Quelque chose m’a frappé lors de la soirée électorale de Dimanche dernier
(sur France 2), ce fut le nombre d’intervenants qui ont trouvé le moyen
d’accabler l’Europe et plus spécialement la Commission Européenne, coupable
d’imposer la rigueur à la France. Rigueur qui, bien entendu, est la cause de
tous nos maux. Seul le pauvre Moscovici n’a pas voulu utiliser cet argument
pour expliquer la cuisante défaite du PS aux municipales. Et à tout point de
vue il était bien seul. Cela préjuge assez bien de ce que sera la campagne pour
les européennes.
Pourtant, soyons clair, net et précis, la France ne connait pas la rigueur
!
Sauf à ce qu’on appelle rigueur le fait de ne pas pouvoir dépenser toujours
plus sans aucune retenue.
En France, il n’y a pas eu de baisse des dépenses publiques, ni de baisse
sensible du pouvoir d’achat…du moins pour ceux qui ont la chance d’avoir un
boulot.
La France ne connait pas la rigueur, mais elle connait le chômage. Le seul
véritable problème des français, il est là.
Et ceux qui nous racontent que s’il y a du chômage c’est à cause de la
politique de rigueur dictée par Bruxelles qui bloquerait la croissance, sont de
gros bonimenteurs.
Je ne savais pas encore, à ce moment là, que François Hollande allait, dès
le lendemain, et apparemment sans aucun état d’âme, annoncer son intention de
demander à la dite Commission européenne un délai supplémentaire pour atteindre
les objectifs de 3% de déficit.
Il faut dire que, le Vendredi même, le déficit 2013 avait été annoncé à 4,3%
soit au-delà des 4,1% espérés.
Ces mêmes 4,1% ayant eux même succédé pas plus tard qu’en Septembre 2013 aux
3,7% initialement prévus.
Autant dire que cette affaire était de toute façon mal engagée.
Ce qui est pénible dans cette histoire, c’est que cette fin provisoire du
fol espoir de passer sous les 3% en 2015 était non seulement largement
prévisible mais largement prévue. Sans aucune prétention en la matière, je me
vois écrire dès
Novembre 2012 qu’on en arriverait là. Pourtant, il y a peu, Moscovici ou
Cazeneuve, nous affirmaient encore "La France a une trajectoire de finances
publiques qu'elle a présentée à la Commission européenne et elle s'y
tient".
Après la courbe du chômage qui devait s’inverser gaillardement avant la fin
de l’année…2013, c’est clairement un nouvel échec pour François Hollande. Sauf
que celui-là, il ne fait pas perdre une élection. Au contraire, il va permettre
à François Hollande ou plus probablement à Montebourg d’entrer dans le jeu de
ceux qui accusent l’Europe avec ses exigences iniques de casser la relance par
trop de rigueur. L’habituel bouc émissaire, l’Europe !
François Hollande va expliquer aux Français qu’il a compris leur message et
qu’il en a tiré la conclusion qu’il ne fallait pas aller trop vite dans la
diminution des déficits publics.
Les 3% exigés non pas par la Commission européenne, comme on se complait à
le dire, mais par l’ensemble des pays qui ont créés l’Euro, ne sont, certes
qu’un chiffre symbolique, mais les symboles sont importants. En l’occurrence,
ce symbole il marque la capacité d’un pays à avoir un budget (à peu près)
équilibré, c'est-à-dire à ne pas financer ses dépenses de fonctionnement avec
de l’argent emprunté. Dette que nous léguerons à nos enfants comme un énorme
boulet.
Or manifestement, nous en sommes parfaitement incapables.
La Commission européenne, s’est empressé de nous rappeler que l’échéance des
3 % avait déjà été décalée par deux fois (uniquement ces dernières année, il y
a eu précédemment de fâcheux précédents). Et à chaque fois, la France à pris un
nouvel engagement, et à chaque fois, elle s’est assise dessus sans
complexe.
Cela dit, soyons réalistes, il ne servirait à rien de faire mine de
s’accrocher au dernier en date tout le monde sait pertinemment qu’il est hors
de portée. Mais le Gouvernement a intérêt à aller voir la Commission européenne
avec quelques biscuits dans sa besace. Sinon ce n’est pas la Commission
européenne qui va nous punir, ce sont les préteurs de l’argent dont nous avons
de plus en plus besoin.
De toute façon il est à craindre que ce report soit d’une part insuffisant
(on parle d’1 an) et surtout qu’il serve de nouveau prétexte pour ne pas
engager les réformes de fond qu’il faut engager. Déjà, au Pacte de
responsabilité, dont personne à ce jour ne sait comment il sera financé,
François Hollande vient de rajouter un « pacte de solidarité » à
propos duquel la seul chose dont on peut être certains c’est qu’il sera
couteux.
L’Europe et l’Euro vont s’en prendre plein la tronche parce que c’est
clairement beaucoup plus facile d’accabler les « technocrates de
Bruxelles » qui, rappelons le, ne font qu’appliquer la politique définie
par les pays européens, que de s’interroger sur l’incapacité de la France à
réduire ses déficits et son chômage.
Parce qu’il y a quelque chose que tous ces gens évitent de dire, c’est que
l’échec de l’Europe ou de l’Euro, si échec il y a, c’est avant tout l’échec de
la France, pourtant un de ses principaux bâtisseurs, à s’adapter au monde qui
change. Ses créateurs ne pensaient pas que la France se retrouverait un jour,
dans le lot des pays maillon faibles du dispositif. L’Europe et surtout l’Euro
ne pouvaient fonctionner que si les principaux pays qui le compose avancent
dans le même sens et tendent à se rejoindre. Or le plus gros pays qui a failli
à sa tâche, c’est bien la France. D’une certaine manière la France n’a pas été
à la hauteur de l’Europe.
Critiquer l’Europe sera très prisé dans les mois à venir, il faut dire qu’il
a ce mérite énorme, de nous permettre d'éviter de regarder en face nos propres
incohérences.