« Voyons voir, voyons voir : qu’est-ce qui pourrait enquiquiner un maximum les entreprises, qu’on imposerait sans trop de douleur par une excuse à la fois bidon et culpabilisante, et qui permettrait de faire parler de moi médiatiquement ? » C’est probablement avec cette question qu’Aurélie Filippetti, la désormais inamovible onomatopée en charge du Ministère de la Culture, s’est lancée dans l’un de ces projets mousseux qui animent les journées des politiciens inutiles et de leur staff pléthorique au ministère.
Et il n’est qu’à voir la nature des trois dispositifs pour comprendre qui sont encore une fois les grands gagnants de cette invention bio-cosmogonique de spandrelles bitumeux à pénétration toroïdale. Pour le premier en effet, il s’agit de faciliter l’accès à l’art pour les salariés d’entreprises par la signature d’une convention. Le hasard faisant furieusement bien les choses, ce sont des entreprises éminemment représentatives du capitalisme et du secteur privé qui ont signé des deux mains les papelards tendus par la minustre : la RATP, la SNCF, la SNECMA, la Caisse centrale d’activités sociales des industries électriques et gazières et des regroupements divers et variés de comités d’entreprises. Et en quoi consiste la convention, quel est donc son but ? Aurélie frétille d’impatience et prend la parole sans plus attendre pour nous l’expliquer :
Nous voulons amener la culture à ceux qui en sont éloignés, du fait des contraintes de la vie professionnelle. Des parcours seront co-construits avec chaque CE et les PME ne seront pas oubliées grâce aux fédérations de comités d’entreprise avec lesquelles nous avons contracté. Mon ambition est résolument ancrée dans l’esprit de l’éducation populaire et s’inscrit dans les enjeux qu’impose la RSE.
Car comprenez-la bien : le salarié actuel, forçat des temps moderne occupé toute la journée à boulonner et déboulonner, n’a pas le temps d’aller à la Culture. C’est un rustre, mal dégrossi, généralement pauvre avec de la crasse et de l’huile de moteur sur les pommettes et les avant-bras, qui n’a pas le temps d’aller flâner, un dimanche alors qu’il pleut, dans un musée ou dans l’une de ces nombreuses salles polyvalentes Pablo Neruda où l’artiste local réalise pourtant une performance poignante, par exemple en moulant des cendriers dans ses excréments ou en vivant dans un ours empaillé pendant plusieurs jours. Ce gros plouc béotien gentil mais un peu bourru a simplement besoin d’un cadre où on pourra l’amener à découvrir le beau et co-construire avec lui du parcours qui roxxe ; Aurélie, toujours partante pour claquer des thunes qu’elle n’a pas à gagner, s’y engage donc fermement.
arroser tout le monde pénétrer suffisamment d’âmes sensibles. Le second dispositif sera composé de résidences d’artistes qui s’implanteront sur des sites industriels pour emmerder l’entreprise interagir avec les salariés ; bien évidemment, il fallait un peu d’argent pour faire tourner ces magnifiques idées que, bizarrement, des milliers de mécènes n’ont pas choisi de financer directement, et que, donc, le ministère de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique, se chargera d’abonder, pour le moment à hauteur de cinq artistes, dans cinq résidences dans cinq régions différentes. On palpite déjà d’imaginer l’interaction vibrante qui va avoir lieu entre d’un côté, les salariés, petits êtres frustres et grossiers, et l’artiste, de l’autre, véritable elfe féérique qui apportera son gramme de finesse dans un monde de brute. Par exemple, la plasticienne Maeva Barrière, designer culinaire (« cuisinière » était bien trop banal), s’est installée chez le fabricant de biscuits Poult (Tarn-et-Garonne), ce qui a permis aux salariés de participer (un peu, de loin, faut pas déconner) à la création d’une œuvre (dont on ne saura pas grand-chose parce que bon, hein voilà, et tant pis si c’est un collier de nouilles colorées).
Enfin, le dernier dispositif (parce que jamais deux sans trois, n’est-ce pas) est un événement prévu en octobre prochain, que la ministre, en pleine frétillance transcendantale, imagine déjà aussi populaire que « La Fête de la musique » dans quelques années. Il s’agira de micro-expositions des collections nationales dans des entreprises sur tout le territoire durant quelques jours. Le déplacement des œuvres ne coûtera rien, leur sécurisation non plus. Leur petit emménagement puis déménagement dans les entreprises sera indolore. Les salariés qui se déplaceront pour voir tout ça ne provoqueront aucune baisse de productivité (notez qu’à la SNCF, la RATP, ce mot a depuis longtemps été banni de toutes façon). Bref : ça va être génial.
Bien sûr, tout ce programme est, comme la ministre l’avoue, « cofinancé par le public et le privé ». Souriez : comme le public est financé par le privé, ceci est donc cofinancé par le privé et le privé. Et puis, ce n’est pas cher, c’est carrément donné ! Comme l’explique Romane Sarfati, conseillère en charge de la pâte à modeler de la ministre, pardon des arts plastiques,
« C’est une économie serrée – quelques dizaines de milliers d’euros par opération – mais une offre de qualité. Et nous adapterons le travail de médiation au cas par cas »
Des esprits chafouins rétorqueraient qu’il ne manquerait plus qu’en plus, ce soit une offre merdique, mais je ne suis pas de ceux-là : enfin, la France va se lancer dans des « capsules du design », et va forcément s’en retrouver toute ragaillardie. D’ailleurs, l’Onomatopée ne fait pas mystère de son ambition :
« C’est le redressement créatif au service du redressement productif ! »
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