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A ma guise (Georges Orwell)

Publié le 08 avril 2014 par Despasperdus

« Il y a une expression qui est fort en vogue dans les milieux politiques de ce pays : « Faire le jeu de. » C'est une sorte de formule magique ou d'incantation destinée à cacher les vérités dérangeantes. (...) Pendant la guerre civile espagnole, par exemple, les dissensions au sein du gouvernement n'ont jamais vraiment été débattues dans la presse de gauche, alors qu'elles soulevaient des questions de principe fondamentales. Parler du conflit entre les communistes et les anarchistes, vous disait-on, c'était tout simplement offrir au Daily Mail l'occasion de dire que les Rouges s'entretuaient. Le seul résultat, c'est que la cause de la gauche dans son ensemble en est sortie affaiblie. Ce silence a peut-être privé le Daily Mail de quelques histoires horrifiques, mais il y a des leçons essentielles qui n'ont pas été tirées, et nous en souffrons encore aujourd'hui. »

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De 1943 à 1947, Georges Orwell a tenu une chronique dans un hebdomadaire. Je découvre un observateur curieux et libre, attaché au réel, profondément à gauche, qui se saisit du moindre fait pour le décortiquer, s'interroger et aller au-delà des apparences ou du sens commun.

« Lors du récent procès Kharkov, on a parfois tenté de faire endosser à Hitler, à Himmler et aux autres la responsabilité des crimes commis par leurs subordonnés. Mais le simple fait qu'on ait dû le faire prouve assez que la culpabilité d'Hitler n'allait pas de soi. Le crime dont on l'accuse alors n'est pas d'avoir mis sur pied une armée pour mener une guerre d'agression mais d'avoir ordonné à cette armée de torturer ses prisonniers. Jusqu'à un certain point, la distinction entre une atrocité et un acte de guerre est recevable. Une atrocité est un acte terroriste sans véritable objectif militaire. Si l'on accepte la guerre comme telle, ainsi que dans la pratique tout le monde le fait, on doit accepter la validité de ce type de distinction. Néanmoins, un monde où l'assassinat d'un seul civil est criminel et où le largage d'un millier de tonnes d'explosifs sur un quartier résidentiel est légitime me fait parfois me demander si notre Terre ne sert pas d'asile psychiatrique à une autre planète. »

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Les sujets traités sont très variés, même si je n'en suis dans ma lecture qu'au mois de juin 1944. L'un des thèmes de prédilection de Georges Orwell est l'information, et surtout la radio qui lui inspire des réflexions, voire même des prémonitions qui cadrent parfaitement avec la place et le rôle de la télévision aujourd'hui dans le traitement de l'information et la manipulation des masses. L'auteur de La ferme des animaux et de 1984 s'intéresse également à littérature et à sa dégradation au rang de marchandise par les médias, au pacifisme, à la guerre, au fascisme, à l'antisémitisme, aux langues internationales, mais aussi à la vie quotidienne, à ses rencontres.

« L'idée d'un univers cyclique, où la même succession d'événements revient encore et toujours, est particulièrement réconfortante pour les penseurs réactionnaires. Dans un tel univers, tout progrès apparent vers la démocratie ne peut que signifier le retour prochain de la tyrannie. Bien qu'il s'agisse manifestement d'une superstition, cette croyance est très largement répandue de nos jours, et même très commune chez les fascistes et leurs sympathisants. »

Si certains sujets sont marqués par l'époque, les chroniques de Georges Orwell n'en demeurent pas moins pertinentes, et même actuelles. Si dans 70 ans, les articles des éditocrates ou des intellectuels de marché qui sévissent aujourd'hui sont lus par je ne sais quel étudiant-e masochiste, je doute qu'il ou elle en retienne quelque chose de substantielle, hormis la profonde médiocrité de la pensée et le conformisme politique.


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