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Le 13 mai 1946, Guillaume
Berkeley est condamné à mort pour collaboration. Le public accueille le verdict
en injuriant le coupable. Une journaliste conclut : « L’île de Malderney est en deuil, mais la France se porte déjà
mieux : un nouveau traître va payer pour ses crimes. » Malderney
est une île anglo-normande ajoutée aux cartes géographiques par Nicolas
d’Estienne d’Orves. Guillaume Berkeley est un personnage tout aussi imaginaire.
Et que la France se porte mieux est une appréciation personnelle (de la journaliste,
pas de l’auteur) dont chacun fera ce qu’il voudra. De préférence après avoir lu
les sept cent et quelques pages d’un roman touffu et passionnant.
L’argument rejoint celui
que Patrick Modiano a exploré dans certains romans situés à la même époque :
une ambiguïté fondamentale cultivée en des temps troublés après lesquels on
vous demandera dans quel camp vous vous trouviez – et, si vous n’avez pas de
réponse, on vous la fournira. Nicolas d’Estienne d’Orves s’éloigne de Modiano
par la manière dont il traite le sujet, plus proche d’un Alexandre Dumas
capable de tenir un lecteur en haleine le temps nécessaire à aller jusqu’au
bout du roman sans relâchement de l’attention.
Au départ, il n’y a guère
plus qu’une connerie de jeunes adultes encore adolescents dans leur approche de
l’amour. Victor et Guillaume, des frères élevés dans le culte de la littérature
française, se disputent leur demi-sœur Pauline dont ils sont amoureux, tandis
qu’elle reste dans l’ambiguïté (elle aussi). Guillaume part à Paris au moment
de la déclaration de guerre, le 1er septembre 1939. Installé chez
son mentor qui séjournait chaque année sur l’île de Malderney, Guillaume hésite
bientôt entre sa fidélité à celui-ci, qui est juif, et le monde des plaisirs
aussi intellectuels que sensuels dans lequel sa jeunesse et sa vivacité
d’esprit font merveille. Il a dix-huit ans, il est prêt à tout pour se frotter
aux esprits les plus brillants de son temps, et tant pis s’ils l’entraînent
dans une direction que son absence de convictions ne l’aurait pas fait choisir.
Il côtoie le « meilleur » de la collaboration intellectuelle, dîne
aux tables les plus fines, fréquente les femmes les plus aguichantes…
Alexandre Dumas veille : on côtoie des
écrivains et des artistes de renom, saisis dans des moments si peu reluisants
de leur biographie qu’on est parfois surpris de les trouver là, et en outre on
a droit à plus de rebondissements qu’on n’osait en espérer.