Le Clézio, un de mes auteurs contemporains préférés ! Après avoir découvert Le chercheur d’Or, Désert, Ritournelle de la faim, Coeur brûle et autre romances et L’Africain, j’ai lu cet été Le Procès verbal (que j’ai adoré) et Histoire du pieds et autres fantaisies. J’attendais donc avec impatience son dernier roman. Sitôt acheté, sitôt dévoré.
Dans Tempête on retrouve de grands thèmes chers à l’écrivain : l’enfance, l’exotisme, des personnages féminins importants, une sensualité et une nostalgie très présentes. Je crois cependant que ce dernier roman m’a d’avantage plu que les autres encore. Peut-être parce qu’il est moins onirique au final que ses précédentes œuvres, plus réaliste tout en gardant ce caractère exotique et cette douce sauvagerie.
Le roman est composé de deux parties, deux histoires à part entières, des « novellas » dont il est question dans le titre. La première «Tempête » , se passe sur l’île d’Udo. Une île régulièrement balayée par les tempêtes, où vivent les « femmes de la mer », des pêcheuses d’ormeaux dont fait partie la mère de June. June est une jeune fille, au caractère bien trempé qui ne connaît pas son père. Elle fait la rencontre de Monsieur Kyo. De passage sur l’île il n’est ni tout à fait un autochtone ni un des ces touristes-clichés. Hanté par le souvenir d’un viol auquel il a assisté sans intervenir et par le suicide de son amante trente ans auparavant sur cette même île, il est empli de nostalgie, et semble être revenu pour mourir. Ces deux protagonistes très différents vont lier une étrange amitié, qui va les bouleverser, la nouvelle alternant les points de vue à la première personne entre ces deux narrateurs.
Dans la deuxième partie « Une femme sans identité », on suit le récit d’une petite fille née d’un viol en Afrique, adoptée par son géniteur mais rejetée par son entourage, si ce n’est par sa demi-soeur, Bibi, dont elle se sent proche et très éloignée à la fois. La famille déménage finalement à Paris, et Rachel devenue adolescente puis jeune femme coupe définitivement les liens avec sa belle-mère, sa demi-soeur puis avec la réalité de manière générale. Préférant les longues errances dans la capitale et nourrissant petit à petit une rage violente envers sa véritable mère, qui l’a abandonnée sans laisser de trace.
Cette construction binaire entre les deux novellas permet des échos et des clins d’oeil mais aussi une sorte de tissage qui lierait les deux parties en un seul roman. J’ai beaucoup apprécié cette lecture, je considère vraiment Le Clézio comme un grand auteur. Contrairement à ce que j’ai pu lire comme critiques parfois, je trouve son écriture formidable, à la fois riche et limpide, et les sujets de ses romans toujours passionnants. On retrouve ici la patte de l’écrivain, qui cultive ses thèmes de prédilection tout en se renouvelant. Son inventivité semble intarissable.
J. M. G. Le Clézio sera invité demain dans La Grande Librairie sur France 5. Il me tarde de l’entendre sur ce roman. D’autant plus qu’il n’aime pas spécialement l’exercice de l’interview.