DALLAS BUYER CLUB
Un film de Jean-Marc Vallée
Plus que du sujet de fond de “Dallas Buyers Club”, je suis convaincue que vous avez entendu parler de ” l’investissement physique ” de ses protagonistes. En effet, Matthew McConaughey et Jared Leto ont perdu une vingtaine de kilos chacun pour acquérir le physique nécessaire à l’incarnation de leurs personnages.
Les médias raffolent de ce genre de performance, plus de 30 ans après, la prise de poids de Robert de Niro sur le tournage de Raging Bull reste une référence en la matière. Je trouve fascinant cette manie de tout ramener à l’exploit physique, de faire étalage du côté sensationnel de la transformation (pour la préparation de ce billet, je vous épargne le nombre de photos sur lesquelles je suis tombée, mettant en avant l’allure décharnée des deux acteurs…), quitte à faire passer le jeu des comédiens pour quantité négligeable.
Je suis d’accord qu’on ne peut pas occulter la métamorphose, elle est là, évidente, flagrante. Mais elle était inévitable et en faire le seul atout d’une production est d’une crétinerie sans bornes.
A présent que nous avons bien fait le tour de la question, je n’y reviendrais pas davantage dans le reste de cette chronique. Concentrons nous maintenant sur l’essentiel.
Ron Woodroof est un texan pur jus, macho comme il faut, électricien la semaine, amateur de rodéo le week-end (et accessoirement initiateur de paris, rarement gagnants). Gros consommateur de stupéfiants, il l’est également de la gent féminine (peu farouche dans ces contrées). Sur un chantier, une électrocution l’expédie à l’hôpital. Les médecins en profitent pour lui faire quelques examens de routine. C’est dans ces conditions qu’il apprend sa contamination par le HIV. Nous sommes au début des années 80, la maladie est encore très mal connue, les traitements quasi inexistants. Condamné à un très court terme, ne pouvant bénéficier du peu de médicaments disponibles (l’AZT est encore en période de test et provoque des effets secondaires épouvantables), Ron Woodroof va tenter de trouver des alternatives. Avec l’aide d’un médecin expatrié au Mexique, il concocte son propre traitement et crée sa filière clandestine de soins vers les Etats-Unis, le Dallas Buyers Club.
On est en plein dans une histoire dont Hollywood raffole : destinée tragique, généreux rebel qui malgré une condamnation inéluctable ne baissera pas les bras et n’hésitera pas à se battre pour ses droits, seul contre tous s’il le faut, en parvenant même à changer le cours de l’histoire*.
Si « Dallas Buyers Club » est un tantinet consensuel, à peine marqué de la griffe originale d’un réalisateur, il est toutefois impossible de lui nier des qualités évidentes.
Réalisé par Jean-Marc Vallée (metteur en scène canadien connu surtout pour son film « C.R.A.Z.Y »), le long-métrage remet en mémoire la façon dont était traitée l’épidémie du SIDA à son apparition, la conduite des médecins vis-à-vis des personnes atteintes (quoi de plus normal que de parler à un patient en se tenant à distance respectueuse, un masque sur le visage), l’ostracisation subie par les malades (marqués du sceau « maladie d’homo », potentiellement infectieux par un simple contact), les manques de moyens, la souffrance de fin de vie, etc. C’est aussi l’occasion de critiquer un système de santé « à l’américaine » et d’assister à une façon de faire du business en toutes circonstances (car, au départ, les intentions de Ron Woodroof sont loin d’être philanthropiques).
L’interprétation de Matthew McConaughey est parfaite. Pendant longtemps, il fut un habitué des mignons rôles de dragueurs dans de non moins gentillettes comédies. Un jour, il prit la très bonne décision de vieillir et de s’essayer à d’autres registres (que ceux qui n’auraient pas vu son interprétation dans le brutal « Killer Joe » le fassent sans tarder). Dans « Dallas Buyers Club », il est de tous les plans, incarnant un rôle tout en démesure, très investi dans son jeu.
Si la gentille Jennifer Garner remplit parfaitement son rôle d’oreille attentive et de médecin soucieux (pas plus, pas moins), on est content de retrouver un Jared Leto qui s’était fait bien rare depuis quelques années (c’est ça de faire la rock star). C’est lui qui brille le plus ici, absolument impeccable dans le rôle du travesti Rayon, (re)trouvant un rôle à la hauteur de son potentiel, prouvant (s’il en était besoin) qu’il y a bien un acteur derrière ce joli minois.
Film honnête, soucieux du détail, sans pathos excessif, muni des meilleures intentions du monde et d’un casting high level, « Dallas Buyers Club » saura tracer sa route. Il est même possible qu’il devienne aussi emblématique que le fut « Philadelphia » à une autre époque.
En vous remerciant.
* : Rendons à César ce qui appartient à Ron Woodfrood. On ne peut enlever au texan que son combat face à la puissante FDA (Food and Drug Administration) permis de faire diminuer les doses d’AZT prescrites aux malades (et d’améliorer ainsi leur qualité de traitement et de vie). Sa détermination facilita l’avancement de la recherche médicale et l’évolution des moeurs.
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