Anthony Russo, Joe Russo, 2014 (États-Unis)
Captain America ou la mécanique citoyenne
Il porte son costume en mission pour le S.H.I.E.L.D. et les États-Unis. Uniforme bien commode pour afficher une représentation américaine partout où il se trouve, au milieu de l’Océan Indien par exemple, afin de reprendre un navire des mains de pirates, non pas somaliens, mais français, québécois ou tunisiens on ne sait pas très bien. Il retire l’uniforme quand il questionne des valeurs qu’il ne reconnaît plus, lorsque Nick Fury lui présente un programme d’élimination de masse de criminels potentiels (« This isn’t freedom. It’s fear. »). Il remet l’uniforme quand il a identifié l’ennemi et lutte contre une institution qui s’oppose aux valeurs qui ont été jusque-là les siennes, autrement dit celles de son pays.
Quand vient ce dernier moment, c’est au musée qu’il va chercher son costume, un vieil ensemble de 1945 qui crée un lien direct avec le combat mené contre les nazis et rompt avec la question de la muséification du Captain posée plus tôt dans le film (en fait, plutôt une idée de scénaristes pour ceux qui n’auraient pas vu The first Avenger, Johnston, 2011). Justement, c’est à nouveau Hydra que doit combattre le Captain : la branche scientifique nazie a traversé les époques et est devenue une organisation criminelle gigantesque qui a partout infiltrée le S.C.H.I.E.L.D.. Pour personnifier Hydra, deux personnages : son dirigeant Alexander Pierce (Robert Redford) et son exécutant Bucky Barnes, le « Soldat de l’Hiver ». La place de Captain America n’est donc pas dans les musées mais bien sur le front à combattre les soldats ou dans les tours à stopper les mauvais dirigeants.
Si Captain America ne parvient jamais à se défaire de Steve Rogers, ce que souhaiteraient parfois ses employeurs et ce dont témoignent les conversations futiles échangées avec Natasha en mission, Rogers peut très bien se passer du Captain, exactement comme un ouvrier laisserait son bleu au placard. Son costume apparaît alors comme le meilleur indicateur de son action citoyenne, l’habillage est systématique, ou la transformation instantanée tant celui-ci est elliptique, dès qu’il s’agit, non pas de passer à l’action ce que font tous les super-héros, mais de défendre les couleurs nationales et avec elles les valeurs démocratiques réaffirmées depuis 1945. Captain America ne vote pas, ne boulonne pas, il combat.
Et donc, ces combats ? Captain America, en dépit du thriller politique que gardent vaguement à l’esprit ses réalisateurs, est un film d’action. Les trois premières séquences du film qui évoquent plus ou moins La firme de Sydney Pollack (1993) vont rapidement être soufflées par les fusillades, les poursuites et les destructions géantes. Anthony et Joe Russo signalaient encore en référence Les trois jours du Condor (Pollack, 1975), d’où la présence de Robert Redford au casting, mais la grosse production Disney-Marvel ne laisse aucune place au suspense, seulement à d’écrasants combats. Ces derniers sont plaisants et évitent d’ailleurs au personnage de la Veuve noire de paraître complètement inutile. La sympathie que l’on a pour le film reste cependant moindre que pour The Avengers, réalisé par Whedon (2012).