Dans son discours de politique générale, le premier ministre a administré une droite à la gauche! Ainsi donc, le premier ministre Manuel Valls a-t-il plaidé, lors de son discours de politique générale, pour «l’apaisement». Chacun aura compris qu’il parlait là, bien sûr, des «sujets de société». Car pour ce qui concerne la doctrine économique et sociale, le nouvel hôte de Matignon, comme nous nous y attendions, s’est non seulement glissé dans les pas du chef de l’Etat mais il a amplifié le mouvement avec sa brutalité désormais coutumière. Incapable de tenir compte du signal d’alarme exprimé dans les urnes lors des municipales, conclu par la débâcle électorale que nous savons, il a méprisé la colère des classes populaires et moyennes, qui se sentent trahies depuis bientôt deux ans, tout en procédant à une série d’annonces qui constituent un véritable choc libéral. Pour reprendre une métaphore pugilistique, nous pourrions dire sans avoir peur de nous tromper qu’il vient administrer une droite à la gauche! Ni plus ni moins...
Manuel Valls a donc proposé d’accélérer le pas, singeant jusqu’à l’absurde les politiques souhaitées par tous les libéraux et le Medef réunis. Et c’est bien là l’essentiel, hélas. Pour le premier ministre, «la croissance ne se décrète pas» mais «se stimule», et pour y parvenir, il n’a rien trouvé de mieux que de préconiser une nouvelle baisse du «coût du travail» massive. A partir de 2015, les cotisations patronales à l'Urssaf seront « entièrement supprimées », tandis que les cotisations familiales seront abaissées en 2016 pour les salaires, «jusqu'à 3 fois et demi le Smic». Au total, le gouvernement Valls propose de baisser le «coût du travail» de 30 milliards d'euros d'ici à 2016 – sans la moindre contre-partie, cela va sans dire. Pour le premier ministre, cette mesure serait une «révolution». On croit rêver, mais non. Le patronat réalise ainsi le coup parfait: le pacte de responsabilité est confirmé et aggravé. Tout cela au nom de la «solidarité» et de la «compétitivité», deux mots pourtant difficiles à associer par les temps qui courent.
Nous savons maintenant à quoi nous attendre avec ce gouvernement. Au cadeau de 30 milliards d’euros donnés aux entreprises succède, donc, la volonté de compenser par une baisse des dépenses publiques de 50 milliards sur trois ans. Une saignée historique et terrifiante, qui va saccager un peu plus la France sociale… Ce mardi 8 avril, Manuel Valls a quand même reçu le soutien de sa majorité. Mais ne nous y trompons pas, il ne s’agit là que d’une confiance teintée de craintes, de dépits, pour ne pas dire plus. Pour beaucoup, cette «confiance» ressemble à un passage en force. Combien de temps cela va-t-il durer? [COMMENTAIRE publié sur humanite.fr, 8 avril 2014.]