En commençant En un monde parfait, je m'attendais à une histoire peut-être un peu banale, qui tournait autour de la mort mystérieuse de la première femme de Mark (façon Daphne du Maurier dans son très bon roman Rebecca) : était-ce un simple accident ou un suicide voire un meurtre ? Mark y avait-il joué un rôle ? Mais en fait pas du tout ! Le talent de narration de Laura Kasischke nous fait basculer petit à petit dans un roman presque apocalyptique, dans lequel la vie confortable des Américains se fissure : l'épidémie mystérieuse et sans remède semble faire de nombreuses victimes que le gouvernement cherche à cacher, les Américains deviennent des pestiférés interdits de séjour dans les autres pays, l'économie s'effondre, les mentalités changent, les extrémismes montent, tandis que la pénurie de carburant, de denrées alimentaires et les coupures répétées d'électricité affectent durement la vie quotidienne.
Laura Kasischke parvient à faire ressortir de la beauté de ce monde qui s'écroule : elle nous montre une famille unie, la solidarité qui naît entre voisins, la nature qui reprend le dessus. Le personnage de Jiselle, soumise et effacée, prend peu à peu de l'ampleur (heureusement d'ailleurs, car elle était assez insipide au début) et elle trouve en elle une force et une détermination jusqu'à devenir véritablement le pilier de la famille. Le récit nous tient d'un bout à l'autre et on dévore ce roman en se prenant d'affection pour Jiselle et les enfants dont elle a la charge.