10 avril Propre Jeannette plie au carré son dernier lit, draps housses de couette sentant bon la lavande du placard. Le placard est rangé à l'équerre slips et mouchoirs repassés alignés militaires moquette traitée vitres lavées au vinaigre. La radio défile ses informations : la soucoupe arrive à grande vitesse, on espère en haut lieu que les intentions des extraterrestres sont pacifiques. Entre les communications des plages de musique zen. La cuisine est nickel et fleure bon la javel, chaque couvert est à sa place et un diffuseur propage des huiles essentielles en guise de bienvenue. Le carrelage a été passé à l'huile de lin et brille comme du beau vieux carrelage patiné par le temps. Jeannette frémit en astiquant les plinthes des couloirs : 'On espère que les intentions des envahisseurs sont pacifiques, mais rien n'est moins sûr...' Mon Dieu, les envahisseurs ! Jeannette change la bougie qui brûlait depuis ce matin sous la statue en plastique de Ste Honorine, la patronne des martyrs... Pink Floyd première mouture suinte sa mélodie bonbon, Jeannette à quatre pattes cire les parquets des couloirs. Puis jeannette descend attaquer le gros morceau de la maison. En fait le gros morceau de la maison, c'était le jardin, c'est Georges qui l'a bêché biné taillé tondu avant de cavaler sans demander son reste. Aujourd'hui le gros morceau c'est le salon salle à manger. Jeannette alimente le bar de bouteilles d'alcool sait-on jamais peut-être seront-ils sensibles à cette marque d'affection. 'On est maintenant pratiquement certains que les intentions des barbares sont belliqueuses, le pentagone a mis les armées du monde entier en alerte maximum' suivi 'd'"Il est libre Max"', qui n'est pas du meilleur goût vu les circonstances. Chiffon magnétique à poussière sur les meubles et les bibelots la poupée espagnole et le fier galion. Seul son mat d'artimon a subi les foudres du chiffon. Napperons maison sur la table de la salle à manger. Jeannette est méticuleuse, certes, mais elle ne supporte pas le bruit de succion de l'aspirateur. Aussi pour le dernier jour du monde, elle en est maintenant persuadée, elle s'est acheté des boules quies, aussi n'a-t-elle pas entendu : 'La soucoupe vient d'atterrir dans le désert de l'Amazonie, ancienne forêt primaire rasée par les Chinois au mépris des lois internationales' Elle ne déplace pas les meubles, il ne faut rien exagérer... Si ça se trouve ce sont des sauvages... C'est avec soulagement que Jeannette attaque le dernier recoin du salon. Puis elle baranise le canapé d'angle en cuir de buffle fauve, ça elle aime. Elle sursaute. 'Premier mort au Brésil, le président qui a voulu serrer la main de l'occupant les vigiles n'ont eu le temps que de se planquer.' Il est vingt heures, la moitié de la planète est décimée, Jeannette est éreintée mais contente elle peut prendre son traditionnel thé sur le canapé Pourvu que tout soit propre quand les extraterrestres débarqueront...
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