"Il comptait atteindre le campement vers six heures du soir. Un peu après la tombée de la nuit, certes ... mais les gars seraient là pour l'accueillir autour d'un bon feu, et un dîner chaud aurait été préparé". Un homme marche, avec son chien. Il fait froid. Moins quarante-cinq ? Sans doute moins encore. Mais voilà, le bonhomme est obstiné, peut-être même un peu présomptueux. Ces anciens et leurs conseils ? L'instinct de son chien ? Il ne pense pas et n'en a que faire. "Cela ne le conduisait pas à méditer sur la fragilité inhérente de l'homme - cette créature à sang chaud qui n peut survivre que dans d'étroites limites de températures - et, par conséquent, ne se posait pas davantage de questions sur l'immortalité de l'âme ou sur la place de l'homme dans l'univers." Oui mais voilà, quand on a les pieds mouillés au fin fond de l'Alaska, les compétences en matière de construction de feu deviennent tout simplement vitales.
Jack London, bourlingueur désabusé, déploie, dans Construire un feu, dans une simplicité parabolique et avec une économie de moyens étonnante, une réflexion implacable (et glaçante) sur la place de l'individu dans le grand tout, et le rapport de l'homme à la nature. La seconde version (1908) de la nouvelle est à ce propos beaucoup plus réussie que la première (1902), qui, moins noire, prétend aussi moins à l'universel.
Le Yukon désolé et hostile Pour les férus d'introspection dans les vastes espaces glacés du grand Nord, je ne saurais trop recommander un de mes romans-cultes, plus récent, le magistral Sukkwann Island. Et, de manière générale, les titres de Gallmeister dont c'est la ligne d'édition (Le signal, La Sanction).