N'avez-vous jamais noté ces petites signatures dégoulinantes de niaiserie au bas de vos emails ? Si si, regardez bien ...
Quand on fait un peu attention aux signatures dans les mails et dans les forums, on en remarque certaines qui sont l'apanage même du bon goût sucré de moraline et de la bienpensance douillette et sans complexe.
Le grand classique, c'est la pensée "écolo" qui vante les mérites du tout numérique : "Sauvez un arbre : n'imprimez pas cet email", avec des variantes, comme "Think before you print". Bizarrement, j'ai moins souvent vu des choses comme "Sauvez un arbre : mangez un castor" ou "Sauvez les sardines : tuez des phoques". On peut se demander, d'ailleurs, si le bilan énergétique ou le coût en CO2 d'un mail avec une telle signature n'est pas supérieur à un email sans signature ; eh oui, les quelques octets supplémentaires ont bien dû être envoyés, à un moment ou un autre. Ils ont, qui sait, ajouté quelques paquets TCP dans le flot énorme de paquets échangés tous les jours sur la planète. Ils ont donc une part non négligeable dans le trafic internet. Or, ce trafic, ce sont des serveurs qui bouffent du courant, des lignes qui chauffent, des centrales thermiques qui recrachent du vilain dioxyde !
En première approximation, il faut donc absolument faire les emails les plus courts possible, sans signature (et a fortiori, sans signature idiote). On devrait d'ailleurs laisser tomber les formes de politesse, et les fioritures. Finalement, ce sont les djzeuns, avec le style SMS, qui ont tout compris !
En réalité, si la signature idiote ne remplit pas son rôle sphynctolaxatif ou ecolobondissant, elle permet à celui qui l'émet de faire passer, insidieusement, ses petites lubies politiques ou sociales pour d'aimables engagements citoyens. Evidemment, on ne trouve que rarement un "Faites comme moi : payez vos impôts avec le sourire" ou encore "Prolétaires de tous pays, recyclez", mais c'est le début, pour l'emaileur revendicatif, d'une démarche engagée.
Et quand on voit le nombre de ces petites signatures, on se dit qu'il y a comme une épidémie de révoltite en ce moment. Le nom technique de la Révoltite est "revendicatite cybernostatique chronique à cul expansif". En effet, la révoltite, c'est quand on attrape des manies internet en lieu et place d'une action concrète dans la vie, qui ne concernerait que soi-même, sans déborder sur le territoire des autres, et qu'on veut donc faire savoir bruyamment et électroniquement qu'on est engagé dans un combat de haute lutte contre les pets de méthane, les gens qui impriment ou ceux qui boivent du café dans un gobelet en plastique. Par exemple, au lieu d'aller faire du sport, ou du macramé, on va plutôt militer dans ses signatures email, et faire des pétitions en ligne, ou mieux, dans Facebook (parce que c'est trendy). Ainsi, on sauve le monde, tout en restant sur sa chaise à développer un plus gros cul.
Et un beau matin, on en vient à envoyer ce genre de choses :
Ca me vient du Canada, ce qui explique certaines expressions.
Evidemment, passé les premières secondes de consternation, on remarque dans son for intérieur qu'en général, les éco-conscients qui balancent ce genre de mail (je vous passe le poids de l'image) sont aussi super-impliqués dans l'usage raisonné des ressources. Mais apparemment, quand c'est électronique, ça ne prend pas de place, alors on peut balancer... Bref.
Et comme je suppose que mon zizi va devenir tout rabougri si je ne transmets pas ce mail à au moins trente personnes dans les huit secondes[1], je vous en fait part très vite.
Avec quelques modifications, cela va de soi :
Notes
[1] (témoignage : Babette F., de Chilleurs-Aux-Bois dans le Loiret, n'a pas renvoyé cette info dans les temps impartis et s'est fait bouffer par deux crabes qu'elle comptait pourtant manger le midi même ... Jules D., de Crottes-En-Pithiverais, dans le Loiret là encore - c'est un signe - s'est quant à lui électrocuté avec le couteau électrique qu'il manipulait pour découper un gigot au lieu de retransmettre cette image, .... etc.)