les autres pays. Le Royaume Uni dut se contenter du lion, la Chine du dragon et la Corée du Matin Calme.

En conclusion, je dirais que si les poulets n’ont pas encore conquis le monde, c’est juste parce qu’ils ne sont pas assez bêtes pour en avoir l’idée.

Philibert