Si vous êtes un lecteur assidu du présent webzine, vous avez probablement lu l’article de notre collaboratrice méridionale Carmen prenant la défense des abstentionnistes ; une démarche tout à fait légitime dans la mesure où le droit à une défense doit être universel ou n’a pas lieu d’être. En d’autres termes, ou bien tout le monde a le droit d’être défendu ou bien personne n’a ce droit, point.
C’est un des aspects merveilleux du Graoully : c’est que des opinions différentes les unes des autres arrivent à y cohabiter en paix ; seuls ceux qui refusent ce principe de diversité des points de vue sont éconduits quand ils ne partent pas d’eux-mêmes. C’est à ce titre que je réplique courtoisement à l’article de Carmen ici même. Qu’on se mette tout de suite d’accord sur un point : je reconnais parfaitement que les abstentionnistes ne sont pas tous des jemenfoutistes qui se contrefichent du débat démocratique ; mais, de la même façon, les électeurs ne sont pas tous des moutons : je ne sais pas si on peut décemment qualifier de moutons bêlants ceux qui ont voté Philippe Poutou, le candidat du NPA (c’est un exemple) aux dernières présidentielles pour soutenir la lutte contre le capitalisme ; de tels électeurs sont (trop) peu nombreux, mais ils existent et on ne peut pas leur reprocher de soutenir le système. Rien que pour ça, ce n’est pas au principe du suffrage universel lui-même qu’il faut reprocher de contribuer au maintien du « système » (je répugne à l’emploi de cette formule simpliste, mais abrégeons) mais plutôt à la grande majorité des électeurs qui se laissent berner par le bourrage de crâne médiatique et ont peur du changement. En l’état, donc, le vote contribue peu à ce que les choses changent et il n’existe qu’une chance sur dix pour qu’il y contribue un jour, mais cette chance existe. Rien que pour ça, le vote me semble toujours plus constructif que l’abstention qui est un acte facile et peu dangereux (même dans les pays où elle est théoriquement interdite, comme la Belgique, elle est peu voire jamais sanctionnée) et qui, de surcroît, ne dérange absolument pas le pouvoir…
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Supposons que la petite chance dont je viens de parler n’existe pas et que le vote, comme le dit Carmen, ne contribuerait qu’à renforcer un ordre qui n’est pas des plus justes – c’est effectivement ce qui se produit pour l’instant ; en ce qui me concerne, ça ne me dégoûte pas pour autant des élections car j’ai été suffisamment traumatisé par un certain 21 avril 2002 de sinistre mémoire et depuis, je ne rate jamais un scrutin, pas tellement dans l’espoir que les choses en sortent changées mais plutôt pour éviter qu’elle ne changent…en pire. Car oui. Car oui, le monde dans lequel nous vivons n’est pas des plus réjouissants mais… Mais oui, ça pourrait être encore pire ! La République de Weimar, dans l’entre-deux-guerres, n’a pas fait émerger le plus juste des mondes pour le peuple allemand : va-t-on pour autant nier que ce régime valait mieux que le IIIe Reich ? En France, la IIIe République n’a pas offert le paradis terrestre aux citoyens : n’était-il pas pour autant préférable au régime de Vichy ? Dire que la France dans laquelle nous vivons n’est pas un monde de paix et de justice, c’est énoncer une évidence : doit-on pour autant laisser une dictature supplanter la Ve République ? Et ne me dites pas que nous sommes déjà en dictature : sinon, comment expliquez-vous que 67 maires Front de Gauche aient pu être élus dès le premier tour des dernières municipales ? Comment expliquez-vous que les médias nous dévident au kilomètres les critiques (plus ou moins légitimes) adressées au gouvernement ? Comment expliquez-vous que moi, Benoît Quinquis alias Blequin, je ne sois pas déjà en prison, à l’heure qu’il est ? Si vous trouvez notre pays si peu démocratique, allez donc voir à Pyongyang ou à Moscou si c’est mieux ! Je préfère encore garder mon ordre pas très juste plutôt qu’être obligé de me coiffer comme Kim-Jong-Un !
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Bon, j’arrête là, je commence à parler comme un vieux con ; je terminerai donc sur une note d’apaisement : quitte à ce que des gens soient dégoûtés de la politique (je les comprends un peu), je préfère encore les voir s’abstenir plutôt que les voir voter Front National ! Sans rancune, Carmen ?