En effet, jusqu'à présent, j'avais toujours eu du mal à adhérer à l'univers de Jeanne Cherhal, qui est pourtant de la même famille artistique que Delerm et Biolay, deux de mes artistes cultes, car les morceaux que j'avais écouté d'elle- et notamment ceux de son précédent album Charade- me semblaient trop superficiels, trop second degrès, trop conceptuel, trop minimaliste pour me toucher durablement.- bref à l'univers un peu proche de Camille que je n'apprécie pas particulièrement loin de là.
Et dès les premières notes de cette "Histoire de J"- au titre éminement mystérieux et personnel-, ce fut la vraie révélation, tant les sonorités et l'instrumentation étaient amples et lyriques et les paroles, profondes et terriblement émouvantes.
Et évidemment, dès ce premier morceau, "J'ai Faim", alors que je ne savais rien de l'album, j'ai trouvé qu'il y a avait une influence évidente, tant tout faisait penser à du Véronique Sanson des années 70, et notamment son album Amoureuse, un album assez culte, pour moi, et pour pas mal d'autres amateurs de la bonne variété française.
Ce que j'ignorais et que j'ai appris avoir écouté le disque et fait des recherches sur internet, c'est que Jeanne Cherhal a eu la révélation au détour d'un concert de Véronique Sanson, en 2011, qu'elle voit pour la première fois sur scène, et qui un an plus tard, à l'occasion des 40 ans de cet album "Amoureuse", prendre prétexte de cet anniversaire pour faire revivre sur scène le disque et ses chansons entrées dans le patrimoine : "Bahia", "Besoin de personne", "Dis-lui de revenir"...
Salué par la critique, le projet n'a donné -- volontairement -- lieu qu'à trois représentations au 104 à Paris, puis aux Francofolies de la Rochelle.
Mais ce qui est génial à l'écoute de cette histoire de J, c'est à quel point les influences de Sanson- mais aussi évidemment de Michel Berger tant les deux artistes étaient proches- et cette volonté de revenir à une variété qui pourrait sembler un peu datée, sont merveilleusement digérées et arrivent à rentrer parfaitement dans l'univers personnel et intime de la chanteuse nantaise.
J'aime particulièrement le fait que Cherhal, à l'heure où pas mal de ses confrères vont vers une chanson française très branchouille, très distante, très électro, prend le contrepieds total en retournant à des sonorités musicales à priori un peu démodées, et pourtant si modernes et si bouleversantes.
Chanté à la première personne, Histoire de J renoue en effet pleinement avec le piano, placé au centre de toutes les compositions, à mon plus grand bonheur, moi qui adore cet instrument.Cherhal a réussi le prodige de trouver un vrai équilibre entre les mélodies des années 70 de Sanson, de Berger, et même de William Sheller, et son univers propre et personnel.Cette "histoire de J" est tout du long une merveille de raffinement, d'ambition, d'intelligence et d'audace, totalement en raccord avec la personnalité de l'artiste que je suis heureux de découvrir totalement à l'occasion de ce superbe disque.
Car tout au long des 10 titres de l'album, Jeanne Cherhal nous dresse le portrait parle d'une femme dans sa globalité, avec ses doutes, ses joies, ses désirs, ses angoisses, et ses contradictions, à mi chemin entre force et fragilité. Ces histoires de J. nous offrent des morceaux d'une ampleur et d'une poésie indéniables, et surtout un sens mélodique que je n'aurais imaginé chez elle.
Ainsi, "J'ai faim", le premier morceau, celui qui fait, mélodiquement du moins, le plus penser à Véronique Sanson (après Jeanne Cherhal va s'en démarquer progressivement), laisse parfaitement voir ce coté plein d'appétence et d'appétit de l'artiste : .
J’ai faim quand je te regarde
Je pourrai dévorer ton visage
Ta nuque et ton cou
Comme un amoureux jaloux
Attends-tu ça de moi
Et chacun des 10 titres nous offre une variation, une couleur divergente : on passe de chansons érotiques, presque libertines ( le très évocateur et pourtant magnifique "Cheval de feu" ), à des morceaux très intimes (le très beau "L'oreille coupée", un autoportrait drôle et touchant) ou à des chansons plus dénoncatrices sur la condition féminine; Jeanne Cherhal ayant toujours été assez militante à ce niveau là, mais jamais à mon sens avec autant de subtilité.
Je pense par exemple à Quand c’est non c’est non, un titre adressée aux femmes victimes d’abus. Les Françoises (La Grande Sophie, Camille, Olivia Ruiz, Emily Loizeau, Rosemary Standley) l’accompagnent sur la fin, où l’écho de leurs voix retentissent bien après la fin de la chanson, mais également à Noxolo, un vibrant hommage à Noxolo Nogwaza, une jeune femme Africaine assassinée en avril 2011 à Johannesburg, en raison de son homosexualité.
Un morceau permettant à l'artiste d'exprimer son indignation et sa sensibilité devant un fait malheureureusement toujours d'actualité dans certains Etats.
Cette Histoire de J réussit donc la gageure à la fois d'être un très beau disque d'introspection tout en étant éminement universel, chacun- et même les hommes, la preuve avec votre serviteur- pouvant se retrouver dans les textes de ces 10 titres, comme dans ce premier single extrait de l'album, ce si beau " L'échappé" :
Bref, cette Histoire de J, album aussi lumineux que le visage de Jeanne sur la pochette de l'album, fait d'ores et déjà, et de manière incontestable, et ce, même si l'année est loin d'être finie, partie des meilleurs albums de chanson française de 2014!!!
Le nouvel album de Jeanne Cherhal sortira le 10 mars et à cette occasion j’ai eu la chance de le recevoir il y a quelques semaines. Quel bonheur que d’entendre à nouveau cette artiste qui sait si bien écrire ! Car oui, son nouvel album s’écoute comme un livre se lit.
Il commence par une longue ouverture comme un prologue à une histoire. Au bout d’1:18 minute Jeanne prend la parole pour déclamer « J’ai faim » (titre du premier morceau).
Oui, elle a faim et elle va dévorer l’auditeur grâce à des textes simples et bien construits qui nous amènent dans son histoire à elle, tantôt intimiste tantôt ouverte lorsqu’elle raconte une histoire qui n’est pas forcément la sienne, mais fait tout de même partie d’elle.
Pour les plus aguerris, l’album commence en Do Majeur (plus enjoué) et se termine en Do Mineur (plus sombre).
En effet, c’est un album où la chanteuse parle de certains événements qui l’ont touchée au-delà de son histoire personnelle, comme Noxolo, cette jeune sud-africaine qui a été tuée parce qu’elle était lesbienne.
« Noxolo » est un bon exemple de la manière dont est construit l’album : la première moitié de la chanson est joyeuse, où l’on découvre Noxolo, sa vie, ce qu’elle aime et son amour pour une autre femme ; puis Jeanne marque une rupture en laissant de côté la voix pour reprendre quelques mesures au piano, faisant tomber le rythme pour continuer l’histoire et raconter la mort de Noxolo. L’album est composé sur le même modèle : decrescendo.
Le piano y tient une place prépondérante. Il est sur tous les morceaux et c’est lui rythme tout l’album. Il n’y a pas une chanson où sa présence n’est pas légitime. Il rend les choses plus douces, même sur des textes parfois durs. La voix de Jeanne accompagnée de l’instrument forment un duo sublime qui transporte l’auditeur bien au-delà de ce à quoi il aurait pu s’attendre.
C’est un disque surprenant et bourré de sincérité qui nous est livré. Je n’ai qu’un conseil pour vous : courrez l’achetez dès sa sortie !
Ma chanson préférée est celle qui ouvre le bal : « J’ai Faim ». Elle introduit les personnages et l’ambiance pour nous guider sur le ton du disque.
« J’ai faim quand je te regarde, je pourrais dévorer ton visage »
Cette première ligne est une de celles qui m’a le marqué. N’est-ce pas ce que l’on ressent lorsque l’on est amoureux ? Cette envie presque irrépressible de dévorer l’autre, cette envie de plus, où l’on est incapable de ressentir la satiété ?
Avec « J’ai Faim », elle pose les bases des 11 titres. L’album est plus serein, plus adulte, on y retrouve moins le côté acidulé et sucré des anciens. Il n’y a pas d’équivalent à « Voilà » ou « Le Petit Voisin » par exemple.
« Histoire de J. » continue sur la lancée de « Charade » (qui a déjà 4 ans) et va tout au long des morceaux enchaîner les histoires qu’elles soient joyeuses ou tristes.
Les derniers mots de « J’ai Faim » me laissent d’ailleurs une douce sensation, alors je vous les mets ici pour que vous en profitiez un peu également.
« J’ai faim de lait, de riz blanc, de verbe féminin, de musique, de dents sur mon cou,
J’ai faim d’un amoureux fou, tu sais j’ai faim, souvent.
J’ai faim de mots étouffants, de perles d’eau, de forêts antiques, de cris, de naissance et de bruits dans le silence, tu sais j’ai faim de tout »
C’est « L’Echappé » qui continue le début de l’album. Avec cette chanson dont est tiré le premier single, on y entend la douleur lancinante due à l’absence de l’autre. Elle y décrit une fille qui court après un homme, mais homme ou femme les rôles peuvent bien être inversés. Il est intéressant de noter que dans le clip, nous ne voyons pas à quoi ressemble cet autre après qui elle court. Nous sommes libres de nous l’imaginer, de nous l’approprier, pour mieux faire nôtre la chanson. Le réalisateur a eu la bonne idée de nous laisser libre de nous en faire une représentation.
Nous avons tous vécu cette histoire où l’on court après une personne qui ne fait que nous échapper. Il n’est pas si difficile de se retrouver dans ses paroles et l’énergie déployée dans la chanson. Ces 30s où la musique éclate, où le piano prend toute sa place et est accompagné par les cuivres nous fait ressentir l’urgence, celle que l’on a quand on ne sait plus quoi faire pour rattraper l’autre qui se barre.
Mais « Histoire de J. » ce n’est pas seulement des histoires d’amour, c’est un album emprunt de féminisme comme nous l’a très bien dit son auteure lors d’une rencontre organisée par le label (merci Maison Barclay pour ce joli moment).
En dehors de « Noxolo » il y a la très belle « Quand C’est Non C’est Non ». Le texte est grave et contraste avec les voix de Jeanne et de ses amies Les Françoises (Olivia Ruiz, La Grande Sophie, Emilie Loizeau, Rosemary Standley et Camille) qui l’accompagnent en canon sur le morceau. Je ne vais pas vous faire de dessin, il me semble que le titre de la chanson parle de lui-même.
Un autre titre qui a fait tressaillir mes oreilles de plaisir est « Bingo ». Ne résistant pas à une jolie histoire, j’ai été touché par ce titre. Evidemment, il me rappelle quelque chose que j’ai vécu : cette rencontre imprévue qu’on n’attendait pas, qu’on n’avait pas planifiée, et qui arrive quand même. Un mot enchaîne sur un autre et on se retrouve au milieu d’une conversation qu’on voudrait ne jamais quitter. Et bien c‘est ce que retranscrit « Bingo ». Si on le transpose au masculin (oui je ne suis pas une femme pour les deux du fond qui se seraient plantés de blog), c’est exactement ce qu’il m’est arrivé, alors forcément cette chanson elle fait boum boum dans mon petit cœur (tu peux sourire ou rire, c’est fait pour).
Pour finir, je vous parlerai de « Comme Je T’attends ». Et oui, pour beaucoup de femmes la maternité est quelque chose d’important, comme pour moi l’est la paternité.
Et c’est dans cette « Histoire de J. » que je la trouve la plus touchante. En effet, la chanson est comme une comptine pleine d’amour à destination de cet enfant pas encore né. Jeanne y décrit tout l’amour qu’elle a pour ce petit être qui n’existe pas encore réellement, mais est bien présent dans son cœur. Encore une fois, les mots sont justes et touchent là où il faut. On se sent proche d’elle et de son envie et si jamais nous aussi on y a pensé un jour, la chanson crée un réel écho.
« Je voudrais te parler ce soir
Te toucher, sentir ton cou
Sans te connaître et sans te voir, c’est un peu bizarre je l’avoue
Te regarder dans tes grands yeux, deviner tout ce qu’ils contiennent
Tenir comme les doigts de Dieu, ta main plus douce que la mienne
Mon amour, mon amour, si tu savais comme je t’attends
A la nuit pâle, au petit jour, je pense à toi tout le temps »
Pour rappel, l’album sortira le 10 mars et vous pouvez aller sur sa page Facebook pour avoir des infos (très régulières).
Le nouvel album de Jeanne Cherhal sortira le 10 mars et à cette occasion j’ai eu la chance de le recevoir il y a quelques semaines. Quel bonheur que d’entendre à nouveau cette artiste qui sait si bien écrire ! Car oui, son nouvel album s’écoute comme un livre se lit.
Il commence par une longue ouverture comme un prologue à une histoire. Au bout d’1:18 minute Jeanne prend la parole pour déclamer « J’ai faim » (titre du premier morceau).
Oui, elle a faim et elle va dévorer l’auditeur grâce à des textes simples et bien construits qui nous amènent dans son histoire à elle, tantôt intimiste tantôt ouverte lorsqu’elle raconte une histoire qui n’est pas forcément la sienne, mais fait tout de même partie d’elle.
Pour les plus aguerris, l’album commence en Do Majeur (plus enjoué) et se termine en Do Mineur (plus sombre).
En effet, c’est un album où la chanteuse parle de certains événements qui l’ont touchée au-delà de son histoire personnelle, comme Noxolo, cette jeune sud-africaine qui a été tuée parce qu’elle était lesbienne.
« Noxolo » est un bon exemple de la manière dont est construit l’album : la première moitié de la chanson est joyeuse, où l’on découvre Noxolo, sa vie, ce qu’elle aime et son amour pour une autre femme ; puis Jeanne marque une rupture en laissant de côté la voix pour reprendre quelques mesures au piano, faisant tomber le rythme pour continuer l’histoire et raconter la mort de Noxolo. L’album est composé sur le même modèle : decrescendo.
Le piano y tient une place prépondérante. Il est sur tous les morceaux et c’est lui rythme tout l’album. Il n’y a pas une chanson où sa présence n’est pas légitime. Il rend les choses plus douces, même sur des textes parfois durs. La voix de Jeanne accompagnée de l’instrument forment un duo sublime qui transporte l’auditeur bien au-delà de ce à quoi il aurait pu s’attendre.
C’est un disque surprenant et bourré de sincérité qui nous est livré. Je n’ai qu’un conseil pour vous : courrez l’achetez dès sa sortie !
Ma chanson préférée est celle qui ouvre le bal : « J’ai Faim ». Elle introduit les personnages et l’ambiance pour nous guider sur le ton du disque.
« J’ai faim quand je te regarde, je pourrais dévorer ton visage »
Cette première ligne est une de celles qui m’a le marqué. N’est-ce pas ce que l’on ressent lorsque l’on est amoureux ? Cette envie presque irrépressible de dévorer l’autre, cette envie de plus, où l’on est incapable de ressentir la satiété ?
Avec « J’ai Faim », elle pose les bases des 11 titres. L’album est plus serein, plus adulte, on y retrouve moins le côté acidulé et sucré des anciens. Il n’y a pas d’équivalent à « Voilà » ou « Le Petit Voisin » par exemple.
« Histoire de J. » continue sur la lancée de « Charade » (qui a déjà 4 ans) et va tout au long des morceaux enchaîner les histoires qu’elles soient joyeuses ou tristes.
Les derniers mots de « J’ai Faim » me laissent d’ailleurs une douce sensation, alors je vous les mets ici pour que vous en profitiez un peu également.
« J’ai faim de lait, de riz blanc, de verbe féminin, de musique, de dents sur mon cou,
J’ai faim d’un amoureux fou, tu sais j’ai faim, souvent.
J’ai faim de mots étouffants, de perles d’eau, de forêts antiques, de cris, de naissance et de bruits dans le silence, tu sais j’ai faim de tout »
C’est « L’Echappé » qui continue le début de l’album. Avec cette chanson dont est tiré le premier single, on y entend la douleur lancinante due à l’absence de l’autre. Elle y décrit une fille qui court après un homme, mais homme ou femme les rôles peuvent bien être inversés. Il est intéressant de noter que dans le clip, nous ne voyons pas à quoi ressemble cet autre après qui elle court. Nous sommes libres de nous l’imaginer, de nous l’approprier, pour mieux faire nôtre la chanson. Le réalisateur a eu la bonne idée de nous laisser libre de nous en faire une représentation.
Nous avons tous vécu cette histoire où l’on court après une personne qui ne fait que nous échapper. Il n’est pas si difficile de se retrouver dans ses paroles et l’énergie déployée dans la chanson. Ces 30s où la musique éclate, où le piano prend toute sa place et est accompagné par les cuivres nous fait ressentir l’urgence, celle que l’on a quand on ne sait plus quoi faire pour rattraper l’autre qui se barre.
Mais « Histoire de J. » ce n’est pas seulement des histoires d’amour, c’est un album emprunt de féminisme comme nous l’a très bien dit son auteure lors d’une rencontre organisée par le label (merci Maison Barclay pour ce joli moment).
En dehors de « Noxolo » il y a la très belle « Quand C’est Non C’est Non ». Le texte est grave et contraste avec les voix de Jeanne et de ses amies Les Françoises (Olivia Ruiz, La Grande Sophie, Emilie Loizeau, Rosemary Standley et Camille) qui l’accompagnent en canon sur le morceau. Je ne vais pas vous faire de dessin, il me semble que le titre de la chanson parle de lui-même.
Un autre titre qui a fait tressaillir mes oreilles de plaisir est « Bingo ». Ne résistant pas à une jolie histoire, j’ai été touché par ce titre. Evidemment, il me rappelle quelque chose que j’ai vécu : cette rencontre imprévue qu’on n’attendait pas, qu’on n’avait pas planifiée, et qui arrive quand même. Un mot enchaîne sur un autre et on se retrouve au milieu d’une conversation qu’on voudrait ne jamais quitter. Et bien c‘est ce que retranscrit « Bingo ». Si on le transpose au masculin (oui je ne suis pas une femme pour les deux du fond qui se seraient plantés de blog), c’est exactement ce qu’il m’est arrivé, alors forcément cette chanson elle fait boum boum dans mon petit cœur (tu peux sourire ou rire, c’est fait pour).
Pour finir, je vous parlerai de « Comme Je T’attends ». Et oui, pour beaucoup de femmes la maternité est quelque chose d’important, comme pour moi l’est la paternité.
Et c’est dans cette « Histoire de J. » que je la trouve la plus touchante. En effet, la chanson est comme une comptine pleine d’amour à destination de cet enfant pas encore né. Jeanne y décrit tout l’amour qu’elle a pour ce petit être qui n’existe pas encore réellement, mais est bien présent dans son cœur. Encore une fois, les mots sont justes et touchent là où il faut. On se sent proche d’elle et de son envie et si jamais nous aussi on y a pensé un jour, la chanson crée un réel écho.
« Je voudrais te parler ce soir
Te toucher, sentir ton cou
Sans te connaître et sans te voir, c’est un peu bizarre je l’avoue
Te regarder dans tes grands yeux, deviner tout ce qu’ils contiennent
Tenir comme les doigts de Dieu, ta main plus douce que la mienne
Mon amour, mon amour, si tu savais comme je t’attends
A la nuit pâle, au petit jour, je pense à toi tout le temps »
Pour rappel, l’album sortira le 10 mars et vous pouvez aller sur sa page Facebook pour avoir des infos (très régulières).
Le nouvel album de Jeanne Cherhal sortira le 10 mars et à cette occasion j’ai eu la chance de le recevoir il y a quelques semaines. Quel bonheur que d’entendre à nouveau cette artiste qui sait si bien écrire ! Car oui, son nouvel album s’écoute comme un livre se lit.
Il commence par une longue ouverture comme un prologue à une histoire. Au bout d’1:18 minute Jeanne prend la parole pour déclamer « J’ai faim » (titre du premier morceau).
Oui, elle a faim et elle va dévorer l’auditeur grâce à des textes simples et bien construits qui nous amènent dans son histoire à elle, tantôt intimiste tantôt ouverte lorsqu’elle raconte une histoire qui n’est pas forcément la sienne, mais fait tout de même partie d’elle.
Pour les plus aguerris, l’album commence en Do Majeur (plus enjoué) et se termine en Do Mineur (plus sombre).
En effet, c’est un album où la chanteuse parle de certains événements qui l’ont touchée au-delà de son histoire personnelle, comme Noxolo, cette jeune sud-africaine qui a été tuée parce qu’elle était lesbienne.
« Noxolo » est un bon exemple de la manière dont est construit l’album : la première moitié de la chanson est joyeuse, où l’on découvre Noxolo, sa vie, ce qu’elle aime et son amour pour une autre femme ; puis Jeanne marque une rupture en laissant de côté la voix pour reprendre quelques mesures au piano, faisant tomber le rythme pour continuer l’histoire et raconter la mort de Noxolo. L’album est composé sur le même modèle : decrescendo.
Le piano y tient une place prépondérante. Il est sur tous les morceaux et c’est lui rythme tout l’album. Il n’y a pas une chanson où sa présence n’est pas légitime. Il rend les choses plus douces, même sur des textes parfois durs. La voix de Jeanne accompagnée de l’instrument forment un duo sublime qui transporte l’auditeur bien au-delà de ce à quoi il aurait pu s’attendre.
C’est un disque surprenant et bourré de sincérité qui nous est livré. Je n’ai qu’un conseil pour vous : courrez l’achetez dès sa sortie !
Ma chanson préférée est celle qui ouvre le bal : « J’ai Faim ». Elle introduit les personnages et l’ambiance pour nous guider sur le ton du disque.
« J’ai faim quand je te regarde, je pourrais dévorer ton visage »
Cette première ligne est une de celles qui m’a le marqué. N’est-ce pas ce que l’on ressent lorsque l’on est amoureux ? Cette envie presque irrépressible de dévorer l’autre, cette envie de plus, où l’on est incapable de ressentir la satiété ?
Avec « J’ai Faim », elle pose les bases des 11 titres. L’album est plus serein, plus adulte, on y retrouve moins le côté acidulé et sucré des anciens. Il n’y a pas d’équivalent à « Voilà » ou « Le Petit Voisin » par exemple.
« Histoire de J. » continue sur la lancée de « Charade » (qui a déjà 4 ans) et va tout au long des morceaux enchaîner les histoires qu’elles soient joyeuses ou tristes.
Les derniers mots de « J’ai Faim » me laissent d’ailleurs une douce sensation, alors je vous les mets ici pour que vous en profitiez un peu également.
« J’ai faim de lait, de riz blanc, de verbe féminin, de musique, de dents sur mon cou,
J’ai faim d’un amoureux fou, tu sais j’ai faim, souvent.
J’ai faim de mots étouffants, de perles d’eau, de forêts antiques, de cris, de naissance et de bruits dans le silence, tu sais j’ai faim de tout »
C’est « L’Echappé » qui continue le début de l’album. Avec cette chanson dont est tiré le premier single, on y entend la douleur lancinante due à l’absence de l’autre. Elle y décrit une fille qui court après un homme, mais homme ou femme les rôles peuvent bien être inversés. Il est intéressant de noter que dans le clip, nous ne voyons pas à quoi ressemble cet autre après qui elle court. Nous sommes libres de nous l’imaginer, de nous l’approprier, pour mieux faire nôtre la chanson. Le réalisateur a eu la bonne idée de nous laisser libre de nous en faire une représentation.
Nous avons tous vécu cette histoire où l’on court après une personne qui ne fait que nous échapper. Il n’est pas si difficile de se retrouver dans ses paroles et l’énergie déployée dans la chanson. Ces 30s où la musique éclate, où le piano prend toute sa place et est accompagné par les cuivres nous fait ressentir l’urgence, celle que l’on a quand on ne sait plus quoi faire pour rattraper l’autre qui se barre.
Mais « Histoire de J. » ce n’est pas seulement des histoires d’amour, c’est un album emprunt de féminisme comme nous l’a très bien dit son auteure lors d’une rencontre organisée par le label (merci Maison Barclay pour ce joli moment).
En dehors de « Noxolo » il y a la très belle « Quand C’est Non C’est Non ». Le texte est grave et contraste avec les voix de Jeanne et de ses amies Les Françoises (Olivia Ruiz, La Grande Sophie, Emilie Loizeau, Rosemary Standley et Camille) qui l’accompagnent en canon sur le morceau. Je ne vais pas vous faire de dessin, il me semble que le titre de la chanson parle de lui-même.
Un autre titre qui a fait tressaillir mes oreilles de plaisir est « Bingo ». Ne résistant pas à une jolie histoire, j’ai été touché par ce titre. Evidemment, il me rappelle quelque chose que j’ai vécu : cette rencontre imprévue qu’on n’attendait pas, qu’on n’avait pas planifiée, et qui arrive quand même. Un mot enchaîne sur un autre et on se retrouve au milieu d’une conversation qu’on voudrait ne jamais quitter. Et bien c‘est ce que retranscrit « Bingo ». Si on le transpose au masculin (oui je ne suis pas une femme pour les deux du fond qui se seraient plantés de blog), c’est exactement ce qu’il m’est arrivé, alors forcément cette chanson elle fait boum boum dans mon petit cœur (tu peux sourire ou rire, c’est fait pour).
Pour finir, je vous parlerai de « Comme Je T’attends ». Et oui, pour beaucoup de femmes la maternité est quelque chose d’important, comme pour moi l’est la paternité.
Et c’est dans cette « Histoire de J. » que je la trouve la plus touchante. En effet, la chanson est comme une comptine pleine d’amour à destination de cet enfant pas encore né. Jeanne y décrit tout l’amour qu’elle a pour ce petit être qui n’existe pas encore réellement, mais est bien présent dans son cœur. Encore une fois, les mots sont justes et touchent là où il faut. On se sent proche d’elle et de son envie et si jamais nous aussi on y a pensé un jour, la chanson crée un réel écho.
« Je voudrais te parler ce soir
Te toucher, sentir ton cou
Sans te connaître et sans te voir, c’est un peu bizarre je l’avoue
Te regarder dans tes grands yeux, deviner tout ce qu’ils contiennent
Tenir comme les doigts de Dieu, ta main plus douce que la mienne
Mon amour, mon amour, si tu savais comme je t’attends
A la nuit pâle, au petit jour, je pense à toi tout le temps »