Sida chez les gays : la remobilisation collective (ma tribune dans le NouvelObs.com)

Publié le 08 avril 2014 par Jeanlucromero

Traditionnellement publiés autour de la Journée mondiale de lutte contre le sida, les nouveaux chiffres du VIH/sida viennent de paraître. Une des données fortes de ce document est que « le nombre de découvertes de séropositivité VIH [chez les HSH – hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes] a fortement augmenté entre 2011 et 2012 (+14%), alors qu’il augmentait en moyenne de +3% par an entre 2003 et 2011 ». Certes, les enquêtes démontrent bien, de manière globale, le relâchement de la prévention dans le monde LGBT. Pour autant, cette phrase ne peut évidemment pas être traitée de manière isolée et il faut lire la phrase suivante pour ne pas conclure facilement et faussement à l’irresponsabilité des gays. Lisons ensemble : « l’augmentation en 2012 ne concerne que les diagnostics les plus précoces. »
Concrètement, la promotion du dépistage, surtout via le dépistage rapide a permis une augmentation des découvertes de séropositivité ; je le rappelle : 30 à 50.000 personnes en France ne connaissent pas leur séropositivité. Or on ne le sait que trop bien : un dépistage précoce permet une mise sous traitement plus rapide et donc un contrôle du VIH, tout autant sur le plan individuel que collectif.
Pour autant, n’allez pas croire que je dresse un bilan uniquement positif de la situation. En tant que militant et personne vivant avec le VIH/sida, je me l’interdits ! Mais, selon moi, il est indispensable de penser la prévention en direction des HSH de manière plus globale.
Ce combat dépasse le champ d’action des associations de lutte contre le sida. Les associations LGBT, qui ont été – légitimement – très fortement mobilisées autour du débat sur le mariage pour toutes et tous doivent se mobiliser encore plus qu’elles ne le font maintenant autour de cette question. Rappelons quand même l’attitude exemplaire de la communauté gay qui a su, seule, porter la lutte contre le sida en France, au début des années 80 et pendant des années, palliant l’absence coupable des pouvoirs publics plus occupés à jouer l’autruche qu’à agir. Alors bien sûr, je comprends bien que les acteurs LGBT n’aient pas envie de parler de maladie : quand on est une association de convivialité, ça peut plomber l’ambiance. Et puis ras-le-bol de l’injuste amalgame gay = sida etc. En plus, concrètement, c’est compliqué de parler du VIH/sida : quelle vision de la maladie peut avoir un jeune de 25 ans qui ne connaît la maladie qu’avec les ARV et des combinaisons de plus en plus efficaces face à une personne plus âgée qui a connu les années noires du sida où le seul espoir autorisé pour les personnes séropositives était celui du lendemain ? Compliqué peut-être mais, nécessaire sûrement. Nécessaire notamment parce que la prévention a avancé et avance à grands pas : aujourd’hui, la prévention, c’est le préservatif tout autant que le traitement ; en effet, une personne séropositive bien traitée, avec une charge virale indétectable, n’est plus contaminante. Ce faisant, oui très clairement, aujourd’hui, la personne séropositive est considérée comme un acteur de prévention à part entière, tant sur le plan individuel que collectif. Voilà le trait d’union entre les générations !
Ce combat est celui d’une société. Posons nous la question, posons la réellement : comment peut faire une personne pour penser prévention quand elle est considérée comme un citoyen de seconde zone ? Comment peut-on discuter stratégies de prévention avec une personne qui sait ou qui pense ne pas être acceptée à cause de son orientation sexuelle ? Comment parler bien-être et prévention à une personne qui subit l’homophobie au quotidien ? Je l’affirme : la lutte contre l’homophobie, au sens large, est indéniablement un aspect important de la lutte contre le sida. Je ne vais vous lister le nombre d’études qui le démontrent : tout ce que je peux vous proposer, c’est de vous mobiliser le 17 mai prochain, journée mondiale de lutte contre l’homophobie.
Lutter contre les discriminations LGBT, c’est aussi lutter contre le VIH/sida.
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